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Le  MSP s’en prend au  ministre Mohamed Meziane : quand le parti frériste défend un allié idéologique 

MSP

MSP, un parti islamiste défenseur du courant conservateur et arabiste

Derrière la charge frontale du Mouvement de la société pour la paix (MSP) contre le ministre de la Communication, Mohamed Meziane, se cache moins un attachement sincère aux principes du contrôle parlementaire qu’un alignement idéologique avec le pseudo-historien Lamine Belghit. Le parti islamiste joue une partition politique bien connue : travestir un soutien doctrinal en croisade pour la légalité institutionnelle.

Le décor est planté. Une déclaration officielle du MSP publiée, hier vendredi, condamne avec véhémence les propos tenus par le ministre de la Communication, Mohamed Meziane, à l’encontre du député Abdeslam Bachaâgha. Le ministre, rappelons-le, avait qualifié la prise de parole du parlementaire, qui dénonçait le traitement médiatique de l’affaire Belghit, de « discours ignorant » sur le fonctionnement des médias publics.

Pour le MSP, cette réponse constitue un « dérapage grave », remettant en cause les équilibres entre les institutions et la séparation des pouvoirs. Mais à y regarder de plus près, ce qui mobilise réellement le parti islamiste, ce n’est pas tant le souci de l’orthodoxie parlementaire que la volonté de voler au secours d’un universitaire controversé et idéologiquement proche : Lamine Belghit, incarcéré et poursuivi par la justice.

Une indignation sélective

Le parti islamiste fait mine de s’ériger en défenseur de la liberté d’expression et du respect de la présomption d’innocence. Il dénonce ce qu’il appelle une « justice télévisuelle » orchestrée contre Mohamed Lamine Belghit par le média public. Pourtant, ce même MSP est resté étrangement silencieux face aux innombrables cas de journalistes inquiétés, d’intellectuels censurés ou de médias muselés, aussi bien publics que privés.

Cette indignation à géométrie variable trahit la vraie nature de son engagement : une solidarité de camp, motivée par la proximité idéologique avec un universitaire dont les thèses — notamment sur l’identité arabo-islamique exclusive de l’Algérie — résonnent avec le logiciel culturel du parti.

Belghit, un pseudo historien négationniste déguisé en victime 

Décrit dans un reportage de l’ENTV comme un « marchand d’idéologies dans le marché de l’Histoire », Lamine Belghit, enseignant d’histoire à l’université d’Alger, est une figure polémique. Ses positions sur l’Algérie « exclusivement arabe » et ses prises de parole virulentes sur les réseaux sociaux ont alimenté de nombreuses polémiques, notamment dans le contexte des débats sur la place de l’amazighité et la mémoire nationale.

Son arrestation et son placement en détention proivisoire, dans le cadre d’une affaire en cours de traitement judiciaire, a suscité peu de réactions dans la communauté académique. En revanche, elle est devenue un cheval de bataille pour le MSP, et l’ensemble du courant islamo-conservateur qui en font un martyr d’une supposée dérive autoritaire des médias d’État et de la justice. 

Un ministre critiquable, mais mal critiqué

Il serait pourtant simpliste de faire de Mohamed Meziane un champion des médias libres. Le ministre de la Communication, issu du sérail académique, ne s’est jamais illustré comme défenseur de la pluralité ou de l’indépendance de l’ENTV. Bien au contraire, il est un pâle donneur de leçons. Son ministère continue d’exercer un contrôle strict, voire un magistère souverain, sur les lignes éditoriales des médias, et ses rares sorties publiques manquent cruellement de vision réformatrice.

Mais l’attaque du MSP n’est pas dirigée contre cette emprise structurelle. Car il est tout aussi intolérant à l’idée démocratique. Elle se focalise sur une querelle de forme, qui masque mal son fond idéologique : protéger un allié culturel, tout en tentant de gagner des points dans l’opinion conservatrice. Ce faisant, le MSP instrumentalise le débat parlementaire et détourne les enjeux de la liberté d’expression.

Posture idéologique sous vernis institutionnel

En somme, la virulence du MSP n’est pas une bataille pour les principes, mais une offensive identitaire travestie en croisade institutionnelle. Le parti islamiste défend la figure de Belghit non pour ce qu’elle incarne en termes de droits ou de libertés, mais pour ce qu’elle représente en termes de combat idéologique : la préservation d’un récit arabo-islamique exclusif.

Rappel des faits 

Lors d’une journée d’étude à Sétif, le ministre de la Communication, Mohamed Meziane, a réagi aux propos du député Abdeslam Bachagha en déclarant : « Le député a tenu des propos déplacés et a fait preuve d’un manque de culture institutionnelle et d’informations précises. C’est le ministère de la Justice, représenté par le procureur de la République, qui a publié le communiqué, et non la télévision publique. » Il a précisé que la télévision publique « ne produit pas les communiqués des institutions, mais se contente de les diffuser dans le cadre de ses missions de service public. »

En réponse, le groupe parlementaire du mouvement Hamas a dénoncé une riposte « maladroite » et « inappropriée », estimant que les propos du ministre constituent « une atteinte flagrante aux représentants du peuple » et « un dépassement manquant aux plus simples conventions de l’État et des institutions. » Le groupe a souligné que ces déclarations « s’écartent du cadre institutionnel et excèdent ses prérogatives », rappelant le droit de contrôle parlementaire garanti par la Constitution.

Samia Naït Iqbal

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