Le pain du peuple sera encore mangé par les plus repus, sans vergogne, sans Hchouma (honte). Le pain du peuple, c’est cette voix qui lui a été confisquée, aussi bien dans l’ancienne Algérie du clan d’Oujda que dans la nouvelle Algérie de personnes d’autres, à l’exception de Tebboune et encore de Oujda.
Le peuple n’est qu’un Ghachi (peuplade) auquel il ne faut pas trop s’en soucier, faute de quoi, il risque de gâcher l’opulence et la bonne humeur qui caractérisent la vie heureuse de ceux qui sont en haut, gouvernant à coups de matraque la vie misérable du peuple qui est en bas.
Il ne faut pas espérer vivre trop heureux pour ne pas vivre très malheureux, disait Schopenhauer, bien avant notre siècle et l’apparition d’une nouvelle caste de pouvoir, prédatrice et venimeuse.
Il n’a jamais rien connu de l’Algérie, Schopenhauer, pour enfoncer le clou à ce bonheur qui n’arrive jamais et qui ne risque jamais de pointer son nez pour ceux qui, comme de nombreux Algériens, ne comptent plus les années de misères, de disettes, de bastonnade, d’exil forcé, de prisons, d’assassinat de masse, d’assassinat politique .. Enfin, tout ce qui les rapproche un peu plus de la fin du monde. Ils ne sont pas juste malheureux, les Algériens. Ils sont morts d’être à ce point malheureux!
Pour le peuple d’en bas, rien n’avait véritablement commencé, qu’il vivait déjà la fin du monde comme une fin en soi, gravée de marbre dans l’état civil d’un pays né le 5 juillet 1962 avec la dictature et mort sans sépulture, le jour même, dans les confins cossus d’un cabinet noir d’El-Mouradia.
Chaque fois qu’il y a une élection présidentielle, où les candidats ne sont que de simples figurants et les votants ne sont que des aspirants illustrateurs qui colorient des bulletins dans les isoloirs du pouvoir, les islamistes et le pouvoir se liguent pour promettre le paradis dans l’au-delà, la soif de s’enrichir sur la raison d’État, la volonté de réprimer sur le vœu de liberté.
Qui est le plus islamiste entre Tebboune et Bengrina ? Même le duo candidat/président Tebboune/Chanegriha parle le même langage que les marchands d’esclaves que sont les islamistes. Le pouvoir a indéniablement réussi un des plus grands hold up politiques du siècle : il a fini par islamiser la politique après avoir politisé l’islam.
Le peuple, pris entre les plis infects de l’islam politique et la raison d’être des marchands de tapis d’El Mouradia, finit par croire que le libre arbitre n’existe pas. Et comment, lorsqu’on sait que le pouvoir a de tout temps agit comme arbitre et juge à la fois.
Donc, pour ne pas avoir à rendre des comptes au peuple, nos dirigeants non élus administrent au lieu de gouverner. Ils ne veulent pas de vote libre, parce qu’ils ne veulent pas d’une voix qui redonnera le pain, l’honneur et la liberté qui manquent cruellement à tout Algérien qui aspire au bonheur.
Le peuple est définitivement pris entre le marteau et l’enclume. Il se trouve pris entre ce qu’il ne souhaite pas être et ce qu’il cherche vainement à arrêter d’être.
Selon Schopenhauer, la profondeur du bonheur dépasse celle du malheur. Mais croyez-moi, aucun malheur, aussi cruel soit-il, ne parviendra à égaler la misère profonde que nous annoncent les isoloirs de Tebboune.
Mohand Ouabdelkader