Saïd Chanegriha (77 ans), chef d’état-major, a déclaré solennellement jeudi que l’Algérie « mène, aujourd’hui, le combat du changement ». Puis, sentencieux, il ajoute qu’elle « ne permettra jamais le retour de ces aventuriers qui ont failli mener le pays vers le précipice et causer l’effondrement de l’Etat national », indique un communiqué du ministère de la Défense nationale (MDN).
A la veille de l’aïd El Fitr, le chef d’état-major s’est fendu de déclarations particulièrement comminatoires contre les anciens militants du Front islamique du salut dissous. Voilà une sortie qui va faire chuchoter plus d’un à la sortie des mosquées à la fin de la prière de l’aid.
Après avoir tressé les habituels lauriers à Abdelmadjid Tebboune, Saïd Chanegriha sort l’artillerie lourde contre les « aventuriers qui ont failli mener le pays vers le précipice et causer l’effondrement de l’Etat national ». Décoiffant !
Droit dans ses bottes, Saïd Chanegriha poursuit : « Ces extrémistes doivent savoir que leur temps est révolu et que les institutions de l’Etat ne permettront en aucun cas le retour de ces aventuriers qui ont failli mener le pays vers le précipice et causer l’effondrement de l’Etat National pour lequel des millions de chouhada ont donné leurs vies », a-t-il mis en garde. Cette déclaration vient sans doute suite aux sorties récentes d’Ali Benhadj, ancien numéro 2 du FIS dissous. On voudrait bien croire cette diatribe si la réalité en haut lieu n’était pas autre. Si la religion n’était pas instrumentalisée…
Le général d’Armée a convoqué la mémoire du peuple algérien « qui a enduré les tourments du terrorisme barbare et a souffert des affres d’une cruauté aveugle » pour qu’il ne s’égare pas. Ajoutant qu' »il ne leur permettra jamais de le leurrer une nouvelle fois, car il est désormais conscient de leurs modes opératoires sournois, qui usent de l’attachement des Algériens à leur religion pour atteindre des objectifs politiciens douteux, qui s’inscrivent sans nul doute dans le cadre de projets destructeurs et d’agendas étrangers hostiles ».
Pourtant, c’est ce même peuple qui est actuellement mis sous cloche par le système en place, lui niant toute expression libre et manifestation d’opposition. On ne peut raisonnablement se rappeler au courage du peuple algérien et lui nier les droits les plus élémentaires.
Mais le chef d’état-major de l’ANP est dans son rôle. Il a besoin d’exister. De réaffirmer son autorité, allant même jusqu’à faire concurrence au chef de l’Etat dans des questions politiques. Mais n’est-on pas dans un régime hybride dans lequel les périmètres définis sont infranchissables ?
« Nous sommes parfaitement conscients que ces activités menées désormais ouvertement, alors qu’elles se faisaient clandestinement et dans des espaces clos, ont été enclenchées sur instigation de cercles subversifs hostiles, qui nous ont habitués à ce genre de manœuvres à chaque fois que l’Algérie retrouve, en un temps réduit, son rôle pivot sur les scènes régionale et internationale », a encore soutenu Saïd Chanegriha. Qui sont ces cercles ? Le général ne nous révèle pas.
Qu’est-ce qui a changé en Algérie pour agiter ainsi maintenant le chiffon rouge des islamistes ? Ne sont-ils pas déjà dans tous les étages de l’Etat algérien ? Le régime lui-même les utilise et a recours à leur service pour endoctriner et plonger la société dans la bigoterie. Alors pourquoi ce remue-ménage contre un courant qui sert de marche-pied aux hommes du régime depuis les années 1980 ? La ficelle est trop usée pour tenir.
L.M.