Site icon Le Matin d'Algérie

Le lobby juif américain : sauver le soldat Mohamed Ben Salmane

DECRYPTAGE

Le lobby juif américain : sauver le soldat Mohamed Ben Salmane

Selon une chronique parue ce début de semaine dans le prestigieux Washington Post, journal où collaborait Jamal Khashoggi, opposant au régime horriblement assassiné le 2 octobre dernier au consulat du royaume saoudien à Ankara en Turquie, le lobby juif s’emploie depuis quelque temps à réhabiliter le prince héritier Mohamed Ben Salmane.

Dans les faits, Netanyahou est sous pression de la Knesset pour user de tout son poids afin que  la relation entre Israël et le royaume d’Arabie saoudite demeure au dessus de toute bavure liée aux droits de l’homme. C’est ainsi que le Premier ministre israélien conforte certes son lien avec l’administration Trump, mais il accroît aussi l’isolement d’Israël dans l’opinion américaine en général et dans l’opinion juive américaine en particulier. 

« Comme les démocrates, beaucoup de républicains se sentiront écœurés par le spectacle d’un leader israélien menant un lobbying pour excuser un dictateur arabe d’avoir commis un meurtre», écrit un chroniqueur du Washington Post.

Netanyahou prend un risque : dans le pire des scénarios, même si la probabilité apparaît faible aujourd’hui, si d’aventure l’affaire Khashoggi tournait mal pour MBS et si la politique suivie par Trump dans la région s’avérait de plus en plus illisible et erratique, c’est toute sa stratégie régionale depuis une décennie qui se trouverait caduque. « Si la situation échappe à tout contrôle, l’implication de Netanyahou sera indéniable : son nom dans la débâcle saoudienne resterait inscrit dans le marbre », écrit Chemi Shalev, le correspondant de Haaretz aux États-Unis.

Netanyahou est le premier à savoir qu’une opération secrète ratée a toujours un coût politique. En 1997, déjà Premier ministre, il avait ordonné au Mossad d’aller assassiner le chef du Hamas, Khaled Mechaal, en Jordanie, sans prévenir les autorités hachémites car Israël pouvait agir en Jordanie, mais seulement avec l’aval des services locaux. Cette opération avait lamentablement échoué.

Le roi Hussein avait exigé et obtenu qu’Israël envoie du personnel médical pour sauver la vie du dirigeant islamiste empoisonné et plus encore qu’il libère le chef spirituel du Hamas de l’époque, le cheikh Yassine, alors emprisonné. Il sera assassiné par Israël sept ans plus tard. Netanyahou sait donc que MBS devra payer un prix politique, et que ce prix aura des conséquences pour l’alliance qu’il a nouée avec lui

Dès que l’affaire Khashoggi a été rendue publique, Netanyahou a tenté de minorer son impact en faisant confiance au temps et a tout fait pour que ses relais aux États-Unis, son ambassade à Washington et l’American Israël Public Affairs Committee (Aipac, le lobby pro-israélien au Congrès) soient mis au service du prince héritier saoudien.

Ron Derner, l’ambassadeur israélien, s’est dépensé tant et plus à cet effet. Pas toujours avec bonheur : au sein même du Parti républicain, il s’est heurté à de vives résistances.

Comme l’écrit le correspondant de Haaretz aux États-Unis, « Netanyahou s’est porté volontaire pour servir de bouclier à Trump face aux demandes tant des démocrates que des républicains de punir le prince héritier saoudien et le royaume pour l’assassinat de Khashoggi ». Et l’opération a fonctionné.

Après des hésitations, Donald Trump a publiquement apporté son soutien au régime saoudien en le justifiant par la nécessité « d’assurer nos intérêts dans ce pays et ceux d’Israël et de nos autres partenaires dans la région ».

Dès que l’annonce de l’attentat contre la vie de Jamal Khashoggi est devenue officielle, Benyamin Netanyahou a affiché sa position.

Certes, ce meurtre était « horrible », mais il était « très important pour la stabilité du monde et de la région que l’Arabie saoudite reste stable », concède-t-il avec cynisme.

Depuis, le Premier ministre israélien n’a jamais nié avoir fait le siège du président américain pour le persuader de ne pas lâcher le prince héritier saoudien. Il n’a sans doute pas eu trop d’efforts à faire pour y parvenir, mais il a fallu deux jours pour que Trump adopte une attitude calquée sur les propos de Netanyahou.

Entre-temps, une grande délégation de chrétiens évangéliques avaient rendu visite à la famille royale saoudienne à Riyad. L’organisateur du voyage était un Israélien et, juge Haaretz, «ce fait n’est pas une coïncidence». Pour l’opinion publique Israélienne, peuple et représentants, il faut absolument aider le jeune prince à accomplir ses réformes dans l’intérêt de l’Etat juif.  

Auteur
Rabah Reghis

 




Quitter la version mobile