Le biopic « Ben M’hidi », réalisé par le cinéaste Bachir Derrais est toujours interdit de projection. C’est ce qu’annonce le réalisateur, avec dépit, sur sa page Facebook, indiquant qu’il va retourner bredouille à Paris où il réside après son récent voyage à Alger. Voyage au terme duquel il espérait pouvoir enfin décrocher le visa d’exploitation pour son film. Que nenni ! Le ministère des Moudjahidines fait toujours l’impasse sur le sésame qui ouvrirait les porte des salles obscures pour la projection de « Ben M’hidi ».
Les Algériens ne verront pas de sitôt le film consacré au héros de la guerre de libération Larbi Ben M’hidi. Ainsi ont décidé les censeurs du ministère des Moudjahidine. Ordonnateurs d’une histoire officielle, ils comptent continuer à écrire le récit national avec une gomme et des non-dits.
« Moi qui espérais naïvement pourtant que j’allais revenir à Paris avec ce fameux mandat de distribution signé par le ministère des moudjahidine, je me suis encore trompé une énième fois.
Depuis le blocage de mon film « Ben M’hidi » censuré et interdit d’exploitation par le ministère des Moudjahidines depuis septembre 2018, j’ai dû faire exactement 17 voyages Paris/Alger/Paris, pour assister aux 17 réunions avec le ministre, ses cadres, ses historiens-caves, ses chauffeurs parfois », déplore le cinéaste.
« A chaque voyage, je claquais à peu près 2000 à 2500 € de dépenses pour rien… » se plaint-il
« Pourtant, en décembre dernier, le ministère de la Culture et celui des Moudjahidines avaient annoncé officiellement, via l’agence gouvernementale APS, que le film est officiellement débloqué et qu’un mandat de distribution à l’international et national est sur le point d’être signé. Tout a été matérialisé par un protocole d’accord.
Nous devions inscrire le film dans toutes les compétitions au festival de Cannes ainsi que dans le marché du film », déclare Bachir Derrais qui n’est visiblement pas au bout de ses peines.
A son grand dam, « le ministère des Moudjahidine a refusé les documents nécessaires pour l’inscription du film à Cannes et au marché du film ».
Le petit jeu d’Ahmed Rachedi
Même Ahmed Rachedi, le monsieur cinéma à la présidence de la République, se met de la partie et participe au jeu de chausse-trappes qui entravent la sortie du film. « J’ai même appris que le conseiller à la présidence, Ahmed Rachedi a voulu « flinguer » le film en organisant sa sortie dans le cinéma l’Algeria sans la présence du réalisateur et des auteurs et sans publicité ni affiche… », fulmine Bachir Derrais qui garde quand même son calme en comptant sur la disponibilité de Mme Soraya Mouloudji, ministre de la culture et son staff « qui ont été plus que gentils avec moi, ainsi que trois amis ». Ces dernier « m’ont promis de régler ce problème directement avec Monsieur A. Tebboune », dira-t-il.
« Mais les choses ne seront plus comme avant et maintenant que la sortie de film est prévue pour je ne sais quand, j’ai tout le temps pour riposter. Toutes les autorités du pays ont été informées par écrit », lâche-t-il, faisant entrevoir une lueur d’espoir dans un cet embrouillamini d’ordres et de contre ordres. « Il y a quand même une bonne nouvelle : une projection privée est en préparation Paris ».
Voilà donc le biopic Ben M’hidi est devenu un feuilleton qui raconte la censure qui ronge le cinéma national.
Samia Naït Iqbal