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Le pétrole et le gaz, les mamelles de la rente en Algérie

Pétrole
L’économie algérienne dépend totalement de sa production en hydrocarbures.

La nationalisation du pétrole et du gaz et la hausse du prix du baril de pétrole et du gaz vont faire des ressources en hydrocarbures la principale source de revenu en devises du pays. C’est ainsi que la rente pétrolière et gazière va rendre le pouvoir de plus en plus attractif. C’est donc l’Etat qui va contrôler la quasi-totalité des ressources de la nation.

En absence d’une démocratie en Algérie, l’enjeu politique ne sera plus la croissance économique et le plein emploi des facteurs de production de biens et services mais la répartition de la rente pétrolière et gazière à des fins de légitimation du pouvoir.

La rente va alors irriguer tous les réseaux du système  et chaque réseau sera évalué et rémunéré en fonction de sa contribution à la stabilité du système. Ainsi, par ce mode de redistribution arbitraire et irrationnel des ressources nationales, l’Etat imposera une déresponsabilisation en profondeur, du sommet à la base,  et de la base au sommet, à l’ensemble des acteurs économiques et sociaux, qui adoptent alors, sous l’effet de la pression sociale, l’idéologie du système c’est à dire « la politique du ventre ».

C’est dans ce contexte que nos enfants naissent et grandissent dans un climat de corruption qui fausse leur conscience dés leur jeune âge en leur faisant croire que le succès dans la vie s’obtient non pas par les études approfondies et le travail honnête mais par la tromperie et le vol. « On prend les hommes par le ventre et on les tient par la barbichette ». L’adage populaire qui dit « remplis lui son ventre, il oublie sa mère » trouve là toute sa pertinence. Une politique financée intégralement par la « poche » saharienne. Cette politique a consisté à vider la tête des hommes et à remplir leur ventre. Dès l’école primaire, on apprend aux élèves plus à obéir qu’à réfléchir. Et plus tard, à l’âge de la raison, ils se rendent compte que dans la vie professionnelle, l’obéissance à la hiérarchie est un critère déterminant dans la promotion sociale.

Dans ce contexte, les capacités intellectuelles et professionnelles acquises à l’école, importent peu pour accéder et gravir les échelons de la hiérarchie administrative. Seul l’accès à un réseau le permet et l’obéissance aveugle dont il faudra faire preuve auprès de celui qui le contrôle.  Le système tire donc sa véritable dynamique de la promotion d’un personnel politico-administratif médiocre, car il n’a aucune possibilité d’exercer son esprit critique, malgré, pour certains le haut niveau intellectuel acquis à l’université.

Cette promotion de la médiocrité visant l’accaparement des ressources nationales par la faction au pouvoir et leur redistribution obscure à travers les réseaux qui soutiennent le système crée ainsi par sa propre dynamique interne les conditions de son inefficacité notamment dans le domaine du développement économique où le système se contente de poser quelques réalisations prestigieuses n’ayant aucune emprise sur la dynamique sociale et économique mais donnent lieu simplement à une apparence du développement. L’organisation sociale ne connaissant pas les lois de l’économique (profit, compétence, concurrence..) fait que toute production interne propre est dévalorisée et ne donne aucun label de notoriété à son auteur.

La société n’exerce aucune pression sociale sur la production mais tente d’agir sur la redistribution par le recours aux grèves sauvages et aux émeutes sporadiques et récurrentes. C’est pourquoi la compétence s’exile, se marginalise, ou s’enterre, alors que la médiocrité s’affirme, s’impose et se multiplie. Dans les échanges, la cupidité domine le commerce, les importations freinent la production, les devises fuient le pays par la grande porte, La monnaie nationale dégringole, le billet de banque sert de papier hygiénique, le chèque ne trouve pas preneur, « la mauvaise monnaie chasse la bonne ».

La pièce de un dinar a disparu. Comment faire l’appoint ? L’argent facile fascine. La passion l’emporte sur la raison. L’investissement n’a plus sa raison d’être, les entreprises cessent de produire, les algériens n’ont plus le cœur à l’ouvrage, le travail les répugne, la conscience professionnelle a disparu.

L’Algérien ne dit pas « je vais travailler » mais « je vais au travail » (cela veut dire je vais pointer et attendre la fin du mois pour percevoir mon salaire).

Chaque poste administratif et politique est transformé en un patrimoine privé, source d’enrichissement personnel pour celui qui l’occupe et de promotion sociale pour son entourage familial et immédiat. De plus, l’impôt sanctionne le travail productif et amnistie le profit spéculatif. La fiscalité ordinaire se rétrécit comme une peau de chagrin, la fiscalité pétrolière et gazière couvre à elle seule toutes les dépenses de fonctionnement et d’équipement de l’Etat. Une grande comédie dans un théâtre à ciel ouvert où les rôles sont distribués d’avance. Le spectacle est terminé, les rideaux sont levés, les masques tombent. On découvre que les diplômes de l’Etat ne débouchent pas sur des emplois productifs, que le travail de la terre a été enterré, que les usines sont transformées en bazars, que le pays n’est pas gouverné, que nous vivons exclusivement de l’argent du pétrole et du gaz Aujourd’hui, qu’il est rattrapé par la réalité, l’algérien veut d’une part être rétribué par l’Etat pour son allégeance au système et d’autre part être rémunéré par la société pour le service qui lui rend. Le problème est que l’Etat n’a plus les moyens d’acheter la paix sociale et la population ne peut s’en passer des revenus pétroliers. Aujourd’hui l’Etat et la société se retrouvent le dos au mur.

Un Etat virtuel face à une société réelle

On ne joue pas avec le feu, on risque de se brûler. Le feu prend de toute part et l’eau se raréfie ? « Qui réunit l’eau et le feu, perd l’un des deux » L’argent ou le pouvoir ? De quelle légitimité peuvent se prévaloir les fortunes privées en dehors de l’argent du pétrole ? Que vaut la probité d’une élite qui a bâti son pouvoir sur la corruption généralisée de la société ? Un pouvoir que l’élite s’acquiert sur un peuple au moyen de sa dégradation morale.

Au nom du développement économique, et de la paix sociale, les gouvernements successifs ont dilapidés en toute légalité et en toute impunité les ressources pétrolières et gazières dans le but de se perpétuer au pouvoir. Mais à quel prix ? Au prix de l’assèchement des puits. Tant pis pour les générations futures, elles n’ont pas participé à la guerre de libération nationale. L’Etat ce n’est pas un météorite tombé du ciel pour faire le bonheur des hommes sur terre. C’est une invention des hommes, des hommes éclairés, faisant de l’Etat de droit un substitut à l’autorité de l’église.

L’argent du pétrole s’est substitué à la providence divine. Il a obtenu la soumission de la population et le soutien des puissances étrangères. Il est devenu incontournable. Il a dilué l’islamisme dans un baril de 90 dollars. Il a calme les jeunes contaminés par le printemps arabe. Il est à l’origine de toutes les fortunes acquises en dinars et en devises. Il interdit aux gens de travailler sérieusement, d’investir de façon rationnelle ou de produire des biens et services en dehors des sphères que contrôle l’Etat. Bref, il fait de la politique, de l’économie et de la diplomatie. « Jamais, il n’a été aussi facile de gouverner qu’aujourd’hui. Autrefois, il fallait chercher avec finesse par quelle monnaie on devait marchander les gens ; aujourd’hui tout le monde veut de l’argent » Alphonse Karr.

Ce sont les pétrodollars qui dirigent le pays et lui donnent sa substance et sa stabilité. Les gouvernants arabes ne sont là que pour rendre le gâteau appétissant. La cerise est une douceur de la vie qui fait oublier à l’homme le goût amer du noyau annonçant la mort. Au crépuscule de leur vie, les dirigeants arabes s’accrochent au pouvoir comme si le pouvoir s’identifiait à la vie. Et toute vie est liée au sexe. Le pouvoir est un sexe en érection. Coincé entre le refus de la mort et la perte du pouvoir, désemparés et pris à la gorge, ils se réfugient dans les bras de Satan qui leur murmure à l’oreille ; « quand tu as le pouvoir, tu as l’argent et quand tu as l’argent, tu gardes le pouvoir ».

Cette Algérie du ventre est devenue au fil des années un pays corrompu, inégalitaire faite misère, de désarroi et de désespoir où règnent à ciel ouvert la corruption, l’arbitraire et la médiocrité. Un pays pauvre où la population s’enfonce dans la souffrance physique et mentale tandis que l’élite politique se gave de produits de luxe importés.

Dans une société gangrenée par la corruption, les personnes non corrompues se trouvent paralysées car elles n’ont plus d’horizon pour agir, plus d’espace de confiance, plus de motivations pour s’instruire, se former, travailler, produire ou investir.

« Réfléchir sans pouvoir agir revient à chauffer une pièce en laissant porte et fenêtres ouvertes ». De plus, il ne sert à rien de marcher si on n’arrive pas à se tenir debout dira un sage. L’algérien serait-il devenu, après cinquante années d’indépendance, ce personnage à qui lorsque vous lui demandez « de s’asseoir, il s’aplatit », Un ventre plein demande à être purgé. C’est là nous semble-t-il le résultat d’une politique du ventre pratiquée sans retenue morale ni idéologique, à grande échelle sur une longue période avec une facilité déconcertante. Un ventre plein rend la tête creuse. Comme la nature a horreur du vide n’importe quelle l’idéologie sera la bienvenue.

Le renversement du marché pétrolier et gazier annonce la fin de la récréation. Il est temps de retourner en classe. Mais laquelle ? Il n’y a plus de classe. Les maîtres ont déserté l’école, le béton a envahi les terres agricoles, les usines ont cessé de produire, les hôpitaux se transforment en mouroirs, les trottoirs et les rues en fonds de commerce, les terres agricoles en bidonvilles, les ordures envahissent les villes, les métiers se perdent, l’anarchie s’installe, le pouvoir se crispe, la responsabilité absente, l’avenir sombre, la mer agitée, une tempête s’annonce, la furie des eaux, des oueds se forment emportant tout sur leur passage.

Dr A. Boumezrag

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