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Le Mouvement populaire, l’armée, la “main étrangère” et les élites

OPINION

Le Mouvement populaire, l’armée, la “main étrangère” et les élites

L’élite politique s’adonne à un exercice cérébral qui pourrait à la longue radicaliser le mouvement national. Il en assumera la responsabilité historique des dégâts.

Le mouvement fortement populaire et qui se compte en millions n’a jamais revendiqué un débat idéologique pour qu’aujourd’hui cet élite qui s’ennuie dans les officines des universités le mettent en avant et projettent ainsi leurs propres desseins pour orienter les protestataires vers les objectifs souvent complexes et  contradictoires avec l’intérêt général de la nation.

Bien avant d’obtenir quoique ce soit pour amorcer un vrai débat citoyen, quelqu’un se définit par son appartenance à l’islam et sa pratique de la prière pour gagner la confiance, l’autre voudrait coller le drapeau amazigh sur celui national, des conférences s’organisent dans les forums universitaires autour du fédéralisme et de l’identité algérienne enfin un ancien ministre qui pointe la menace du maréchal Haftar pour dire au mouvement populaire : obtempérez, acceptez la proposition de l’armée car le danger est imminent et vient de la frontière libyenne !

Pourtant ce mouvement national rassemble toutes les tendances : islamistes, athées, Kabyles, Chaouis, Mozabites, Terguis, Châambis et bien d’autres dans une cohésion totale qui ne permettra à aucun virus de s’incruster.

Les terroristes qui viendraient de la Syrie et du Yémen en Libye, quand bien même soutenu par les Etats-Unis comme le prétendent certaines théories complotistes  ne traverseront jamais les frontières algériennes tant que la cohésion du Mouvement populaire du 22 février est soudée.

On a coutume de voir le terrorisme s’installer lorsque le régime est corrompu et jamais dans une société à peuple uni. Le Mouvement populaire du 22 février  dans ses différentes revendications n’a à aucun moment porté atteinte à la « nation » qui est la construction historique du sentiment d’appartenance de l’Algérien à une identité commune fondée sur la culture, la langue, la religion voire même le territoire.

La revendication, au demeurant très ciblée reste plutôt la dénonciation d’un appareil qui s’est doté d’un ensemble de règles, de lois et d’une organisation administrative qui lui a confisqué  sa souveraineté légitime. Le Mouvement populaire réclame un nouveau contrat social fondé sur un Etat de droit, républicain et surtout citoyen. Il s’agit du passage d’un pouvoir personnel détenu depuis longtemps par un président de la république à un autre « institutionnalisé ».                         

Le Mouvement populaire attend d’être entendu

Pourquoi voudrait-on qu’il reste sage ? Il a arrêté une mascarade d’un mandat de trop pour un homme malade qui s’accroche au pouvoir malgré un fort rejet populaire. Il a aussi réussi à le faire démissionner avant même qu’il termine son mandat. Il a obtenu et c’est inédit dans l’histoire des peuples africains le mea culpa de celui de Bouteflika, même si certains la prennent comme une ruse. Se présentant comme simple citoyen, Abdelaziz  Bouteflika écrit : « Je ne puis achever mon parcours présidentiel sans vous adresser un ultime message » et « demander pardon à ceux, parmi les enfants de ma patrie, envers lesquels j’aurais, sans le vouloir, manqué à mon devoir en dépit de mon profond attachement à être au service de tous les Algériens et Algériennes ».

Ceci signifie-t-il la fin de sa révolution ? Rien n’est moins sûr car une révolution doit  atteindre ses objectifs sur lesquels la pression doit continuer sous des formes appropriées pour ne pas rendre leur mouvement  contre-productif et se faire voler par des forces occultes les acquis obtenus jusque-là.

Il est vrai que l’armée en Algérie « fabrique » ses hommes pour reconduire le système mais si elle insiste aujourd’hui sur le respect de la constitution, cela ne veut pas dire qu’elle impose les hommes qui jouissent d’un droit constitutionnel pour conduire la transition. Pourquoi ?  Une certaine symbiose est instaurée entre  «le peuple et son armée » qui reste selon toute vraisemblance la seule institution qui n’est pas contestée parce qu’elle a réussi cette fois- ci à remplir son rôle de garant d’une assurance d’une transition sans implication directe dans les affaires politiques.

Pour la première fois  dans l’histoire de l’Algérie indépendante, l’armée fait le même diagnostic du régime que le peuple. «  Je ne saurai me taire aujourd’hui sur les complots et les conspirations abjectes, fomentés par une bande qui a fait de la fraude, la malversation et la duplicité sa vocation ».  avait lu le Général Major Ahmed Gaid Salah dans le communiqué de l’armée le 02 avril dernier. Il se trouve que les règles constitutionnelles tripotées plusieurs fois pour maintenir un ordre établi et qu’il dit respecter, vont le conduire mains liées vers le même régime qu’il a décrit plus haut lui-même.

Auquel cas tout le monde sera perdant dans cette affaire sauf  le «système qui apparaîtra sous une autre forme.

Auteur
Rabah Reghis

 




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