Une embarcation de fortune coule! Une fois encore, la nouvelle nous tombe sur la tête. Les jeunes Algériens quittent leur pays par dizaines, en empruntant des voies de plus en plus dangereuses.
Mais, pardi, la fuite est-elle la seule solution à nos maux ? Là encore, beaucoup me diront que je suis en train de divaguer, de dire n’importe quoi, d’espérer remonter la pente d’une Algérie en naufrage. Faut-il céder au pessimisme ? Faut-il cesser de croire en un jour meilleur? Faut-il fermer la porte à la brise du changement ?
Quand on compte le nombre des cadres, des compétences, des jeunes, des harraga qui partent, sans espoir de retour, on est en droit de dire que rien n’enchante dans cette Algérie aux mille et une contradictions.
Entre la case prison et celle de l’exil, il n’y a qu’un pas. Et ce pas a été franchi ces derniers temps, d’une manière inquiétante. Nos jeunes méritent autre chose que de sombrer dans cet éternel dilemme d’otages symboliques d’un jeu de cartes, en haut lieu, dont ils ne saisissent rien.
Le cri du 22 février, ce n’était pas pour rigoler, mais c’était pour changer. Et changer, c’est réformer, c’est nettoyer les écuries d’Augias, c’est assainir les comportements et les habitudes, c’est redonner de l’espoir à la jeunesse, c’est tendre la main au peuple et aller à sa rencontre, c’est remonter le morale à cette nouvelle génération qui, lasse des promesses non tenues et de nombreux échecs des générations qui l’ont précédées, aspire à conclure un New Deal. Le New Deal, c’est la démocratie et l’Etat de droit.
Il est inutile de répéter tout ça, car tout le monde le sait, mais il serait incongru qu’on oublie de le répéter tant que l’état actuel du pays n’est pas si reluisante qu’on tend à nous le faire croire.
Quand un médecin, formé par l’Algérie durant toute sa scolarité, décide du jour au lendemain de la quitter, afin de travailler pour des pays qui n’ont dépensé aucun centime pour sa formation, c’est qu’il y a un gros souci.
Cette jeunesse pétillante, compétente, avide du savoir et de la connaissance a besoin d’être valorisée, reconnue, estimée à sa juste valeur. Il n’y a pas que l’aspect matériel qui compte, mais aussi la dimension symbolique de la reconnaissance. On ne peut jamais convaincre un Harrag de rester en Algérie, alors qu’il n’y travaille pas et n’a plus aucun avenir.
Plus qui est, méprisé symboliquement par la communauté des citoyens qui y voient une moins-value. Comme il n’est pas facile de persuader un médecin qui, avec toutes les conditions médiocres dont est victime le secteur de la santé, souffre au quotidien, de rester à patauger dans un système social pourri. Impossible.
Un pays où un cambiste à Port-Saïd, vaut plus qu’un médecin d’un hôpital public, est voué à l’échec d’insertion sociale. Et cet échec se répercutera négativement sur la cohésion nationale. L’Algérie est appelée à capter ses compétences et sa jeunesse, en redonnant l’espoir de vivre aux masses.
La dignité, c’est de se sentir chez soi, et de voir son amour-propre protégé des assauts de la hogra et de l’injustice. Valoriser les valeurs, sacraliser l’effort, porter au summum l’intelligence, ouvrir la porte de la liberté seront, sans doute, la recette d’urgence à appliquer pour rattraper tout notre retard.
Kamal Guerroua