Dimanche 30 août 2020
Le politique et le militaire
L’interview de l’ancien chef d’état-major de l’armée algérienne connu par ailleurs par ses pratiques expéditives et considéré comme l’un des principaux artisans de l’interruption du processus électoral et de surcroît premier meneur de la guerre contre le peuple algérien, est extraordinairement provocante.
Si nous laissons de côté les extrapolations politiques dont il use pour contourner les poursuites judiciaires dont il fait l’objet, il n’en demeure pas moins que le général Nezzar ne doit son grade qu’au cadre conventionnel de l’institution militaire parce qu’aucun fait de guerre n’est mentionné à son actif pour qu’il mérite un tel statut, sauf peut-être de faire la guerre contre son propre peuple. Autrement dit sur le plan politique, les arguments avancés par le général ne sont par recevables. Pourquoi?
Le général considère à tort que l’Algérie comme nation et Etat est une pure incarnation de l’armée nationale populaire. Or, les faits sont tels que c’est le contraire de ce raisonnement qui est valable; l’Etat est une émanation de la nation entière et autrement, l’armée n’est qu’un élément constitutif de l’Etat. Si précisément, l’obvie qui est une tentation du régalisme intégral de l’institution militaire lorsqu’il remet en cause le slogan tout désigné de la chose par la population qui scande « Dawla madania ma’achi askaria ».
Le général oublie le plus souvent l’instrumentalisation de l’armée comme organe de répression contre la révolte de la jeunesse en invoquant la menace étrangère ou les difficultés internes causées par les soulèvements populaires ou le « sécessionisme ».
Il croit que c’est l’armée qui maintient la cohésion sociale en omettant d’évoquer le nationalisme comme sédiment idéologique de la nation algérienne. Et de plus, le rôle d’intégrateur et social de l’armée s’estompe à vue d’œil lorsqu’il se constitue toute une oligarchie militaro-affairiste.
Le comble du holisme dont il fait preuve revient à instituer un ordre unilatéral qui impose par la force un système qui met au pas les organisations politiques. Et c’est toute la différence entre un militaire et un politique. En l’occurrence, la différence entre les deux personnages est notoire : le premier exécute les ordres de la hiérarchie tandis que le deuxième soumet ses idées à l’opinion publique. Et c’est ce qui manque énormément depuis que les militaires algériens se sont accaparés de tous les leviers de commande de l’Etat. Ils paralysent la société et de surcroît on ne construit pas un Etat en excluant l’opposition.