L’arbitraire et le harcèlement menés par les autorités contre les voix libres continuent comme jamais. Le journaliste Mustapha Bendjama vient d’en subir les frais.
Qui a dit que l’Algérie n’était pas une prison à ciel ouvert pour des dizaines de milliers d’Algériens à l’esprit libre ? Tout porte à se vérifier sous l’autoritaire règne de la diarchie Tebboune-Chanegriha.
Dans un post publié sur sa page Facebook, le journaliste Mustapha Bendjama témoigne des contraintes auxquelles il a été soumis pendant sa rétention et sa libération des locaux de la police d’El Aiouan et ceux d’El Kala, à lest du pays.
« Je viens de quitter le commissariat d’El Kala (en fin de l’après-midi, compte tenu de l’heure de la publication du post sur le réseau social, ndlr), après 8 heures et demie passées entre les locaux de la police aux frontières d’El Aioune et ceux de la sûreté de daira d’El Kala », témoigne-t-il avec courage.
Le journaliste ajoutera : « Après un long examen de situation et plusieurs PV, on m’a informé que je ne peux toujours pas quitter le territoire national même si aucune décision de justice ne me l’interdit ». Il poursuit sa dénonciation : « Relâché à 17h dans une ville où il n’y plus de transport en commun à partir de 16h et où il n’y a ni yassir ni indrive ni rien. Elle est belle leur nouvelle Algérie ».
Tout le cynisme de la justice algérienne réside dans ce détail : empêcher tout voyage pour des milliers d’Algériens sans aucune notification ou décision judiciaire. Le procédé est terrible : s’il n’y a pas de décision officielle, il n’y a pas possiblité de savoir combient d’Algériens sont soumis à cet arbitraire.
Cette mesure arbitraire et clandestine cache un fichier secret qui répertorie les citoyens soumis à l’ISTN auquel seuls des limiers bien placés ont accès.
Plus clairement, ce traitement subi par ce journaliste est l’expression de « l’arbitraire » et « du jusqu’au botulisme de l’ »Algérie nouvelle » qui est, cela dit en passant, pire que l’ancienne Algerie de l’ancienne Issaba d’Abdelaziz Bouteflika que l’actuel président a servi pendant 20 ans.
Bendjama, un cas parmi des milliers sans doute
Ces dernières années, Mustapha Bendjama a été convoqué par la police des dizaines de fois et poursuivi en justice à plusieurs reprises pour son travail de journaliste et ses prises de position critiques. Il a été arrêté le 8 février 2023 sur son lieu de travail à Annaba.
Il est actuellement accusé d’« association de malfaiteurs dans le but d’exécuter le crime d’immigration clandestine » et de « traite de migrants dans le cadre d’une association organisée de malfaiteurs ». Ces accusations sont liées au départ de l’Algérie vers la France via la Tunisie de l’activiste Amira Bouraoui.
Dans une seconde affaire, il est accusé d’avoir « reçu des fonds d’institutions étrangères ou nationales, afin de commettre des atteintes à l’ordre public » et d’avoir « publié sur les réseaux électroniques ou via les outils technologiques des médias des informations qui sont partiellement ou totalement classées comme secrètes ».
Pour cette dernière affaire, Mustapha Bendjama a été condamné à 2 ans de prison par le tribunal de Constantine le 29 août 2023. La peine a été ensuite réduite en appel à 8 mois de prison ferme et 1 an avec surcis. Dans l’affaire Amira Bouraoui, il a été condamné à 6 mois de prison ferme le 7 novembre 2023.
Depuis novembre 2019, il fait l’objet d’une Interdiction de sortie du territoire national (ISTN). Bien que la décision ait été annulée par la justice algérienne en avril 2022, la police a continué à l’appliquer arbitrairement. En Algérie, il y a pas moins de 215 prisonniers d’opinion et des milliers de militants et activistes poursuivis pour des affaires fabriquées de toutes pièces et/ou soumis à l’ISTN.
L’Etat de droit attendra le départ de Tebboune et ses parrains.
Sofiane Ayache