Le silence est glacial, la nuit tombe et les esprits essaient de reprendre leur sérénité. Le drame venait de s’abattre sur la ville, sur le pays et sur des millions de gens effondrés. Ils ont tout perdu en 90 minutes, espoir, sourire et confiance.
Au petit matin, alors qu’ils pensaient que la nuit serait réparatrice, c’est pire, la douleur est encore plus intense car jusque-là elle avait connu un anesthésiant efficace, le sommeil.
Les mines des visages sont dévastées et petit à petit la communication reprend. Il y a ceux qui font encore parler le silence en levant les bras et les yeux au ciel, ils venaient d’exprimer la fatalité « qu’est-ce tu veux, c’est comme ça, on n’y peut rien ! ».
Il y a ceux qui se consolent en évoquant l’incertitude du sport, « Ils ont été meilleurs, la chance n’a pas été de notre côté ». Il y a ceux qui, toujours les mêmes, trouvent excuse par « l’arbitre a été contre nous », « il faut dégager l’entraîneur, il est nul ».
Puis il y a ceux qui se rapprochent de la vérité mais avec la mauvaise foi d’une accusation injuste, « ils jouent comme des brebis qui broutent le terrain ». Je me suis toujours demandé pourquoi cette image alors que le terrain en herbe ne sera une réalité que bien tardivement pour mon époque.
Mais pourquoi tout cela pour ce qui reste tout de même un jeu. J’ai toujours été frappé par un paradoxe auquel je n’ai véritablement jamais trouvé la réponse pour l’expliquer. Pourtant, si le fait historique de la naissance du football est loin de tout expliquer, il est en tout cas la racine d’une évolution qui peut donner une des réponses.
On dit que le football est né en Angleterre, c’est vrai mais avec un petit correctif. Confectionner une balle avec un matériau souple et taper dedans pour des raisons dont les explications sont discutées (jeu, sport ou rites ?) est une pratique très ancienne dans les civilisations humaines.
Ce qui nous intéresse aujourd’hui est la naissance du football moderne avec une pratique et une codification qui structurent ce jeu devenu une passion mondiale. C’est véritablement cela qui fait de l’Angleterre le berceau du football et qui est le début de ma tentative de comprendre.
Il est très connu que dans ce pays (et donc dans tout le royaume britannique) le football était un jeu réservé aux classes populaires alors que le rugby, celui des strates sociales plus élevées.
Pourquoi l’un est-il devenu universel, jusqu’aux quartiers les plus reculés des villes du monde entier, et l’autre resté assez confidentiel. L’un des arguments est que le football est plus accessible aux couches populaires car possible sur n’importe quel terrain, sans qu’il soit utile de disposer du mythique et onéreux gazon, d’un maillot et des chaussures hors de prix et d’un ballon rond qui peut résister au moindre choc avec une petite pierre. Deux pierres délimitent le but et c’est parti !
L’argument est peu convaincant car il en est à peu près de même pour le rugby. Il faut donc rechercher ailleurs pour trouver l’autre argument classique, celui de la différenciation par l’objectif du jeu. C’est tout de même étonnant que les classes supérieures anglaises de l’époque s’adonnent à un jeu d’une extrême violence alors que d’ordinaire ils associent celle-ci à la vulgarité ordinaire du peuple.
Une autre explication est dans la très grande complexité des règles du rugby, inaccessibles à la compréhension du peuple. C’est insultant et faux car les règles du football sont aussi complexes que codifiés.
Ce paradoxe tient d’une histoire lointaine. Le combat s’est toujours dissocié du pugilat de rue réservé au peuple. Il avait la marque historique de la noblesse, de la conquête et de l’honneur des champs de bataille. Ce n’est pas pour rien que les joutes de la chevalerie du moyen-âge étaient une épreuve donnée en spectacle aux pairs des combattants, les nobles. Les uns pour la fierté de leur bravoure, les autres de pouvoir disposer de vaillants guerriers au service de la couronne.
Et le sport dans tout cela ? Il faut dire la cause d’une bonne santé, même s’il en a été ressenti comme tel par empirisme, ce n’est que plus tard que l’évidence sera définitivement actée. Et je voudrais me risque à l’humour. Rares, dans la proportion relative, qui le pratiquent au-delà de leur jeunesse. Quant au stade, seuls vingt-deux joueurs le justifient. Les autres, le risque du sport ne va pas au-delà d’une extinction de voix ou d’une tendinite à lever une banderole.
Monsieur le rédacteur de l’article, comment pouvez-vous occulter l’essentiel, c’est-à-dire le rôle du combat politique et social du foot ? Je répondrais à mes estimables lecteurs que ce n’est pas l’angle d’approche qu’annonce le titre. Et puis, avec humour, encore une fois, je ne veux pas me fâcher avec mon respectueux lecteur en abordant un sujet aussi explosif que ceux des de certaines discussions autour du repas familial du vendredi à midi.
Ah, j’oubliais, je prenais instinctivement le poste d’ailier droit avant de me rendre à l’évidence, à l’âge du lycée, qu’il valait mieux pour moi, mes adversaire et le foot, de m’en tenir au ping-pong.
Boumediene Sid Lakhdar