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L’annonce de Gaïd Salah est-elle un acte contre-révolutionnaire ?

En déphasage des exigences de la rue

L’annonce de Gaïd Salah est-elle un acte contre-révolutionnaire ?

Le chef d’état-major et vice-ministre de la Défense de Bouteflika, Gaïd Salah vient de franchir un cap en demandant l’application et l’enclenchement de l’article 102 de la Constitution, à savoir de constater « vacances du pouvoir ».

Cette étape franchie par l’État-Major de l’armée suffira-t-elle pour faire rentrer le peuple « à la maison » alors que cette prise de position a été espérée bien longtemps avant les manifestations du 22 février ? Car depuis, le niveau des exigences de la rue a été hissé plus haut : ce n’est plus le rejet du 5e mandat de Bouteflika ni son départ, mais la rue réclame d’en finir avec le système qui a engendré le processus du 5e mandat et responsable de la faillite du pays.

C’est la raison pour laquelle la demande d’Ahmed Gaïd Salah arrive, forcé est de le constater, bien en retard.

Pour la majorité des manifestants, la question du départ de Bouteflika est déjà tranchée et elle est bien derrière et dépassée. Et ce que semble ne pas comprendre le régime, c’est qu’il refuse de voir qu’on assiste à une révolution « blanche ».  À lire les dispositions de l’article 102 de la Constitution, il ne s’agira que de remplacer Bouteflika : car d’abord il y a constatation par le Conseil Constitutionnel de la vacance provisoire du pouvoir entérinée par les 2/3 des deux chambres parlementaires réunies et le président du Sénat qui aura en charge pendant 45 jours la gestion de l’État.

Au bout de cette période, au-delà du 28 avril, les deux chambres se réunissent de nouveau pour constater la vacance définitive du pouvoir et à ce moment-là il y aura enclenchement à nouveau du processus électoral et ce, pour une durée qui ne dépassera pas les 90 jours, laquelle durée sera gérée toujours par Abdelkader Bensalah, président du Sénat.

Toutes ces dispositions ne semblent pas être à la hauteur des exigences de la rue, qui d’une semaine à une autre, montre une maturité politique en exigeant un changement radical. Et ce n’est plus seulement une question d’hommes et d’institutions, mais un changement dans le contenu, les méthodes de gouvernance et les pratiques.

Les deux chambres parlementaires dont la présidence du Sénat, tenue depuis 2000 par Abdelkader Bensalah, sont le symbole du système honni duquel justement l’on veut se débarrasser. Comme d’ailleurs les partis État, FLN et RND, tenus responsables de déliquescence de l’État, de détérioration du niveau de vie des algériens, du clientélisme ambiant et de la corruption générale et à tous les niveaux.

Considérés comme le bras armé du système moribond, ils ne peuvent être partie prenante dans le changement, comme n’ont cessé de clamer des centaines de milliers de manifestants. Ils demandent même leur dissolution : à rendre le sigle du FLN à la collectivité nationale et à l’histoire ainsi qu’à récupérer les biens accaparés par les deux partis en usant de leur position qui se confond avec l’administration.

En déphasage par rapport à l’exigence de la rue, la sortie de Gaïd Salah risque d’être interprétée comme une tentative d’avortement du mouvement et de la « révolution ».  Elle intervient au moment où la rue est à une phase d’autogestion, d’organisation, de structuration en rêvant de l’avenir consacrant, la justice indépendante, la citoyenneté pour toutes et tous, la séparation des pouvoirs et l’égalité…

De ce point vue, la demande du général-major Gaïd Salah, prise à part, sans l’accompagner par d’autres mesures, peut être assimilée à un coup de poignard dans le dos de « la révolution », si ce n’est pas un acte « contre-révolutionnaire».

 

Auteur
Youcef Rezzoug

 




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