Le Matin d’Algérie est censuré en Algérie depuis 2020 et cela me fait souvent poser cette question avec étonnement, pourquoi ont-ils peur de nous ?
Il n’y a aucune prétention à parler de moi-même à la première personne car je ne peux invoquer les sentiments des nombreux contributeurs et du rédacteur en chef. Ils ont certainement une explication qui m’échappe.
Je m’en vais vous raconter la journée d’un grand révolutionnaire que le puissant gouvernement militaire craint puisqu’il le censure. Une histoire quotidienne que j’ai déjà racontée dans un réseau social.
68 ans, en retraite depuis le premier septembre. Je me lève tôt, écoute les informations avec mon café au lait et mes pantoufles puis embrasse mon Algéroise qui va au travail.
J’ouvre machinalement l’ordinateur et je me mets à taper des lignes et des lignes. Un petit vieux, il a beaucoup à dire pour combler le silence de la maison. Le clavier le comble par la force des frappes dont on peut se poser la question si c’est par la gaucherie sur un clavier ou la rage qui fait silence à l’intérieur.
J’envoie le résultat de mes pensées au Matin d’Algérie et parfois une version modifiée qui ne sera pourtant jamais publiée pour le journal de ma ville d’enfance, Oran. Les papiers écrits en même temps pour le Matin d’Algérie, même très modifiés et édulcorés, ne sont pas les bienvenus à la condition qu’ils soient écrits dans un ton et sur des sujets innocents prononcés par un résident en EHPAD.
C’est la seule chose qui me fait oublier mon amour-propre car je ne m’adresse pas au journal mais à ma ville. Le seul moyen pour moi de parler à ma jeunesse, au petit matin lorsque le souvenir est encore frais.
Puis, je prends mes trois médicaments, le nombre dépendant toujours de la sagesse accumulée avec le temps.
Me voilà sorti pour prendre mon petit café noir au bistrot du Kabyle dans mon quartier, c’est comme cela que ses clients l’appellent. C’est ma seconde rencontre de la journée avec mon pays natal. « Un petit café, mon ami ? », j’étais à peine rentré que sa voix se fait entendre en même temps qu’un très grand sourire.
Retour à la maison après quelques courses, plat réchauffé en vitesse, seconde séance d’informations et la sieste du vieux combattant de l’éducation nationale.
Une longue fin d’après-midi en attente de mon Algéroise qui finira par revenir et prononcer ces mots si attendus de la journée, ceux qui me comblent depuis 38 ans, « avec toi je ne peux jamais compter trouver le dîner prêt après une dure journée ! ».
Qu’on ne se méprenne pas, je suis l’homme le plus heureux du monde en découvrant ce qu’est cette phrase mystérieuse derrière laquelle j’ai couru pendant 48 ans d’un dur travail, « Ne rien faire ». Quelle douce phrase.
Et tout cela justifie ma question du début, pourquoi ont-ils si peur de mon pédigrée de grand terroriste ?
Demain reprendra une journée de révolutionnaire, celle du dangereux Hassan Terro, en exil et censuré pour atteinte à la sureté nationale algérienne.
Boumédiene Sid Lakhdar, enseignant retraité