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Le loup, la baleine et le Président 

HUMEUR

Le loup, la baleine et le Président 

L’une des grandes découvertes, très récente, par les écologistes,  dans la régulation des écosystèmes, aussi bien terrestres qu’aquatiques, est ce qu’on appelle la cascade trophique, dans laquelle la présence et le comportement d’un super prédateur affectent, par effet de réverbération, du sommet vers le bas, toutes les couches constituantes d’une chaîne alimentaire. 

Le loup

Le roman de Jack London, L’appel de la forêt, publié en 1903, raconte l’histoire d’un chien qui a troqué sa vie domestique, dépendante et enchaînée, en faveur de celle, sauvage, libre et féroce, du loup, cet anarchiste naturel dont la devise est « Ni Dieu, Ni Maître ». Seulement, à la même époque, les loups se faisaient massacrer par milliers, sous une politique d’éradication prônée par le gouvernement fédéral des États-Unis, sous l’influence des lobbies agricoles qui se plaignaient du danger constant du canidé sur leurs animaux d’élevage. 

C’est que, parallèlement au génocide appliqué aux Amérindiens, les Européens avaient réduit drastiquement les populations de bisons, de wapitis et de cerfs, privant le loup de ses proies habituelles, ne lui laissant aucun autre choix que de se tourner vers le bétail des nouveaux maîtres des lieux pour survivre. La guerre d’extermination a abouti à l’élimination totale des loups gris, dans les années 1950, dans 48 États, soit la mise à mort de plus de 400 000 individus. Une efficacité qui donne froid dans le dos.

En 1995, sous l’influence des organisations de protection de la nature et des écologistes, un nombre restreint de loups gris a été réintroduit dans le parc de Yellowstone d’où ils étaient éradiqués dans les années 1920. Une vingtaine d’années plus tard, des scientifiques ont mené des recherche sur l’impact des loups sur l’environnement local. Les résultats sont spectaculaires. 

L’élimination des loups avait conduit à l’explosion de la population des wapitis et des cerfs, restés sans prédateurs, causant des ravages à la végétation. La réintroduction des loups a changé le comportement de ces derniers. Ils se sont mis à éviter les endroits dangereux pour eux, en particulier les vallées et les rivières, ce qui a laissé le temps aux arbres de grandir, atteignant des hauteurs jusqu’à cinq fois plus que celles d’avant, notamment les saules et les trembles, lesquels, à leur tour, se sont peuplés d’oiseaux.

Les arbres, ou leurs troncs, sont également prisés par les castors, ces ingénieurs qui construisent des barrages dans les rivières, très prisés par les rats musqués, les loutres, les poissons, les canards et les amphibiens. La végétation attire également des lièvres et des souris, suivis par leurs propres prédateurs, les renards et les aigles. La végétation réduit l’érosion sur le bord des rivières, permettant à celles-ci de consolider leurs cours. 

C’est dire que dans la nature, rien n’est isolé, mais tout est lié dans un réseau d’interdépendance. La simple présence d’un loup est capable de changer non seulement la composition d’un écosystème mais également la géographie. 

La baleine

L’histoire d’un des plus grands romans jamais écrits, Moby-Dick, par Herman Melville, est inspirée par une industrie florissante du 19ème siècle: la chasse à la baleine. La poursuite obsessionnelle, jusqu’à la mort, d’une baleine blanche, par le capitaine Ahab, est une puissante métaphore sur le danger que la volonté de domination de la nature fait courir à l’humanité. 

Certainement, du point de vue économique, la baleine était, et l’est toujours, une énorme source de richesse et pas uniquement pour ses dizaines de tonnes de viande. Sa graisse donnait une huile fine, d’une qualité exceptionnelle, utilisée, avant la découverte du pétrole et de l’électricité, pour l’éclairage public et les lampes des mineurs, ainsi que pour la lubrification des fusils, des montres, des machines à coudre, des machines à écrire, des fours et des rouages des machines à grande vitesse, permettant à la révolution industrielle de progresser; on l’utilisait également pour la confection de produits cosmétiques et pharmaceutiques. Les fanons servaient à la fabrication de parapluies et de corsets, le cuir des ceintures et des sangles, les intestins des cordages, le crâne des bougies et des savons, tandis que les os étaient employés comme matériaux de construction.

Ce n’est qu’au lendemain de la deuxième guerre mondiale que, graduellement, a été mis fin à la chasse commerciale de la baleine. Cependant, durant son existence, l’industrie baleinière a poussé certaines espèces au bord de l’extinction et a contribué à une réduction drastique – jusqu’à 90% – du nombre de ces maîtres des océans. 

En moyenne, une baleine se nourrit de deux tonnes de krill et de plancton par jour. Longtemps, aussi bien les pêcheurs que les scientifiques croyaient que la disparition de ces monstres marins déboucherait sur une abondance de petits poissons, du moment qu’ils auraient plus de krill et de plancton pour s’alimenter, et une prolifération de grands poissons qui se nourriraient des petits. C’est le contraire qui est arrivé – à mesure que le nombre des grandes baleines se réduisait, celui des poissons diminuait. Il s’est avéré que la baleine est un paysan qui cultive son champ, avec son propre fumier, au bénéfice de tous les habitants des grandes surfaces aquatiques.

Elle se nourrit dans les profondeurs de l’océan et remonte à la surface pour respirer et relâcher ce qu’on appelle des panaches fécales, des quantités énormes d’excréments, riches en fer et en azote, des nutriments qui fertilisent les phyloplanctons, lesquels ne peuvent survivre qu’à la surface des mers, une zone atteinte par la lumière, indispensable à la photosynthèse.

En sus de la fertilisation, le déplacement d’eau causé par le mouvement de la baleine du bas vers le haut maintient le plancton à la surface, lui permettant de se reproduire à temps avant de sombrer vers le fond. Les baleines déplacent autant de quantités d’eau que le vent, les vagues et les marées réunies. On se retrouve avec une équation simple: plus il y a de baleines, plus il y a de plancton, plus il y a de krill et de poissons.

Le dioxyde de carbone (CO2) figure parmi les gaz à effet de serre dont l’accumulation dans l’atmosphère réchauffe la planète. Le plancton en absorbe des quantités gigantesques qu’il aide à séquestrer pendant des milliers d’années en coulant au fond de l’océan. On en déduit une deuxième équation toute aussi élégante que la première: plus il y a de baleines, plus il y a de plancton, moins il y a de CO2 dans l’atmosphère, plus le climat se stabilise. Quelle créature ! 

Le président 

Si nous considérons l’administration d’un pays comme une sorte d’écosystème, avec ses ressources et ses espèces, ses échelons et ses relations, il serait intéressant d’étudier l’influence exercée par sa présence, son absence et son comportement, du haut de la pyramide, du président d’une République démocratique et …

 

Auteur
Kamel Boukherroub

 




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