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Le régime intensifie les interdictions de voyager contre les dissidents

Kaddour Chouicha

Kaddour Chouicha interdit de voyager.

Human Rights Watch et MENA Rights Group dénoncent une pratique répressive en hausse avec entre autres les interdictions de quitter le territoire national.

Depuis 2022, les autorités algériennes ont intensifié le recours aux interdictions de voyager arbitraires, utilisées comme moyen de représailles contre les personnes critiques envers le gouvernement. Cette pratique, dénoncée par Human Rights Watch et MENA Rights Group dans un commentaire diffusé le 3 février, constitue une violation des droits fondamentaux et une atteinte aux libertés individuelles.

« Ces interdictions de voyager font partie d’une campagne plus large de harcèlement continu de ceux qui critiquent les autorités, visant à faire taire la dissidence et à éradiquer tout espace civique », a déclaré Bassam Khawaja, directeur adjoint de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord à Human Rights Watch. « Même celles et ceux qui, injustement condamnés ont purgé leur peine, ou bien ont été acquittés, continuent de subir des mesures punitives qui les privent de leur droit à la liberté de circulation », observe Bassam Khawadja.

Restrictions arbitraires et illégales et atteintes aux droits fondamentaux

Ces interdictions de voyager sont souvent imposées sans notification officielle, sans fondement légal et pour une durée indéterminée, rendant toute contestation quasiment impossible. Elles visent principalement les militants de la société civile, les opposants politiques, les journalistes, les syndicalistes et toute personne perçue comme une menace pour le pouvoir.

En empêchant les individus de quitter le pays, les autorités algériennes violent leur droit à la liberté de circulation, mais aussi leurs droits à la liberté d’association, de réunion et d’expression. Dans certains cas, ces interdictions ont des conséquences graves sur la vie personnelle et professionnelle des personnes concernées, allant jusqu’à la séparation des familles et l’atteinte à la santé mentale.

Une campagne de harcèlement plus large

Pour Human Rights Watch et MENA Rights Group, ces interdictions de voyager s’inscrivent dans une campagne de harcèlement plus large visant à réduire au silence toute voix dissidente et à éradiquer l’espace civique en Algérie.

Des cas emblématiques

Plusieurs cas d’interdictions de voyager arbitraires ont été documentés par les deux organisations, tels que ceux de : Mustapha Bendjama, journaliste et ancien rédacteur en chef, empêché de quitter le pays à plusieurs reprises depuis octobre 2022 en raison de ses opinions critiques et de sa couverture du mouvement Hirak, Kaddour Chouicha, ancien vice-président de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l’homme, arbitrairement empêchés de voyager pendant près de deux ans, de 2022 à 2024, Merzoug Touati, activiste et blogueur, interdit de voyager depuis décembre 2022 sans aucune justification. En plus d’un harcèlement systématique, ce dernier est sous le coup d’une condamnation à la prison.

Appel à la levée des restrictions arbitraires

Human Rights Watch et MENA Rights Group appellent les autorités algériennes à lever toutes les interdictions arbitraires de voyager et à cesser d’instrumentaliser cette pratique à des fins de répression. Elles demandent également aux autorités législatives d’amender l’article 36 bis 1 de l’ordonnance 15-02 pour se conformer aux normes internationales sur la liberté de circulation.

Une violation du droit international

Les deux organisations rappellent que l’Algérie a ratifié le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, qui garantissent à toute personne le droit de quitter son pays.

En définitive,  selon Human Rights Watch et MENA Rights Group, l’intensification des interdictions arbitraires de voyager imposées par le régime algerien constitue une dérive autoritaire et une violation des droits fondamentaux.

Les deux organisations des droits humains appellent la communauté internationale à se mobiliser pour faire pression sur les autorités algériennes afin qu’elles respectent leurs engagements en matière de droits humains et de libertés fondamentales.

Samia Naït Iqbal

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