Les Algériens sont-ils heureux ? La question mérite le détour, au regard d’une actualité des plus moroses, avec l’inflation, la chute du pouvoir d’achat et le climat liberticide qui règne, sur fond de l’essoufflement de la mobilisation citoyenne pour le changement.
Or, aux yeux du Réseau de solutions de développement durable (SDSN), des Nations unies, c’est tout autre chose. Pour cause, dans la dixième édition de son Rapport mondial sur le bonheur intitulé « World Happiness Report », paru le 20 mars dernier, concernant 146 pays en 2021, les Algériens sont vus comme étant plus heureux que les Marocains ou les Tunisiens.
De même, notre pays est classé comme le dixième peuple le plus heureux en Afrique. Toutefois, les nôtres demeurent nettement moins épanouis dans leur pays, en comparaison par exemple, avec les Israéliens, les Saoudiens, les Emiratis ou les Bahreïnis.
En effet, plusieurs critères sont pris en considération pour réaliser ce rapport dont l’objectif étant d’orienter les politiques économiques et publiques des Etats vers l’épanouissement humain et le développement durable : le PIB par habitant, l’aide sociale, l’espérance de vie, la liberté sociale, la générosité, l’absence de corruption, etc.
Dans la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord (MENA), l’Algérie est classée à la 7 e place, derrière Israël (9 e au niveau mondial), Bahreïn (20 e), les Emirats arabes unis (24 e), l’Arabie saoudite (25 e), le Koweït (50 e) ou la Libye (86 e). L’Algérie devance ainsi le Maroc, à la 100 e place sur 146 pays étudiés dans le monde, la Tunisie, à 120 e place et la Mauritanie à la 133 e place.
Les Algériens sont également considérés comme le cinquième peuple le plus heureux en Afrique, derrière les peuples de l’Île Maurice, à la 52 e place et la Libye à la 86e, l’Afrique du Sud, à la 91 e place et la Gambie à la 93 e place. Dans le monde, le podium du classement des peuples les plus heureux est occupé, en majorité, par les pays nordiques, à savoir la Finlande, le Danemark, l’Islande, les Pays-Bas, et enfin la Suisse.
Néanmoins, des pays africains comme le Botswana, classé à la 142 e place, le Rwanda ainsi que le Zimbabwe à la 146 e place, et enfin des pays asiatiques comme le Liban et l’Afghanistan, logés à la même enseigne que les deux derniers, occupent le bas du classement, considérés comme étant les pays les moins heureux de la planète.
L’instabilité politique, les effets de la crise économique mondiale et celle de la pandémie peuvent être à l’origine de ce déséquilibre majeur, surtout au Liban.
Il est évident que les données de 2021 dudit rapport, corroborent, enfin, « les conclusions de 2020 selon lesquelles les évaluations de la durée de vie moyenne, reflétant les effets nets de la compensation des influences négatives et positives, sont restées remarquablement résistantes pendant la crise liée à la Covid-19».
En revanche, lorsque certains pays, notamment les plus développés, recherchent une augmentation de leur PIB sous un mode déséquilibré, oubliant les objectifs sociaux et environnementaux, les résultats peuvent être défavorables pour le bien-être de leurs populations.
Ainsi, concluent les experts du SDSN, en gros, pour les jeunes, la satisfaction à l’égard de la vie a diminué, tandis que pour les plus de 60 ans, elle a augmenté – avec peu de changement global. L’inquiétude et le stress ont augmenté, de 8% en 2020 et de 4% en 2021.
Enfin, les Algériens peuvent-ils, à la lumière de ces données-là, s’estimer heureux, eux qui s’apprêtent à entrer au mois du Ramadan, l’estomac noué, au comble du désespoir et de l’incertitude ?
Kamal Guerroua