Site icon Le Matin d'Algérie

Le paradis de Ibn Qayyim, l’espoir en un espace exempt de souffrance

"Le Paradis" d'Ibn Qayyim Al-Jawziyya

Il nous est essentiel de poser d’emblée avant lecture du présent article deux principes. Nous passons en crible les idées présentes dans le livre de Ibn Qayyim, le Paradis.

Notre propos n’est évidemment pas ici de remettre en cause la croyance des fidèles, (libres à eux de croire ou pas). Il est essentiellement orienté pour comprendre les mécanismes de la croyance en cet espace de l’au-delà lequel est décrit comme exempt de toute souffrance et malheur.

Nous déclinons toute responsabilité à ce que ce livre délivre comme espoir. Notre propos se limite à interroger le texte de Ibn Qayyim. Croire ou ne pas croire est de votre seule responsabilité.

Dans le livre « Le Paradis » d’Ibn Qayyim Al-Jawziyya, il est décrit que le Paradis est un lieu de délices et de merveilles éternelles réservé aux croyants. Selon les enseignements islamiques, le Paradis est décrit comme un endroit où les croyants seront récompensés par la proximité divine, la paix, la félicité et la satisfaction éternelle. On y trouve des jardins luxuriants, des rivières de lait, de miel et de vin purifié, ainsi que des fruits délicieux. De plus, le Paradis est décrit comme un lieu où les croyants seront entourés de beauté, de confort et de bonheur infini, loin de toute souffrance ou malheur. En résumé, le Paradis est présenté comme un lieu de béatitude et de récompenses divines pour ceux qui ont mené une vie vertueuse et pieuse

Dans la théologie islamique, « Le Paradis » d’Ibn Qayyim Al-Jawziyya revêt une grande importance en tant qu’œuvre qui explore et clarifie les concepts du Paradis et de la récompense divine pour les croyants. L’auteur, à travers cet ouvrage, met en lumière les délices et les bénédictions éternelles qui attendent les fidèles dans l’au-delà, offrant ainsi une vision détaillée et spirituelle de ce concept central de la foi musulmane. De plus, Ibn Qayyim Al-Jawziyya aborde des questions théologiques essentielles telles que la responsabilité de l’homme pour ses actes, la liberté de choix et la distinction entre le bien et le mal. Ainsi, « Le Paradis » contribue à enrichir la compréhension des croyants sur la récompense divine et l’importance de mener une vie vertueuse selon les enseignements islamiques

Comment les hommes vertueux seraient récompensés ?

Les hommes vertueux seraient récompensés de différentes manières selon les perspectives théologiques et philosophiques. Dans la théologie islamique, les hommes vertueux seraient promis au Paradis, un lieu de délices éternelles où ils seraient récompensés par la proximité divine, la paix et le bonheur infini. Cette récompense ultime est basée sur leurs actions justes et pieuses dans cette vie, conformément aux enseignements religieux.

Types de récompenses mentionnés dans ses écrits :

Proximité divine et félicité éternelle : Les hommes vertueux sont promis à la proximité divine et à un bonheur infini dans le Paradis.

Délices éternels : Le Paradis est présenté comme un lieu de délices éternels où les croyants seront comblés de bénédictions divines.

Jardins luxuriants et rivières de lait, de miel et de vin purifié : Les descriptions du Paradis incluent la présence de jardins luxuriants, de rivières aux eaux délicieuses et des fruits exquis.

Confort et satisfaction éternelle : Les récompenses pour les hommes vertueux comprennent un confort absolu, une satisfaction éternelle et une vie sans souffrance ni malheur.

Selon Fethi Benslama, le paradis musulman est décrit comme un lieu de plaisirs infinis pour les hommes, où la sexualité occupe une place prépondérante avec la promesse d’un grand nombre de femmes vierges. En revanche, peu de précisions sont données concernant les plaisirs des femmes au paradis, leur lot étant plutôt celui d’une béatitude désincarnée. Cette vision du paradis envoie un message aux croyants, soutenant la virilité des hommes en leur offrant un monde sans crainte et les incitant à sacrifier leurs pulsions dans l’espoir d’une compensation totale dans l’au-delà.

Quel regard anthropologique pouvons-nous poser sur ce Paradis décrit ?

Lorsqu’on examine « Le Paradis » d’Ibn Qayyim Al-Jawziyya sous un regard anthropologique, plusieurs aspects peuvent être mis en lumière :

La conception de la récompense et de la vertu : L’œuvre explore la relation entre les actions vertueuses des hommes et les récompenses promises dans l’au-delà, mettant en avant la valeur de la vertu et son lien avec la rétribution divine.

La construction sociale de l’espoir et de la piété : Le Paradis est présenté comme un lieu d’espoir pour les croyants, une aspiration commune qui façonne les comportements et les attitudes des fidèles dans leur vie quotidienne.

La dimension morale et éthique : En décrivant les délices du Paradis, l’œuvre souligne des valeurs morales telles que la patience, la piété et la soumission à la volonté divine, mettant ainsi en lumière les normes sociales et éthiques qui guident la vie des croyants.

En appliquant une perspective anthropologique à « Le Paradis », on peut donc analyser non seulement les croyances religieuses sur l’au-delà, mais aussi les implications sociales, morales et culturelles de ces conceptions sur la vie des individus et des communautés

Quelle dimension psychanalytique pouvons-nous établir de ce texte de Ibn Qayyim ?

Lorsqu’on examine « Le Paradis » d’Ibn Qayyim Al-Jawziyya d’un point de vue psychanalytique, plusieurs dimensions peuvent être établies :

Les désirs et les pulsions : Le texte peut être analysé à travers le prisme des désirs humains et des pulsions inconscientes qui motivent les actions des individus. La description du Paradis comme lieu de délices éternels peut refléter les aspirations profondes de l’individu pour le bonheur et la satisfaction. La notion de récompense et de punition : La promesse du Paradis pour les hommes vertueux et la menace de l’enfer pour les pécheurs peuvent être interprétées à la lumière du concept psychanalytique de récompense et de punition, soulignant ainsi les mécanismes psychologiques liés à la moralité et à la culpabilité.

Les mécanismes de défense : L’idée du Paradis comme lieu de refuge et de réconfort éternel peut être analysée comme un mécanisme de défense psychologique face aux angoisses existentielles et à la peur de la mort, offrant ainsi une perspective sur la manière dont les croyances religieuses peuvent servir à apaiser les angoisses humaines. En appliquant une approche psychanalytique à « Le Paradis » d’Ibn Qayyim, on peut donc explorer les motivations profondes, les conflits internes et les mécanismes psychologiques sous-jacents qui façonnent la vision de l’au-delà présentée dans l’œuvre.

Un nietzschéen pourrait voir dans les récompenses décrites par Ibn Qayyim une manifestation de la morale et de la récompense céleste qui, selon Nietzsche, pourrait être perçue comme une forme de « ressentiment » ou de « moralité esclave ». Nietzsche critiquait souvent les concepts traditionnels de bien et de mal, remettant en question la notion de récompense après la mort. Pour approfondir le point de vue nietzschéen sur « Le Paradis » d’Ibn Qayyim, il est essentiel de considérer la critique nietzschéenne de la morale traditionnelle et de la récompense céleste. Nietzsche remettait en question les concepts traditionnels de bien et de mal, soulignant que la morale religieuse était souvent basée sur le ressentiment et la culpabilité. Ainsi, un nietzschéen pourrait interpréter les récompenses du Paradis comme une forme de « moralité esclave » qui détourne l’homme de vivre pleinement dans le monde terrestre.

Nietzsche mettait également en avant l’idée de l’Übermensch (Surhomme), un individu capable de créer ses propres valeurs au-delà du bien et du mal traditionnels. Dans cette perspective, le concept de récompense céleste pourrait être perçu comme une limitation de la liberté individuelle et de l’épanouissement personnel, allant à l’encontre de l’idéal nietzschéen d’affirmation de la vie terrestre.

Les idées sous-jacentes et les motivations qui pousseraient les hommes à rêver du paradis tel que décrit par Ibn Qayyim sont multiples et complexes. Tout d’abord, la vision du paradis comme un lieu de félicité éternelle, de plaisirs infinis et de récompenses divines constitue une motivation puissante pour les croyants. La promesse de jouissances multiples, de beauté et de pureté évoquée dans la description du paradis crée un désir profond chez les fidèles de vivre dans cet espace béni.

De plus, la représentation des houris, ces femmes spéciales créées par Allah pour demeurer au paradis, renforce l’idée d’un lieu céleste où les hommes seront comblés de compagnes d’une grande beauté et d’une pureté exceptionnelle. Cette vision idéalisée du paradis, avec ses jardins luxuriants, ses rivières de lait et de miel, ainsi que la présence des houris, suscite un désir ardent chez les croyants de mériter cette ultime récompense.

Enfin, cela demeure une croyance. Ce paradis décrit sous toutes ses coutures est un espace à venir, un espace en devenir. Il n’est pas encore là. Il faut franchir des obstacles, surmonter le poids de la vie avec ses vicissitudes. Et la récompense attendrait le croyant.

La psychologie primaire qui pourrait travailler l’aspiration à l’espace paradisiaque décrit par Ibn Qayyim est celle de la satisfaction des besoins fondamentaux et de la recherche de récompenses. Selon les concepts de la psychologie des représentations sociales, les individus sont motivés par des aspirations profondes qui influencent leurs pensées, leurs émotions et leurs comportements. Dans le cas de l’aspiration au paradis, cette motivation peut être liée à la recherche d’un espace dépourvu de souffrance, où les besoins spirituels et émotionnels seraient comblés de manière ultime.

L’aspiration à un paradis céleste sans souffrance peut être alimentée par le désir inné de bonheur, de sécurité et de satisfaction totale. Les représentations sociales et culturelles entourant le paradis, telles que décrites par Ibn Qayyim, façonnent les croyances et les attentes des individus quant à cet espace idéalisé où la félicité est infinie. Cette aspiration peut donc être motivée par la quête d’un lieu parfait, exempt de toute forme de douleur ou de malheur, où les plaisirs sont éternels et les récompenses divines.

Une vision mortifère

La vision du paradis telle que décrite par Ibn Qayyim peut être interprétée comme une aspiration à un au-delà de la vie terrestre, où la recherche de félicité éternelle et de récompenses divines peut sembler motiver certains individus à envisager la mort comme un passage vers cet espace idéalisé. Cette perspective soulève des questions sur la manière dont cette vision du paradis influence la perception de la vie et de la mort, et si elle peut être perçue comme une incitation à rechercher la mort pour atteindre ce paradis céleste.

Said Oukaci, Doctorant en sémiotique

 

Quitter la version mobile