Lundi 26 mars 2018
Le latin, une langue morte de l’Église catholique
« Les morts n’ont besoin de rien…c’est des vivants qu’il faut s’occuper.. » « Brutus, radius et cubitus » sont respectivement un sénateur romain, juriste et philosophe de la fin de la République romaine, et deux os du corps humain. A leur consonance, on reconnaît le latin. Les Romains sont les créateurs de l’alphabet latin. Le latin [1] (lingua Latīna ou Latīna lingua) est une langue italique de la famille des langues indo-européennes, parlée à l’origine dans le Latium et la Rome antique.
Le latin est toujours utilisé pour la production de néologismes dans de nombreuses familles de langues. Les autres branches de cette langue sont attestées dans des documents datant de l’Italie préromaine, mais ont été assimilées durant la période républicaine ou au début de l’époque impériale [1].
1. Le latin : une langue morte sauf à l’Eglise
Le latin n’est plus enseigné aujourd’hui, en tant que langue vivante, que dans les universités ecclésiastiques romaines (Université pontificale grégorienne, l’Université pontificale augustinienne, etc.) et dans les séminaires dépendant de la Fraternité Saint-Pie-X, réfractaire au Concile Vatican II [2]. Lors du conclave de 2005, un des derniers enseignants actifs dans une université ecclésiastique romaine a indiqué que seuls deux cardinaux, dont celui qui fut élu pape, le comprenaient encore pleinement lorsqu’il s’adressait à eux en latin. Bien qu’il soit souvent considéré comme une langue morte, sa connaissance, voire son usage, se sont maintenus à l’université et dans le clergé. À la Renaissance, la fonction scientifique et philosophique de la langue latine commence à décliner, tout comme sa fonction diplomatique (Ordonnance de Villers-Cotterêts, 1539).
Au XIXe siècle, le latin est une langue privilégiée dans l’enseignement tant ouest-européen (heures de cours, rédaction des thèses) qu’est-européen, bien qu’il ne soit guère plus utilisé que par les commentateurs et éditeurs de textes antiques. Au XXe siècle, c’est avant tout une langue de culture, qui reste revendiquée par l’Église catholique romaine depuis l’époque de l’Empire romain, bien que seuls quelques cardinaux et théologiens la parlent réellement.
En 2011, un appel à l’attention de l’UNESCO est lancé, demandant que l’on fasse figurer le latin et le grec au patrimoine immatériel de l’humanité [2].
2. Les latins archaïque et classique
On appelle latin archaïque (prisca latinitas) [2] l’état du latin en usage de l’origine jusqu’au tout début du I er siècle av. J.-C.. L’expansion territoriale de la Rome antique assure au latin une diffusion de plus en plus large à partir du IIIe siècle av. J.-C.. Langue officielle de l’Empire romain, elle se répand dans la majeure partie de l’Europe occidentale, de l’Afrique du nord, de l’Asie Mineure et des régions danubiennes. Sous l’Empire, le latin est la langue du droit, de l’administration romaine et de l’armée et des nombreuses colonies romaines, coexistant avec le grec et les parlers locaux. L’âge d’or de la littérature latine débute aux alentours de -75 (époque de Sylla), et se termine en 14 ap. J-C. Il se déroule durant la fin de la République et le règne d’Auguste. Dans le modèle philologique actuel, cette période représente le sommet de la littérature latine. L’âge d’argent couvre les deux premiers siècles ayant directement suivi l’âge d’or.
3. Évolution du latin: bas-latin, latin vulgaire et langues romanes
Au Ve siècle, la dissolution politique de l’Empire romain d’Occident sous la pression germanique et la survie de l’Empire romain d’Orient sous une culture grecque n’entraînent qu’un recul partiel de l’extension géographique du latin. Plusieurs langues européennes dérivent directement du latin vulgaire (c’est-à-dire des variantes parlées par le peuple et non la langue littéraire), les langues romanes, comme le catalan, le castillan, le français, l’italien, le portugais, l’occitan, le romanche, le roumain, etc. D’autres langues lui ont emprunté un très large vocabulaire, comme l’albanais (par proximité) ou l’anglais (par l’intermédiaire de l’ancien français ou par l’occupation romaine d’une grande partie de l’Angleterre).
Le latin ayant été pendant des siècles la langue savante (et, en France, celle de l’enseignement, du V e siècle au XVIIe siècle) et la langue de l’Église catholique romaine, son influence en Europe s’est fait sentir dans un grand nombre de langues, et l’apparition de toutes ces langues dérivées n’empêchent nullement le latin de rester vivant et très abondant comme langue de publication et de communication dans tous les domaines. Pour donner une idée plus exacte de son importance, il suffit de constater que la littérature de l’Antiquité dite « classique » ne représente que 0,01 % de toute la littérature latine
4. Latins médiéval et humaniste
Le latin [2] est réformé vers 800 puis au XIe siècle sur le modèle du latin classique, afin d’éviter une dérive vers les langues vernaculaires qui en étaient issues. De nombreux termes empruntés aux langues germaniques se sont ajoutés au vocabulaire. Un certain nombre de termes classiques ont acquis un sens religieux dans le contexte de la chrétienté (credo ou index par exemple) qu’ils n’avaient pas à l’époque antique, terme qu’ils peuvent ensuite avoir à nouveau perdu (encore une fois, credo). Érasme a publié une quantité de textes en un latin redevenu classique et très riche ; de même, René Descartes (1596-1650), le mathématicien, écrit volontiers en latin… surtout lorsqu’il est pressé (même s’il publie son Discours d’abord en français pour des raisons particulières ; les ouvrages de son époque sont souvent imprimés en latin pour être diffusés dans toute l’Europe).
Dans la partie germanique de l’Europe (où le droit romain reste en vigueur jusqu’à la fin de l’Empire), le latin [2] restera plus longtemps la langue des publications importantes ou scientifiques, tandis que du côté français, d’énormes efforts sont accomplis (surtout avec Louis XIV) pour le remplacer par un français châtié et remanié.
5. Néolatin
Le terme néolatin s’est répandu vers la fin des années 1890 parmi les linguistes et les scientifiques. Il sert aux spécialistes des lettres classiques pour désigner l’utilisation de la langue latine après la Renaissance, dans un but aussi bien scientifique que littéraire. Le début de la période est imprécis mais le développement de l’éducation chez les laïcs, l’acceptation des normes littéraires humanistes, ainsi que la grande disponibilité de textes latins qui a suivi l’invention de l’imprimerie, marquent une transition vers une ère nouvelle à la fin du XVe siècle.
En Belgique, l’usage de la langue vulgaire dans les universités n’a été toléré qu’à partir de 1835 environ. La fin de la période néo-latine est également indéterminée, mais l’usage normal du latin pour communiquer les idées est devenu rare après quelques décennies au XIXe siècle et, vers 1900, c’est dans le vocabulaire scientifique international de la cladistique et de la systématique qu’il survivait essentiellement.
6. Latin contemporain
C’est l’une des quatre langues officielles de l’État du Vatican, et partiellement langue d’enseignement dans les universités pontificales romaines. Des publications latines profanes sont également réalisées tout au long du XXe siècle, comme celles des communistes russes qui publient tous leurs ouvrages de botanique en latin pendant la période de la guerre froide ou, plus récemment, des traductions en latin des deux premiers tomes du best-seller Harry Potter[2]. Des revues et des sites Web sont édités en latin, tandis que la radio finlandaise émet en latin trois fois par semaine depuis plus de vingt ans. La prononciation contemporaine qui semble s’imposer est la prononciation ancienne restituée. L’interlingua propose quant à elle une synthèse des langues romanes. Un de ses courants, qui se dénomme « latin moderne », propose son emploi direct à destination du public roman de toutes langues, après quelques réformes (orthographe phonétique, élimination des mots antiques sans postérité, modernisation des formes lexicales), la compréhension serait alors immédiate, à condition d’avoir appris environ 50 mots sur un vocabulaire usuel de 5000.
Conclusion
La langue de l’Église catholique reste et demeure le latin, la langue liturgique et officielle du catholicisme (textes doctrinaux ou disciplinaires, droit, etc.). Cela ne va pas sans difficultés. Déjà au temps du concile Vatican II, Yves Congar o.p., expert au concile, s’emploie à corriger la copie de ses collègues afin qu’ils s’expriment dans un latin fluide et contemporain. Par ailleurs, son Journal du Concile (CERF, 2000) témoigne qu’il donne, en catimini, des notes à l’expression latine des divers évêques et cardinaux. Pour aider à une meilleure qualité du latin écrit chez ceux de ses représentants qui doivent encore le pratiquer, le Vatican entretient un service du latin moderne et contemporain [2].
A. D.
Références
1. Latin. https://fr.wikipedia.org/wiki/Latin
2. Histoire du latin. https://fr.wikipedia.org/wiki/Histoire_du_latin