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Le 5 juillet, ça suffit !

POINT DE VUE

Le 5 juillet, ça suffit !

Depuis plus d’un demi-siècle, par une commémoration d’État, nous assistons au recueillement des assassins sur la tombe de leurs victimes. Je veux parler de l’assassinat du message révolutionnaire car, pour le moins, il a été foulé au pied par le régime politique qui lui rend hommage.

Nous voilà de nouveau face à une commémoration de la mafia militaro-financière. Car ce 5 juillet n’est pas le mien mais celui de ceux qui ont saigné les forces vives de la nation en les mettant à genoux et en les pillant jusqu’au dernier milliard. Notre Algérie et notre respect envers les morts  sont ailleurs que dans cette bouffonnerie qui doit cesser.

Plus d’un demi-siècle pendant lequel on m’a dit que j’étais musulman, puis ensuite que j’étais socialiste sous la bannière du FLN, puis on m’a dit par Taleb Ibrahim, candidat potentiel et éternel à la Présidence, que j’étais arabe et que je me devais d’apprendre une langue qui n’est pas la mienne.

Toute ma vie on m’a expliqué ce que je devais être et la dévotion que je devais avoir envers la mémoire des hommes qui se sont sacrifiés pour que je sois enfin ce que certains avaient décidé ce que je devais être.

Ne les écoutant jamais, je n’ai pourtant pas rejeté le pays qui m’a vu naître. Je l’ai aimé du plus profond de moi-même et continue à l’aimer. Mais il n’a jamais été question que ceux qui sont coupables du pire envers ce pays viennent me dicter la nature qui me lie à lui et la dévotion que je devrais avoir pour les morts, leurs enfants et leurs petits enfants jusqu’à payer le prix des larmes des survivants, payer, toujours payer jusqu’au dernier centime.

Personne au monde ne peut me dicter la nature de ma gratitude envers des personnes qui se sont sacrifiés pour que nous vivions une jeunesse libre, digne et avec des moyens qui nous ont permis l’éducation et la construction de soi. Ce message des morts, je ne l’ai pas exactement compris de la même manière que ceux qui nous le font commémorer avec tambours et trompettes.

Nous en sommes maintenant à la troisième génération des héritiers, jusqu’à quand les Algériens devront-ils être victimes d’un chantage affectif qui les a muselés depuis un demi siècle ?

Cela suffit, la jeunesse algérienne est en demande d’un futur digne de son époque et de son rêve. Elle doit définitivement se sortir de ce chantage et de ce racket monumental au nom des morts d’un temps qui n’est plus le sien.

Ce 5 juillet, comme tous les cinq juillet, discrètement et avec la dignité qu’il se doit, j’aurai une pensée pour eux. Mais en même temps, comme tous les jours de l’année, j’aurai un profond dégoût envers les vivants qui se sont empiffrés jusqu’au vomi par un régime militaire qui a fait de la mémoire des morts son fond de commerce juteux et illimité dans ses bénéfices.

Ce 5 juillet n’est pas ma fête nationale, c’est celle d’un régime politique que je rejette. Une fête nationale, ce n’est pas seulement une date, un drapeau et un défilé, c’est une adhésion. Or, nous ne partageons absolument pas la même adhésion. 

Qu’ils ne comptent pas sur moi pour adhérer à une  parade militaire clownesque. Mon silence sera un vrai respect pour les héros, les vrais.

La fête de libération sera celle qui commémore la date de l’indépendance reportée, soit le départ définitif du régime militaire, c’est à dire la naissance de la seconde république.

Là, au moins, les Algériens n’auront plus à payer ni à se soumettre aux nouveaux révolutionnaires sinon à les remercier de leur initiative, une fois et pas éternellement.

 

Auteur
Boumediene Sid Lakhdar, enseignant

 




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