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« L’arbre ou la maison » d’Azouz Begag

REGARD

« L’arbre ou la maison » d’Azouz Begag

« Nous traversâmes de nouveau notre quartier comme des touristes étrangers. Impossible d’y raccrocher le moindre de nos souvenirs. Les jeunes que naguère nous aimions retrouver l’été étaient morts, ou morts-vivants, disparus sans laisser d’adresse sur des continents sublimés. Certains avaient émigré en France par facilité, en Australie pour l’immensité ou au Québec pour les aurores boréales. » Azouz Begag, « L’arbre ou la maison »

Il a fallu attendre la mort de leur mère pour que le narrateur, Azouz, et son frère Samy se décident enfin, après une longue absence, à se rendre à Sétif pour s’occuper de la maison familiale complètement à l’abandon. Samy, amoureux des arbres et qui ne rêvait que de s’occuper d’eux toute sa vie, a ramené dans un Tupperware des cerises de son jardin de Vienne pour les planter sur la tombe de ses parents. Il revient à Sétif pratiquement contraint à le faire par son frère cadet. Il ne connaît plus personne et ne veut plus entendre parler du pays de ses ancêtres.

Azouz, au contraire, a hâte d’y être et de suivre le mouvement de cette révolution du sourire, le hirak (que curieusement il appelle lirac parce que le h serait difficilement prononçable en français) qui, vendredi après vendredi, perturbe les us et coutumes des potentats au pouvoir depuis l’indépendance.

L’Algérie est en train de bouger grâce à sa jeunesse et Azouz aimerait voir de quoi il retourne. C’est une des raisons qui l’a poussé à convaincre son frère aîné de faire le voyage. Mais il y a une autre raison, secrète celle-là, celle de revoir le beau sourire de Ryme, la gazelle qui a fait battre son cœur lorsqu’il était dans la fleur de l’âge.

L’atterrissage de l’avion sur le tarmac de l’aéroport de Sétif, les premiers pas dans la salle de débarquement et les tractations avec la police des frontières constituent un morceau de toute beauté.

Les deux frères se rendent très vite compte qu’ils n’arrivent plus rien à reconnaître et que tout leur semble étranger. Ils se rendent également compte qu’ils ne sont plus que des inconnus pour ceux qui résident sur place. Le seul élément immuable est ce peuplier massif que le père des deux hommes a planté des dizaines d’années auparavant. Il est resté là, immobile depuis plus de cinquante ans, juste devant la maison. Le problème, c’est qu’il n’a jamais arrêté de pousser et de prendre de l’ampleur jusqu’à mettre en danger la structure même de la maison. Voilà la pire des décisions à prendre pour les deux visiteurs : choisir d’abattre l’arbre pour sauver la maison ou le laisser vivre sa propre vie quitte à ce que la maison soit détruite par les racines.

Azouz Begag réussit avec ce roman un coup de maître. Avec délicatesse mais non sans humour, un souffle de tendre nostalgie nous saisit à chaque page. Ce roman nous parle de notre propre enfance et de cette terre assoiffée de liberté.

Un beau roman et un sujet qui nous tient en haleine.

Auteur
Kamel Bencheikh

 




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