J’ai dû le vivre une, deux ou cent fois, je ne sais plus. C’est comme la comète de Hallay, la pleine lune ou la visite du cousin du bled, un perpétuel retour.
Notre bien aimé président Abdelmadjid vient de rendre une visite au président tunisien, Kaïs Saïed. Le but étant la participation à une réunion avec tous les démocrates du coin. Il y a du beau monde autour de la table, un régime militaire, une fausse démocratie et un pays dévasté par la guerre civile.
L’objectif étant de relancer l’idée de la communauté du Maghreb, un vieux serpent de mer, comme nous venons de le rappeler.
Autour de la table, des frères, le communiqué officiel le proclame, « À l’invitation de son frère, le président de de la république tunisienne, Kaïs Saïed, le président de la République, Abdelmadjid Tebboune se rend, aujourd’hui en Tunisie pour participer à la première réunion consultative regroupant les dirigeants de l’Algérie, de la Tunisie et de la Libye ».
Le rédacteur du communiqué doit être très jeune et débuter son instruction sur le cycle éternel puisqu’il affirme « la première réunion ». Le pauvre, il n’a pas fini de compter tout au long de sa vie.
Les frères ne se sont pas vus depuis longtemps et chacun tombe dans les bras de l’autre. Abdelmadjid déclare à sa descente de l’avion : «Nos cœurs sont toujours avec le peuple tunisien et mon frère le Président Kaïs Saïed».
Puis, comme ils se doivent d’invoquer Allah, grand organisateur de la réunion fraternelle, l’aîné commence par : «La Tunisie ne tombera jamais et demeurera toujours debout. Puisse Allah la protéger» et le cadet de répondre à son tour «Puisse Allah protéger la Tunisie et l’Algérie».
C’est dire en quelle main conciliatrice les deux frères s’en remettent. Qui miserait en effet un seul kopeck sur la réussite avec un tel parrainage, cause de malheurs et de guerres fratricides depuis des milliers d’années ?
Puis, comme dans toutes les réunions de famille, on parle en sous-entendus car chacun sait l’absence d’un des frères mais n’ose prononcer son nom. Les paroles sont détournées mais qui est né dans cette région du monde sait les interpréter.
C’est Abdelmadjid qui va se lancer le premier. Il y va par étapes mais on le voit venir au premier mot. «Ce bloc n’est dirigé contre aucun autre Etat et la porte est ouverte aux pays de la région». Nous avons compris que c’était le Maroc pour lequel la porte est ouverte.
Mais comme il ne faut pas perdre la face et qu’aucun frère ne soit obligé de reconnaitre sa faute, il faut des excuses en invoquant la cause de la dispute «Cette réunion n’est pas dirigée contre nos frères au Maroc ou quiconque, mais il s’agit d’une question de décolonisation». Comme message de réconciliation avec le frère marocain, j’ai vu mieux.
Tous les repas de familles se doivent de terminer par une grosse rigolade, le meilleur de cet exercice fait preuve de son immense humour, «Si nous utilisons la raison au lieu de la menace et la force, nous parviendrons à une solution», a dit Abdelmadjid.
Les frères devront se quitter, ils jureront qu’ils resteront en contact et qu’ils feront de grandes choses, maintenant réunis dans une fraternité de cœur et de sang.
Par cette déclaration, nous tremblons car son intensité préjuge de celle des tensions à venir.
Nous espérons que la prochaine réunion de fraternité sera au rythme de la comète de Halley et non à celui du rythme des retours du cousin du bled. Moins il y a de réunions de retrouvailles, plus la paix est à peu près assurée.
Sid Lakhdar Boumediene