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« Le déclassement français » : au cœur des relations franco-algériennes

Le déclassement français

Quel poids la France a-t-elle en Algérie ? Le système est-il otage de sa léthargie? Subit-il les directives de l’Elysée ? Comment la gérontocratie d’Alger se maintient-elle contre vents et marées ? Autant de questions auxquelles le livre « Le Déclassement Français, Quai d’Orsay, DGSE: les secrets d’une guerre d’influence stratégique » aurait tenté de répondre.

Publié le 13 janvier 2022, aux éditions Michel Lafon par Christian Chesnot, un spécialiste du Moyen-Orient, qui travaille à la rédaction de France Inter depuis 2005 et Georges Malbrunot, grand reporter au Figaro et spécialiste du Moyen-Orient et du conflit israélo-palestinien, l’ouvrage est une plongée dans les coulisses du système.
A travers  les confessions de plusieurs diplomates et gradés du renseignement français, on se retrouve au cœur de l’énigme algérienne avec toutes ses zones d’ombre. Les dessous secrets des relations franco-algériennes ont été passés à la moulinette dans le troisième chapitre (près d’une trentaine de pages) intitulé : « Algérie : le champ de mines de la mémoire ». De prime abord, on comprend que l’Algérie est un sempiternel casse-tête au plus haut sommet pour les officiels français!
Pour preuve, « lors d’une réunion à l’Élysée consacrée à des scénarios de crise dans le monde, Emmanuel Macron a eu cette réplique : «Un jour, l’Algérie nous pétera à la figure ! » Comme une bombe à retardement… », révèle même le livre-enquête qui met ainsi en lumière l’importance stratégique de l’enjeu de la stabilité de l’Algérie aux yeux de la France et ses divers dirigeants.
Pour la France, le sujet de préoccupation n°1, étant d’ordre démographique. La population algérienne augmente au rythme d’un million de naissances par an, un taux de croissance comparable à celui de l’Egypte.
Ce qui, selon les analyses des deux auteurs, mènera « logiquement » à une islamisation croissante du pays d’ici quelques années. L’influence conservatrice de l’islamisme irrigue toute la société, ce qui provoque une menace pour la France laïque et ses valeurs.
L’islamisme est de moins en moins soluble dans les banlieues françaises et menace le vivre-ensemble et le socle républicain. Au tout début d’ailleurs les deux analystes évoquent la visite de Macron en Algérie 2017 où ce dernier aurait lancé aux caciques du régime ceci : « Vous êtes responsables du malheur de votre jeunesse et cette jeunesse vient me poser des problèmes dans les banlieues françaises ».
 Autre souci majeur pour l’Elysée, c’est ce qui est décrit dans le livre comme « anarchisation » de la société, ou plutôt « un pays en voie d’anarchisation » (paroles d’un ancien diplomate ayant requis l’anonymat). Celui-ci considère l’Algérie comme un pays fragile et quelque peu déglingué, déprimé psychologiquement et socialement. Cela est dû, d’après lui toujours, à une « calcification » du pouvoir en place qui perd de légitimité à chaque élection.
« Certes, confient de nombreuses sources aux deux journalistes, pour les décideurs français, l’Algérie n’est pas un dossier simple, mais ceux-ci devraient être mieux informés de la réalité du pouvoir algérien, qui est toujours dans une posture de rapport de force avec Paris».
Un pouvoir qui nous connaît mieux les officiels français que ceux-ci le connaissent, compte tenu de l’importance de la diaspora et ses relais en Hexagone. Les deux journalistes mettent en exergue le fait qu’il y a, ces dernières années, un désintérêt croissant en Hexagone concernant le Maghreb, en particulier l’Algérie.
« À la cellule diplomatique de l’Élysée, notent-ils, il existe bien un conseiller Afrique du Nord et Moyen-Orient, mais ce dernier est en réalité happé par les affaires du Levant et du golfe Persique qui monopolisent toute son énergie ».
La France se désintéresse-t-elle du coup de l’Algérie? Les deux spécialistes qui ont évoqué aussi dans cet ouvrage le Liban, l’Iran, la Libye, ne semblent pas être catégoriques là-dessus, se contentant de  «la nomination à l’Élysée d’un conseiller spécialement en charge des trois pays maghrébins (Maroc, Algérie, Tunisie) ne serait pas du luxe, compte tenu des enjeux stratégiques majeurs de l’autre côté de la Méditerranée (migrations, consolidation des implantations chinoise et turque aux portes de l’Europe, montée en puissance d’un conservatisme religieux, voire d’un islamisme radical, etc.) ».
Kamal Guerroua
« Le Déclassement Français, Quai d’Orsay, DGSE: Les secrets d’une guerre d’influence stratégique », Michel Lafon, 19.95 euros.
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