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L’Appel de Genève : la marche pour le respect des droits de l’Homme en Algérie

ENTRETIEN

L’Appel de Genève : la marche pour le respect des droits de l’Homme en Algérie

Depuis Genève au siège du Haut-Commissariat aux droits de l’Homme deux avocats militants pour le respect des droits de l’Homme : Maître Nacéra Haddouche en Algérie est membre du Comité National pour la libération des détenus (CNLD), et Maître Lachemi Belhocine en Suisse, président des Algériens Sans Frontières (ASF). Tous deux appellent aux respects des droits des détenus d’opinion algériens ainsi qu’à leur libération. 

Me Lachemi Belhocine, militant des droits de l’homme.

Dans cette interview commune accordée au média Le Matin d’Algérie, ces deux avocats retracent également l’esprit de leur engagement pour la Marche de huit jours vers Genève entamée le 15 aout 2020 par la Diaspora algérienne en Europe. 

Le Matin d’Algérie : Comment est née cette marche vers Genève et pourquoi ?

Me Nacéra Haddouche : Depuis les dates du 16 – 22 février 2019, des manifestations pacifiques et hebdomadaires de centaines de milliers de citoyennes et citoyens algérien(ne)s pour la dignité humaine, contre le système et pour un changement radical ont lieu en Algérie. Elles se sont fixées le but de renouer avec notre amazighité et algérianité, et réclament l’instauration de la primauté du pouvoir civil, dans le respect des libertés et des droits de l’Homme garanti par la Constitution et les textes internationaux, ratifiés par l’Algérie, 

Le régime ne répond que par la répression qui s’accentue davantage depuis l’élection du 12/12/2019, celle-ci rejetée par la majorité écrasante du peuple algérien. L’apparition de la pandémie Covid-19 de surcroît a contraint le mouvement populaire à suspendre ses manifestations pacifiques,

Devant cette situation alarmante d’arrestations et de détentions arbitraires, de procès iniques, la diaspora algérienne, composée des collectifs d’associations indépendantes, a décidé de s’associer afin de porter haut la voix des détenus d’opinion d’Algérie, en organisant notamment cette marche vers Genève au siège du Haut-Commissariat des droits de l’Homme de l’ONU, à l’occasion de l’ouverture de la cession sur les arrestations et détentions arbitraires dans le monde prévue pour le 24/08/2020 

Me Lachemi Belhocine : ASF (Algériens Sans Frontières) a déjà entamé une démarche similaire le 06 octobre 2019 au siège de l’ONU à New York en déposant à l’intention d’Antonio Guterres, Secrétaire Général de l’ONU une lettre pour sensibiliser l’opinion internationale sur le risque d’ingérence dans les affaires algéro-algériennes et pour dénoncer les arrestations arbitraires commises par certains membres du régime sur les citoyens algériens.

Partant, cette marche est une suite de la mobilisation de la diaspora. Depuis le confinement en raison du Covid-19, les arrestations se sont multipliées si bien qu’on peut légitimement se questionner sur les réelles intentions politiques sur ces arrestations arbitraires. L’exemple récent de l’arrestation et de la condamnation notamment d’un journaliste qui n’a pourtant fait qu’exercer son métier nous amène à manifester notre grave inquiétude quant au respect des droits et les libertés des Algériennes et Algériens. 

En étant rigoureusement légaliste, nous nous inscrivons dans le strict respect de la loi et nul n’est au-dessus de la loi. La constitution algérienne de 2016 interdit pourtant de priver les citoyens de leur libertés, sous toutes leurs formes. Or, depuis le début du confinement, nous assistons à l’arrestation de citoyens ayant publié sur les réseaux sociaux des faits, images ou déclarations, qui à notre sens ne peuvent justifier une condamnation et encore moins une mise en détention préventive. La mise en préventive doit rester une mesure d’exception et non un outil de gestion politique de la situation actuelle. 

Plus grave encore, le non-sens de la récente loi liberticide réprimant les auteurs de publications notamment sur les réseaux sociaux. Cet outil juridique est utilisé à tort et à travers pour tenter d’étouffer toute critique qui dénoncerait des anomalies ou mauvaises gestion des affaires publiques.

Le Matin d’Algérie : Par cette marche citoyenne vers l’Instance des Nations unies, quels sont les buts recherchés auprès du Haut-Commissariat aux droits de l’Homme de l’ONU à Genève ?

Me Nacéra Haddouche : L’Algérie est membre des Nations unies, elle a ratifié la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et le Pacte International relatif aux Droits civils et politiques, par cette ratification l’Algérie s’engage à en appliquer les dispositions.

L’objectif est de signaler et de dénoncer les violations flagrantes des droits fondamentaux des citoyens algériens. Que Mme la Présidente du Haut-Commissaire des Nations unies aux Droits de l’Homme, interpelle dans les meilleurs délais l’Etat algérien pour que cessent ces agressions publiques des forces de l’ordre sur ces manifestants pacifiques et ces violations au nom du droit inaliénable de tout peuple à s’exprimer librement et à manifester pacifiquement pour le respect de la Constitution et de la démocratie.

 Me Lachemi Belhocine : L’Algérie est membre de l’ONU. L’argent du peuple Algériens sert à payer les cotisations en sa qualité de membre, notamment 80’000.-$/ an, rien qu’à l’ONU. Il est rappelé que l’Algérie est signataire de la Déclaration universelle des droits de l’Homme. Il est également rappelé que l’ONU a pour mission, à travers des diverses organisations, de veiller au respect, entres autres, des droits civils et politiques des citoyens. De concert avec nos compatriotes en Algérie, il a été décidé de sensibiliser le Haut-commissariat aux droits de l’Homme sur la situation des droits et libertés des citoyens en Algérie, afin de rappeler aux autorités Algériennes leurs engagements internationaux en matière des droits de l’Homme.

Le Matin d’Algérie : Au-delà de la diaspora algérienne, quels sont les promoteurs de cette initiative ?

Me Nacéra Haddouche : Tous les militants des droits de l’homme qui œuvrent pour le respect de la dignité humaine et la démocratie.

Me Lachemi Belhocine : Clairement, ce sont des forces progressistes, démocrates, légalistes et modernes issues du mouvement populaire appelé le « Hirak ». Ce mouvement est porté en particulier par une jeunesse soucieuse du respect des droits et des libertés des citoyens. Il y a lieu ici de rendre hommage à cette jeunesse qui a ébloui le monde par sa maturité politique, son ingéniosité et son pacifisme. Il n’est pas sans rappeler que pendant plus d’une année, le Hirak a su déjouer les nombreux pièges et tentatives de manipulation. Il a su rester fidèle à ses principes fondamentaux que sont notamment, l’avènement d’un Etat de droit, de justice sociale et indépendante. 

 ASF a décidé à l’unanimité de soutenir en qualité de partenaire de cette initiative, cette marche pour la dignité et le respect des droits fondamentaux des citoyens Algériens.

Le Matin d’Algérie : Enfin qu’attendez-vous de cette démarche auprès de nos concitoyens et du gouvernement algérien ?

Me Nacéra Haddouche : Au citoyen de bien comprendre que c’est un mécanisme et un moyen de lutte pacifique pour défendre ses droits fondamentaux. Et au gouvernement algérien ne pas juste ratifier les textes internationaux pour les laisser lettre morte sans s’y conformer, mais au contraire œuvrer à leurs applications rigoureuse afin d’assurer la stabilité et la paix dans le pays.        

Me Lachemi Belhocine : Nous interpellons les plus hautes autorités à faire preuve de responsabilité, de sagesse et de magnanimité. Citons à ce propos feu Mouloud Mammeri : « on peut tenter de dévier ou de manipuler un peuple, ce dernier finit toujours par atteindre son destin qu’est la liberté ». Pour finir, nous attendons de nos concitoyens une mobilisation forte et solide et ce jusqu’à la libération de tous les détenus d’opinion.

Auteur
Lyazid B.

 




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