La chambre correctionnelle près la Cour d’Alger a rendu ce dimanche son verdict dans le procès en appel du journaliste El Kadi Ihsane, poursuivi dans une affaire de financement étranger de son entreprise de presse.
Jour sombre pour la presse en Algérie. Le juge Ali Aichour a prononcé l’aggravation de la peine contre le journaliste El Kadi Ihsane.
Ce verdict contre le journaliste et détenu d’opinion El Kadi Ihsane est plus lourd que celui prononcée en première instance par le tribunal d’Alger qui avait condamné le journaliste, le 2 avril 2023, à 5 ans de prison, dont 3 ans fermes. En sus d’une condamnation pécuniaire estimée à 700 000 dinars.
Le tribunal avait également prononcé la dissolution de la société Interface Media, la confiscation des biens saisis et 10 millions de dinars d’amende à l’encontre de la personne morale et 01 million de dinars de dommage et intérêt au profit de l’Arav.
Aujourd’hui, 18 juin 2023, le juge de la Cour d’Alger a eu la main lourde à l’encontre du détenu d’opinion, le journaliste El Kadi Ihsane, en le condamnant à 7 ans de prison, dont 05 ans ferme et 2 ans avec sursis.
Le parquet près la cour d’Alger avait requis, lors du procès qui s’est tenu le 4 juin dernier, la peine maximale de 5 ans de prison ferme, celle-là même prononcée en première.
Comme on le voit, le pouvoir, Tebboune en premier, reste droit dans ses bottes, en faisant la sourde oreille aux appels venant d’organisation internationales de journalistes et des droits de l’homme pour la libération d’El Kadi Ihsane.
Le procès en appel intervient quelques jours seulement après la mention adaptée par le parlement européen exigeant sa libération immédiate. Auparavant, le représentant du RSF de la zone d’Afrique du Nord avait remis à Abdelmadjid Tebboune en mains propres une lettre de son organisation demandant également sa libération et c’était à l’occasion de célébration de la journée internationale de la liberté de la presse.
De grandes figures intellectuelles avaient exhorté, dans une tribune publiée dans le quotidien français Le Monde, le chef de l’Etat à libérer le journaliste.
La dizaine de célèbres et grands intellectuels internationaux, dont Etienne Balibar, philosophe (France), Joyce Blau, universitaire, membre des réseaux de soutien au FLN pendant la guerre d’indépendance algérienne, Noam Chomsky, linguiste (Etats-Unis), Annie Ernaux, romancière, prix Nobel de littérature (France), Elias Khoury, romancier (Liban), Abdelatif Laabi, poète (Maroc), Ken Loach, cinéaste (Royaume-Uni), Achille Mbembe, historien et politiste (Cameroun), Arundhati Roy, romancière (Inde), Youssef Seddik, philosophe (Tunisie) ont tiré la sonnette d’alarme sur la situation chaotique des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans le pays.
Les avocats d’El Kadi Ihsane dénoncent la propagande du gouvernement
« Ihsane El Kadi est accusé d’avoir trahi son pays, mais, vu des horizons éloignés d’où nous regardons et nous intéressons à l’Algérie, il nous semble qu’il a, au contraire, chevillé l’amour de cette terre à son travail de journaliste indépendant. C’est pourquoi nous nous permettons, monsieur le Président Abdelmadjid Tebboune, d’écrire aujourd’hui pour vous demander de faire tout ce qui est en votre pouvoir afin que cesse l’acharnement sécuritaire et judiciaire que subissent Ihsane El-Kadi et tous les prisonniers d’opinion en Algérie », écrivent ainsi les auteurs de cette lettre.
« Quels que soient les désaccords et les antagonismes, l’Algérie est un idéal plus vaste que le cachot qu’elle est en train de devenir pour les journalistes critiques et les voix discordantes. Elle est la terre retrouvée des damnés de la terre. Il est en votre pouvoir de libérer Ihsane El-Kadi ainsi que tous les journalistes emprisonnés et tous les détenus d’opinion. Usez de ce pouvoir, par fidélité au combat des Algériens pour la justice et la liberté », ajoutent encore les mêmes auteurs.
« Plus qu’un pays, l’Algérie est une idée. Une idée entêtée de libération. Soixante ans après l’indépendance du pays, cette idée continue à irradier l’espoir dans le cœur de ceux qui se battent encore contre l’oppression. Elle est la preuve que la victoire sur l’injustice est possible, y compris lorsque le face-à-face paraît désespéré et démesurément disproportionné.
Aujourd’hui, ce grand pays se referme comme un piège redoutable sur les opposants politiques et les citoyens qui osent rêver d’un véritable Etat de droit », soulignent enfin les dix signataires de cette lettre adressée à Tebboune.
Samia Naït Iqbal