Dimanche 6 juin 2021
Le « communiqué » de Tebboune sur Le Point était-il gratuit ?
Drôle d’interview de Tebboune dans le journal Le Point. D’abord dans la forme où le « président » algérien reçoit, à El Mouradia, pendant plusieurs heures, deux employés contractuels du journal français.
Un chroniqueur et un correspondant dont le métier n’est, à priori, pas de faire des interviews. Mais, on peut fermer les yeux sur ce fait et mettre ça sur le dos de la Covid-19 ou des restrictions budgétaires de Le Point qui a envie de rentabiliser son personnel. Après tout, il en a le droit. Ces derniers, ont donc eu, nous dit-t-on, tout le loisir de poser les questions qui fâchent autour d’un petit café généreusement offert par le « président ». Hirak, répression, journalistes emprisonnés, islamisme rampant, législatives, France, Maroc, Macron…etc.
On nous annonçait une interview exclusive et extraordinaire, droit sortie du « cœur du pouvoir » algérien. On s’était tous dit: » chouette, voilà enfin une occasion pour Daoud et Meddi, deux féroces critiques du pouvoir, de le faire trembler, dans son propre fief, ses propres 18 mètres. » Il n’en fut rien, et les « volcans » Daoud-Meddi ont fait « pshitt ».
Les deux « lions » qui ont rugit leur colère, des années durant, sur des rouleaux de papier journal, ont miaulé comme des chatons face à un simple col blanc du régime. Certes, le sourire de Tebboune peut parfois être désarmant, mais quand même, pas au point de déposer les armes et se rendre sans croiser le fer.
Pour être honnête, certaines questions préparées abordaient quelques sujets sensibles, mais le col blanc avait tout le loisir de les évacuer quand il ne voulait pas y répondre. Tebboune pouvait dire de flagrantes contre-vérités, des mensonges ou absurdités, mais les interviewers ne l’ont jamais repris, arrêté ou apporté la moindre contradiction. Comme pour la question qui concernait le journaliste emprisonné, traité par Tebboune de « pyromane » ou lorsqu’il a parlé du » Hirak béni de 2019 qui voulait aller aux élections et qui rassemblait 20 000 à 25 000 personnes! »
Des mensonges et des aberrations à la pelle, passés comme une lettre à la poste. À moins que le café présidentiel contenait des sédatifs, ces allégations auraient dû faire sursauter nos « valeureux » journalistes. Mais rien ne s’est passé sous la coupole d’El Mouradia. Daoud et Meddi étaient bien trop occupés à penser à décrire poétiquement les murs, les arbres et les splendides fontaines du nombril du « pouvoir algérien ».
Il faut soigner le style pour soigner les apparences. Les mensonges sont donc emballés dans un papier bonbon, livrés et publiés tels quels. Cela ressemblait, à s’y méprendre, aux interviews accordées jusque-là aux médias officiels. Le Point, à travers ses « héros du jour » a fini par vendre/ rendre public un communiqué du représentant du pouvoir algérien dans son intégralité. Sans nuances, ni analyses, ni commentaires qui devaient suivre dans de tels cas. Et cela pousse naturellement à se poser des questions.
On se souvient que Bouteflika, pour faire parler de lui de l’autre côté de la Méditerranée, avait acheté, à prix coûtant (on parle d’un million et demi d’euros), avec l’argent du contribuable, seize pages du journal Le Monde du 04 juillet 2012. À l’époque, ça avait fait scandale en Algérie bien sûr mais également en France et soulevé l’indignation et l’ire des médias français dont Le Point. On avait accusé Le Monde de se « prostituer » pour le pouvoir de l’époque. On titrait ainsi : « Bouteflika s’offre Le Monde ».
Le pouvoir actuel semble un peu plus malin, en s’offrant, officiellement du moins, quelques pages d’un « prestigieux » journal de droite, pour rien (?), et une première page aux allures d’affiche électorale rassemblant, peut-être, quelques membres du futur gouvernement de Tebboune. Mais à moins que le père Noël soit l’heureux propriétaire de Le Point, et qu’il aime faire des cadeaux à un pouvoir illégitime et corrompu, il est fort à parier qu’un beau matin, les dessous de ce scandaleux flirt éclatera au grand jour.