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Le Noël cathodique

La Petite maison dans la prairie.

La Petite maison dans la prairie. Maquette.

À moins qu’il ait hiberné depuis sa naissance, aucun citoyen de ce monde peut nous convaincre de son ignorance de la série à la télévision de La Petite maison dans la prairie avec la famille Ingalls et l’inoubliable et sympathique madame Harriet Oleson.

Je m’en veux de ne pas avoir compris dans ma jeunesse le message à peine caché de cette série. Je m’étais réveillé à cette réalité plus tard. Il faut dire que les stéréotypes de l’Amérique conservatrice, blanche et chrétienne nous étaient si communs dans la puissante industrie cinématographique et télévisuelle.

Nous les avions intégrés dans notre esprit sans trop nous poser de questions. C’était l’image de l’Amérique puritaine, nous le savions et il ne nous venait pas à l’idée de nous embarrasser par des considérations de ce genre qui perturberaient notre plaisir. D’ailleurs près d’un demi-siècle après, je regarde avec ce même plaisir les éternelles rediffusions. Harriet est ma préférée car elle a un rôle qui donne de l’épaisseur à cette série.

Depuis quelques années la propagande puritaine américaine est revenue avec force dans les petits écrans mondiaux. Ce n’est pas seulement un envahissement, c’est un cataclysme que ce Noël qui approche.

Les téléfilms sur Noël sont pléthoriques et cela, encore plus heurtant, dès septembre. Il n’y a pas une seule chance d’en rater un lorsque la télécommande est en action. Mais dorénavant, je m’aperçois du message dès la première minute du téléfilm. Il est aussi gros que l’écran lui-même.

Le fait que Noël soit préparé depuis septembre, nous l’avions constaté de longue date pour de nombreuses fêtes ou célébrations dans l’année (Pâques, Halloween, bouquet du  1er mai etc.) sur les étalages des magasins et des publicités. C’est une opération marketing qui nous est familière. Je suis tenté d’être persuadé que dans les décennies qui viennent (pour les générations suivantes), la période  commerciale de Noël débutera dès les vacances d’été sur la plage.  

Un facteur participe à cet état de fait, les épisodes ont un coût extrêmement  bas, c’est le moins qu’on puisse en dire. Une équipe d’étudiants, bien dotée d’un matériel adéquat, pourrait les produire. Ajouté à cela que le nombre de téléspectateurs est de plus en plus important. La guimauve et le sirupeux, s’ils ont toujours eu leur effet, il est étrange que l’évolution soit si importante. 

Il est vrai, c’est indéniable, que l’accession de la quasi-totalité des populations dans ce monde à la télévision et le nombre surmultiplié des chaînes est en grande partie une explication.

Tout cela est déjà connu et n’a pas empêché la planète de tourner. La chose est beaucoup plus inquiétante lorsque nous revenons à ce message dissimulé (pourtant si visible) du conservatisme. Car cette position idéologique est en sérieux développement dans le monde, pas un seul continent n’est épargné. 

Quels sont les ressorts de ces séries télévisés ? Eh bien, on pourrait dire, la famille Ingalls et tout Walnut Grove. Tout, absolument tout, est présent dans des stéréotypes qui transmettent les valeurs de l’Amérique blanche.

Prenons quelques exemples récurrents. Un personnage, femme ou homme, revient dans sa ville ou son village au moment de Noël et s’aperçoit de la puérilité de sa quête de réussite professionnelle ailleurs. Ils ou elles retrouvent leur ami(e) d’enfance dans une ambiance de conte de fée aussi rose que la robe de Barbie. 

Ils ont une ambition de refaire naître une amitié, un commerce, une fête ou telle et telle tradition de Noël. Tout y est et particulièrement ces si célèbres clichés de Noël que sont le chocolat chaud et les cookies. Tout cela baigné dans un tapis de neige fantasmée pour sa blancheur immaculée (tiens, encore le blanc). Et cette phrase rituelle de chaque épisode que prononcent tous, « la magie de Noël ». 

Et bien entendu tous aussi blancs et blonds que la race pure de Noël. Des couples idylliques, des promesses d’amour pur et de fondation d’une famille. Le conservatisme dans toute sa puissance. Et de temps en temps, un couple noir pour se donner une bonne conscience comme ce fut le cas pour une famille apparue dans Walnut Grove introduite dans le scénario. Une seule, il ne faut tout de même pas exagérer non plus !

Inévitablement, dans ce mouvement mondial dont j’avais parlé, ce sont les idées d’extrême droite qui envahissent peu à peu les esprits des producteurs qui veulent coller aux demandes d’un public devenu MAGA pour une grande partie ou au conservatisme des plus appuyés pour les plus raisonnables.

Suprémacisme racial, esprit de domination du christianisme, des valeurs blanches et de la supériorité en tous domaines dans cette Amérique devenue folle, ce n’est pas encore visible dans les séries mais on s’y rapproche. Ceci n’est pas sorti de mon esprit mais documenté, chacun peut trouver des références en les recherchant, il ne mettra pas longtemps à les trouver.

Je tiens à dire au lecteur qu’il n’existe aucune intention de ma part de heurter les convictions de chacun puisque certaines valeurs véhiculées sont incluses dans les convictions morales de la grande partie des civilisations de ce monde. Le lecteur doit comprendre qu’il s’agit seulement de dénoncer la dérive racialiste et suprémaciste de ces feuilletons de télévision, aspergés avec de  l’eau de rose.

« Jingle Bells » nous dit la chanson la plus célèbre du Noël américain. « Vive le vent, vive le vent… ! » nous dit sa traduction en français. Pour ma part, ce vent s’incruste dans mes narines comme une odeur pestilentielle. De celles qui mènent vers l’idéologie de la peste noire dans l’histoire, celle de la haine, des drames et de la mort.

Boumediene Sid Lakhdar

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