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L’Assemblée nationale française vote le «droit à l’aide à mourir»

Assemblée nationale

21/04/2011 : Palais Bourbon, la façade, colonnade ou péristyle - vue des quais - arbres

Lors d’un vote solennel, les députés ont approuvé en première instance ce 27 mai deux textes relatifs à la fin de vie. Le premier, sur le développement des soins palliatifs, n’avait fait que peu de débat et a été adopté à l’unanimité. Le second, ouvrant un droit inédit sur l’aide à mourir, avait été longuement débattu par les députés.

305 députés contre 199 ont approuvé la réforme, mise en chantier en 2022 par le président Emmanuel Macron, et dont la ministre de la Santé Catherine Vautrin espère qu’elle puisse être entérinée avant la présidentielle de 2027. Les députés avaient auparavant approuvé un texte sur les soins palliatifs, cette fois-ci à l’unanimité.

Inscrit dans le code de la santé publique, cette aide à mourir permettra à certains malades d’accéder à un suicide assisté. Un accès réservé aux majeurs atteints d’un mal « irréversible », de nationalité française ou résidents stables dans le pays. Les patients devront présenter « une souffrance physique ou psychologique » liée à leur maladie et être aptes à manifester leur volonté « de façon libre et éclairée ».

Les deux textes vont maintenant être discutés, sans doute l’automne, au Sénat, assemblée plus conservatrice donc à même d’en modifier les termes en profondeur. Une deuxième lecture est ensuite prévue à l’Assemblée nationale.

Un vote dans « le respect des sensibilités » de chacun

Le président Emmanuel Macron a salué comme une « étape importante » le vote par l’Assemblée nationale en faveur du droit à l’aide à mourir, et insisté sur « le respect des sensibilités » de chacun. « Dans le respect des sensibilités, des doutes et espoirs, le chemin de fraternité que je souhaitais s’ouvre peu à peu. Avec dignité et humanité », a-t-il écrit sur X.

La présidente de l’Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet a souligné de son côté « un pas de plus vers le respect de chaque parcours de vie, vers la liberté de choisir, vers une société qui ne décide plus à la place, mais qui accompagne, qui écoute, qui soutient. » 

Elle a par ailleurs insisté en début de séance sur « la qualité des échanges » durant la centaine d’heures de débats qui ont eu lieu au sein de l’Assemblée nationale. « Le débat a été exigeant, digne et respectueux des convictions de chacun. »

Transcender les bords politiques

Le texte voté ce soir est un aboutissement pour le centriste Olivier Falorni, défenseur de longue date de l’aide active à mourir. « Il y a des jours dont on sait qu’on ne les oubliera jamais. Je n’oublierai jamais cette journée. Merci à tous », a-t-il déclaré.

Un tel débat aussi philosophique qu’intime transcende les bords politiques, note Raphaël Delvolvé du service politique de RFI. On trouve des défenseurs du suicide assisté à gauche comme l’insoumis Hadrien Clouet. « Nous croyons que l’être humain s’appartient. Le droit d’être soulagé, c’est aussi lorsque la médecine, la technologie, la pharmaceutique ne peut plus rien », plaide-t-il. « Pouvoir choisir le moment où l’on dit au revoir à ses proches et ne pas être contraint à subir trois ou quatre semaines de véritable torture. »

À l’extrême droite aussi, le RN Jean-Philippe Tanguy a voté le texte. « La liberté de vote est garantie dans notre groupe et j’ai été rassuré sur les garde-fous. »

Pour les détracteurs précisément, les garde-fous ne sont pas suffisants et la nature même du texte dérange, comme l’explique Hanane Mansouri de l’UDR. « Derrière la douleur, une réalité bien plus brute, celle d’un système de santé à genoux, celle de familles épuisées. Et dans ce vide, on propose la mort. Faut-il donc achever ce qu’on ne veut plus porter ? », demande-t-elle.

Une réforme qui divise au-delà des bancs de l’Assemblée

La démarche des malades restera très encadrée, comme le rappelle Jonathan Denis, président de l’association pour le droit à mourir dans la dignité, selon qui tous les garde-fous sont réunis pour éviter les dérives.

« Il y a plusieurs gardes-fous. Il y a le premier garde-fou sur les critères d’éligibilité au nombre de cinq pour pouvoir entrer dans le cadre d’une demande d’aide à mourir », explique-t-il au micro de RFI. « Ensuite, il y a les gardes-fous d’un collège pluri-disciplinaire, pluri-professionnelle pour regarder ce qui peut être proposé aux patients, y compris des soins palliatifs, y compris une rencontre avec un psychologue, et puis s’assurer que la personne rentre bien dans les critères d’éligibilité. Et puis enfin, le dernier garde-fou, c’est évidemment tout ce qui va être sur la procédure, toute la traçabilité de la procédure. Et puis, il ne faut pas oublier qu’aucun médecin ne sera obligé d’accompagner dans le cadre d’une aide à mourir. C’est tout le principe de la clause de conscience. »

Pourtant, pour Claire Fourcade, médecin de soins palliatifs à Narbonne dans le sud de la France et présidente de la SFAP (Société française d’accompagnement et de soins palliatifs), le texte est très mal défini.

« Moi qui suis médecin, je me trouve là, devant un texte de loi tel qu’il est, qui est extrêmement flou. Au contraire, avec des critères qui sont extrêmement larges, c’est-à-dire que le nombre de personnes éligibles est extrêmement large. Et c’est moi, comme médecin, qui vais devoir décider qui a le droit ou qui n’a pas le droit de bénéficier de ce nouveau droit concret », juge-t-elle. « Donc c’est une loi qui est demandée par les Français comme une loi d’autonomie et de liberté. Et en fait, c’est une loi du pouvoir médical, c’est-à-dire que ce sont les médecins qui vont décider. Et pour vous donner un exemple sur ces critères, une personne qui est atteinte d’un cancer métastatique, c’est une maladie en phase avancée, c’est une maladie incurable, c’est une maladie qui engage le pronostic vital, qui peut créer des souffrances. Et donc ces personnes sont éligibles. Il y a 450 000 personnes en France qui ont un cancer métastatique et donc c’est vraiment une loi qui donne aux médecins un gigantesque pouvoir. Et donc c’est nous qui allons nous trouver seuls face aux patients, à devoir prendre ces décisions. »

RFI

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