C’est Malcom X qui popularisa, si je ne m’abuse, la distinction entre nègre de maison et nègre des champs, qui reste toujours d’actualité. Il ne suffit pas d’être de la même classe, encore faut-il être solidaires.
Le nègre des champs trime toute la journée sous le fouet du maître et de ses suppôts. Mal habillé, mal nourri, il dort dans les écuries. Le sort du nègre de maison est tout autre. Bien nourri et habillé pour être présentable aux convives, il a sa chambre de serviteur.
Il est aux petits soins avec son maître : « Est-ce que je vous sers la soupe, maître ? », « est-ce que mon maître souffre ». Il défendrait bec et ongles son maître contre ses frères des champs, lesquels rêvent de découper en morceaux le leur.
Cette distinction malcomsxiène va au-delà de la notion de classe qu’elle enrichit en la dédoublant. Car elle opère une division au sein de la même classe, en l’occurrence ici celle des opprimés/exploités qu’elle sépare entre ceux qui servent leurs oppresseurs/exploiteurs/dominants par cupidité ou lâcheté, voire par manque d’objectivation de leur condition, et ceux qui subissent de plein fouet leur violences physiques ou larvées.
On est loin de « la trahison des clercs » (Benda) ou des « chiens de garde » (Nizan) que Serge Halimi a actualisé dans « Les nouveaux chiens de garde ». Il s’agit de la trahison des frères pareillement opprimés et exploités, ça va du « jaune » cafteur dans l’entreprise jusqu’au parvenu exilé servile, devenu, en passant par tout citoyen déshérité qui ne résiste pas à la soupe des maîtres.
Contrairement à l’ennemi de classe qu’il faut combattre férocement, cet « ennemi de l’intérieur » pose problème quant à la façon de le détourner de ses maîtres.
Malgré tout, on lui garde quelque sympathie que nous devons à sa condition non enviable que nous partageons.
Car nous savons, tôt ou tard, il se rebellera.
Il faut espérererer…
Achour Wamara