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Le Maroc brûle avec sa génération Z

Manifestation au Maroc

Depuis hier, le Maroc a franchi un seuil. Dans plusieurs villes, des fourgons de police ont foncé sur les manifestants, les laissant agoniser sur l’asphalte. Ce n’était pas une bavure, mais une méthode : répondre à la colère de la jeunesse par le mépris le plus brutal, écraser au sens littéral ceux qui osent défier l’ordre établi.

La génération Z marocaine manifeste parce qu’elle ne veut plus vivre dans ce théâtre d’illusions. Elle n’a pas grandi dans la patience ni dans l’attente de lendemains meilleurs. Elle est née connectée au monde, consciente des standards de dignité ailleurs, et refuse que son avenir se résume à la survie, à la hogra… parfois en s’aventurant à la harga.

Ce qu’elle dénonce est clair : une bourgeoisie arrogante qui vit en vitrine, exhibe son luxe à Casablanca, Rabat ou Marrakech, tandis que la majorité ploie sous la misère et, pire encore, sous l’injustice. Et ce système a son visage politique : un Premier ministre issu de cette classe, au service de ses intérêts, incapable d’incarner autre chose que la rente et les privilèges. Son gouvernement a choisi d’entraîner le Maroc dans des projets pharaoniques dont seule l’élite profite, financés par une dette que le pauvre citoyen sera seul à supporter demain.

À cette trahison intérieure s’ajoute une compromission extérieure : le Makhzen a transformé l’ennemi d’hier – génocidaire aujourd’hui – en partenaire stratégique. En nouant des alliances avec ceux qui piétinent la mémoire et le droit des peuples, le pouvoir envoie les Marocains vers un futur d’asservissement, faisant de la politique étrangère un marché d’esclavage moderne.

C’est cela aussi que la jeunesse dénonce avec courage : l’idée qu’un pays puisse se vendre au détriment de son peuple. Et comme si cela ne suffisait pas, le Makhzen instrumentalise l’exil. L’immigration clandestine est devenue un robinet qu’on ouvre et ferme pour négocier avec l’Europe. Les jeunes sont réduits à une monnaie d’échange, renvoyés manu militari, traités comme une « chair à harga » dont la vie ne compte que dans les rapports de force diplomatiques.

Au sommet, l’absence du Roi, rongé par la maladie, a creusé un vide béant. Les clans se déchirent pour préparer la succession ; les purges agitent les sphères militaires et sécuritaires ; chacun s’arrange pour sauver sa place. Pendant que le pays brûle, la cour s’occupe de ses querelles dynastiques. Le Maroc ressemble à un navire abandonné à ses luttes internes, incapable de répondre à la détresse de sa jeunesse.

La hogra est devenue norme. On humilie le fonctionnaire. On piétine le chômeur diplômé. On abandonne les campagnes aux catastrophes. On détourne le regard devant des services publics en ruine. Et quand la jeunesse se lève, la réponse n’est ni réforme ni justice, mais répression : coups de matraque hier, fourgons aujourd’hui. Comme si la peur pouvait remplacer la dignité.

Ce qui se joue n’est pas une émeute passagère. C’est une rupture totale entre un peuple et un pouvoir. La génération Z ne demande pas des miettes mais l’essentiel : santé, éducation, travail, respect. Elle ne veut plus d’un royaume réduit à des palais fermés, des clans arrogants, un Premier ministre au service de la rente, un Makhzen inféodé aux dettes et aux alliances indignes.

On peut écraser des corps sous des fourgons. On ne peut pas écraser une génération entière. La jeunesse marocaine a rompu le silence. Son mot d’ordre est clair et irrévocable : la dignité.

Zaim Gharnati

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