Que le lecteur se rassure, l’Allemagne reste pour moi un immense pays européen, au potentiel économique, intellectuel et culturel incontournable. Mais il nous est permis de régler « amicalement » nos comptes avec ceux qui nous ont pris de haut avec leur supposée vertu économique. L’histoire rappelle toujours aux grands l’humilité qu’ils ont perdue.
Essayons de reprendre le fil de tout cela, jusqu’au trébuchement récent de l’Allemagne face à la pénurie énergétique qui la menace d’une récession économique inédite.
L’arrogance impériale des enfants du deutschemark
Depuis le début de mes études en France, je n’ai effectivement jamais connu d’autre argument de la droite française (et de la gauche par la suite) que la vertu allemande qui tire sa puissance d’une gestion rigoureuse et orthodoxe.
Jamais je n’ai entendu autre description de l’économie française que par la métaphore de la cigale et la fourmi. La France, pays de la religion du déficit et de l’inconstance.
J’éviterai de mentionner longuement le cas des « Européens du sud » qui ont eu à supporter un mépris qui frôle le racisme de la part des Allemands. Demandez aux Grecs ce qu’ils ont ressenti après les propos du ministre allemand des Finances, une traduction du sentiment populaire allemand majoritaire, lorsqu’il a fallu renflouer les caisses d’un pays européen du sud, au bord de la faillite.
Depuis la fin du XIXème siècle l’empire allemand s’est fondé sur une industrie lourde qui était le support incontournable d’une puissance économique. Il faut reconnaître que c’est le fruit de politiques et de compétences que nul ne remet en cause.
Et même lorsque l’Allemagne fut frappée, par deux fois, par les terribles sanctions des alliés, elle s’en est sorti pour redevenir la première puissance européenne. C’est un mérite incontestable.
Monnaie écrasante, surplus de la balance commerciale, industrie automobile et sidérurgique dominante. Jamais je n’ai cessé d’entendre cela, pas une seule minute. Puis est venu le temps de l’impériale Merkel.
Merkel, l’institutrice de l’Europe
Dès le départ de sa première mandature, elle a laissé comprendre que son sourire de mamie (les Allemands l’appelleront d’ailleurs d’une manière affective, mutti, c’est-à-dire maman) ne devait pas faire oublier son obstination et sa rigueur. Avec une Allemagne économiquement dominante, cela était facile de prendre cette posture d’assurance.
Quel était le premier déplacement que se devait de faire tout nouveau Président français et tous les chefs de gouvernements européens ? Rendre visite à l’impératrice allemande, bien entendu.
Une star mondiale, une mamie protectrice dans son pays. Elle avait la main de fer de Margaret Thatcher avec une bonhomie et un look qui pouvait faire penser à tort à de la tendresse, nous l’avons dit.
Pendant autant de mandats qu’un président dans une dictature, elle a subjugué le monde, au point d’être plusieurs fois nommée par Le Times, la femme de pouvoir la plus forte dans le monde. Elle a terrorisé les budgets des autres pays européens et est devenue l’idole et la référence de toutes les droites européennes qui l’ont portée au firmament.
De la domination aux erreurs fatales
Russophone, vu son origine est-allemande, Angela Merkel fut l’exemple le plus caractéristique d’une Allemagne qui a toujours voulu garder un œil et des intérêts avec la Russie et l’ancien bloc communiste. L’histoire avait rapproché ce pays avec les pays de l’Est, c’était une opportunité d’en profiter.
Ainsi, l’Allemagne n’a jamais hésité à briser les règles européennes en faisant du dumping salarial avec les centaines de milliers de travailleurs des pays de l’Est, payés à des tarifs qui brisaient la concurrence au sein de l’Europe.
Corolaire à cette erreur, une autre, plus gigantesque, l’approvisionnement énergétique fut remis entièrement entre les mains de la Russie. Nous savons aujourd’hui la servitude de l’Allemagne, au bord de la catastrophe économique, obligée de se retourner vers la solidarité européenne pour l’approvisionnement de gaz dont son économie est tributaire, presque à cent pour cent.
Mais en plus, Angela Merkel, par stratégie politique s’est alliée avec le très puissant parti des verts pour une coalition contre-nature qui la maintenait au pouvoir. D’où ces décisions qui sont stratégiquement déplorables.
Résultat, elle a définitivement tourné le dos à l’énergie nucléaire, se rendant totalement inféodée à la fourniture énergétique Russe, encore davantage qu’elle ne l’était déjà. Comble de tout, au nom de cette soi-disant protection de l’environnement, elle a réouvert les mines de charbon, la cause la plus importante de pollution.
Et qui paye les politiques drastiques de réduction des effets de serre par le CO2 imposées par le traité de Paris ? Les autres !
La fourmi tape à la porte des cigales
Cet hiver, c’est le rendez-vous de tous les dangers pour l’Europe et l’Allemagne est en première ligne pour un gigantesque coup de fouet qui risque de la terrasser.
La fable de la Fontaine se retourne, c’est vers les cigales dépensières et frivoles, comme les dénonçait l’Allemagne, qu’elle va se retourner pour assurer, si ce n’est sa survie, en tout cas sa place économique.
Ce pays est suspendu aujourd’hui à l’aide de la mutualisation des énergies par les pays européens. Cette mutualisation qui était un gros mot pour elle. La voilà dans une piètre situation, tétanisée et silencieuse médiatiquement car elle sait l’humiliation qu’elle est obligée de subir.
Ce grand pays qui a participé historiquement à la construction européenne et a été son plus gros moteur est obligé aujourd’hui de quémander la solidarité du Portugal qui est au maximum de ses stocks en gaz. Un pays du sud qui avait été humilié et réprimandé par le maitre de l’économie, l’empereur de la vertu financière.
Malgré tout ma conclusion et qu’il faut pourtant sauver le soldat allemand. L’Allemagne a compris, je l’espère, elle devra reprendre maintenant sa place et revenir sur ses égarements passés. En tant que contribuable en France, j’en suis ravi et ne lui tiens pas rigueur si elle prouve son changement de doctrine vis-à-vis de l’Europe.
Boumédiene Sid Lakhdar, enseignant