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Le 1er Novembre 1954, l’Algérie est le butin de guerre 

Les Six chefs du FLN
Les chefs trahis par ceux qui sont devenus les usurpateurs de l’histoire et du pouvoir.

« Kateb Yacine disait du français que c’était un butin de guerre. Le récit national officiel qui manipule toujours les symboles inhérents à la guerre de libération ont pour butin, l’Algérie entière. Il leur est livré un pays aux ressources incommensurables sur un plateau en or. Ils l’ont défendu ardemment depuis 1962 et continuent à le faire. Ils passeront le flambeau à leurs rejetons. Succursales, sociétés de tous genres pour brouiller les pistes. Dans un seul objectif : la mainmise sur les richesses du pays », dixit un diplomate chinois avisé qui surveille l’Algérie depuis plus de quarante ans. 

Au détour d’une discussion, il m’avait souri, moi qui pensais avoir compris le problème de mon pays. Il m’avait dit : «Voyez-vous, votre pays est jeune. Il faut attendre la mort de la génération qui a fait la guerre pour voir ce qui va se produire après. Pour le moment, beaucoup de gesticulations pour rien. Les vrais décideurs sont vieux et ne veulent pas lâcher prise. Ils vont s’interchanger jusqu’au dernier. Ils ont les mêmes intérêts. Ils se chamaillent mais ne s’affrontent pas, ne s’éliminent pas. »

Je n’étais pas convaincu, je lui ai demandé pourquoi on a arrêté le Hirak. Il a rigolé. « C’est un mouvement bien éduqué. Les révoltes, les sérieuses c’est autre chose. Il ne pouvait pas aboutir ce mouvement…. Parce que…. Hésitation…. Parce que les faibles ne réussissent pas…. Le pouvoir appartient aux guerriers. … »

Il est parti. Son devoir de réserve ne lui permet pas de développer.

Sceptique et un peu sonné. Nous incluons cette brève discussion dans le présent article parce que d’autres peuples nous étudient et nous observent.

Le 1er novembre 1954 marque le début de la guerre d’Algérie, un tournant majeur dans l’histoire contemporaine de ce pays. Pour comprendre les enjeux qui entourent ce conflit, il est intéressant de se pencher sur la mythologie du guerrier dans la Grèce antique et l’Empire romain. Ces sociétés guerrières accordaient une grande importance à la glorification du guerrier, considéré comme un héros, un modèle à suivre. Cette notion de guerrier héroïque a été reprise et adaptée par différents acteurs politiques, notamment ceux qui ont accaparé le pouvoir en Algérie depuis son indépendance en 1962.

Dans la Grèce antique, le guerrier était un symbole de force, de bravoure et d’honneur. Les héros de l’Iliade, tels qu’Achille ou Hector, étaient vénérés pour leurs prouesses sur le champ de bataille. Leur combat était perçu comme une lutte pour la gloire et l’honneur de leur cité. De même, dans l’Empire romain, les légionnaires étaient considérés comme des figures héroïques, prêts à donner leur vie pour défendre leur patrie.

En Algérie, l’accaparement du pouvoir depuis l’indépendance en 1962 par une certaine caste qui se revendique, ou du moins qui reprend à son compte, ce mythe du guerrier est une réalité qui a marqué l’histoire récente du pays. Les dirigeants algériens ont utilisé cette mythologie pour asseoir leur hégémonie et justifier leur place au sommet de l’État.

La genèse de la révolution algérienne en 1954 est le fruit d’un long processus de maturation du mouvement national. Depuis la conquête française, le système tribal, basé sur l’autorité d’un cheikh ou d’un zaïm, a peu à peu été balayé par la modernité des armes à feu, la discipline et l’esprit national. L’Algérie, éparpillée en morceaux, avec ses tribus et ses régions, a connu de nombreuses révoltes, mais aucune n’a réussi à résister aux armées du colon français. Il fallait donc attendre, apprendre à fédérer les forces et les régions autour d’un seul mot d’ordre : la libération de l’Algérie.

C’est dans ce contexte que le Front de libération nationale (FLN) est né. Le 1er novembre 1954, le FLN lance une série d’attentats contre les forces coloniales françaises, marquant ainsi le début de la guerre d’Algérie. Cette date est devenue emblématique, symbole du combat pour l’indépendance et de la résistance du peuple algérien.

La guerre d’Algérie a été marquée par une violence extrême, avec des massacres, des tortures et des exactions commis des deux côtés. Les forces françaises ont utilisé des méthodes répressives, tandis que le FLN a mené une lutte armée pour obtenir l’indépendance. Cette guerre a également été marquée par l’intensification de la répression contre les opposants politiques et les nationalistes algériens.

Après huit années de combats acharnés, la guerre d’Algérie prend fin avec les accords d’Évian en 1962, qui reconnaissent l’indépendance de l’Algérie. Cependant, cette indépendance n’a pas conduit à une véritable démocratisation du pays. Au contraire, une caste d’anciens combattants et de militaires a accaparé le pouvoir et s’est approprié le mythe du guerrier pour justifier sa place et son hégémonie.

Cette caste a construit un récit national qui glorifie la lutte armée et la résistance contre l’oppression coloniale. Elle a utilisé le mythe du guerrier pour asseoir sa légitimité et justifier ses actions. Cependant, cette instrumentalisation du passé a souvent servi à masquer les abus de pouvoir, la corruption et les violations des droits de l’homme commis par les dirigeants algériens.

Mémoires filmés de Mohammed Harbi : guerre FLN-MNA et liquidation d’Abane Ramdane (7)

La guerre d’Algérie a donc marqué un tournant dans l’histoire de ce pays, mais elle a aussi laissé des cicatrices profondes et des questions non résolues. La violence et les traumatismes causés par ce conflit ont laissé des séquelles durables dans la société algérienne.

De plus, l’accaparement du pouvoir par une caste qui se revendique du mythe du guerrier a contribué à l’émergence d’un régime autoritaire en Algérie, marqué par la répression politique et le manque de démocratie.

Il est important de rappeler que le mythe du guerrier ne doit pas être utilisé pour justifier l’oppression ou la violence. La guerre d’indépendance a été un moment crucial dans l’histoire du pays, mais il est nécessaire de faire preuve de discernement et de ne pas glorifier aveuglément les actes commis au nom de la lutte pour l’indépendance.

Aujourd’hui, l’Algérie est confrontée à de nombreux défis, tant sur le plan politique que social et économique. Il est essentiel de reconnaître les erreurs du passé et de promouvoir un véritable dialogue démocratique pour construire un avenir meilleur pour tous les Algériens.

La guerre d’Algérie et l’accaparement du pouvoir par une caste qui se revendique du mythe du guerrier ont laissé des traces profondes dans l’histoire et la société algériennes. Il est temps de dépasser ces divisions et de promouvoir la réconciliation nationale, la justice sociale et le respect des droits de l’homme.

Seule une véritable démocratie permettra à l’Algérie de se construire sur des bases solides et de répondre aux aspirations de son peuple.

Saïd Oukaci, Doctorant en sémiotique

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