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Le système à table : qui prescrit la médiocrité proscrit l’excellence

Tebboune Chanegriha

Saïd Chanegriha-Tebboune : une diarchie pour le pire.

Autour de cette table, tout semble prêt : les convives sont triés sur le volet, le menu soigneusement élaboré. Mais au lieu d’un banquet de progrès, c’est une farce qui se joue.

Une farce où la médiocrité est la norme, la compétence l’invitée suggère, et l’excellence, un plat interdit. Bienvenue à la table du système, où les dîners de gala masquent l’immobilisme, et où les festins de privilèges s’organisent sur le dos de ceux qui aspirent au changement.

La modernisation administrative ? Un plat qui a refroidi depuis des décennies. À table, les maîtres du tampon – ces figures emblématiques d’une bureaucratie sanctifiée – veillent à ce que rien ne dépasse. Ici, le goût du statu quo l’emporte sur toute saveur d’innovation. Tamponner, ranger, ignorer : telles sont les recettes de cette administration qui cultive l’inertie comme un art de vivre. Le système digère tout, sauf l’excellence, qu’il vomit au moindre signe d’éveil.

Diversification économique : un dessert immanquable

Diversifier l’économie, c’est l’équivalent d’un dessert ambitieux inscrit sur la carte, mais jamais servi. Le système préfère le confort des rentes – un plat réchauffé, sans audace ni créativité. Pendant que d’autres nations transformaient leurs ressources en richesses durables, le système se donnait de slogans et de promesses stériles. À table, on chante la diversification, mais on ne fait que réserver les vieilles recettes de l’économie rentière.

À cette table, un mot reste coincé dans la gorge des convives : la méritocratie. Pire qu’un gros mot, c’est une menace existentielle. Le clientélisme et la corruption, eux, trônent comme des mets de choix. Pourquoi inviter des talents quand on peut s’entourer de médiocres bien connectés ? La table est dressée pour ceux qui savent flatter, jamais pour ceux qui osent bousculer. Ici, l’excellence n’est pas un invité de marque, mais un perturbateur systématiquement écarté.

La jeunesse, confinée au buffet d’attente

Dans un coin de la salle, les jeunes regardent la scène. « Vous êtes l’avenir », leur répète-t-on avec un sourire hypocrite, tout en leur serviteur des plats insipides : des cursus déconnectés, des emplois fantômes, et des promesses vides. Sur leur réserve le buffet d’attente, un espace où les rêves s’évaporent et où les idées meurent. À table, ils ne sont pas conviés, sauf peut-être pour porter les assiettes d’un système qui ne voit en eux qu’une force de travail docile.

La diaspora, somme de ramener du vin

Quant à la diaspora, elle est l’absente omniprésente. On l’évoque avec nostalgie, on la convoque pour les grandes occasions, mais elle reste à l’extérieur, traitée comme une simple exportatrice de ressources intellectuelles. « Revenez au pays », clame-t-on, mais sans jamais lui offrir une chaise à cette table des décisions. La diaspora, c’est le convive qui paye l’addition sans jamais goûter au festin.

Et l’excellence, alors ? C’est l’intrus, le convive que le système redoute. Elle met en lumière les failles, perturbe les routines, menace les équilibres. À cette table, elle est perçue comme un poison, alors que la médiocrité, elle, est un ingrédient central. Le système prescrit la médiocrité avec la régularité d’un chef étoilé défendant sa carte. Il proscrit l’excellence parce qu’elle dérange l’ordre établi, un ordre bâti sur la complaisance et la peur du changement.

Une table à renverser ?

Peut-être qu’il est temps de renverser cette table, de faire sauter les nappes amidonnées et de briser les assiettes du conformisme. Ce festin de la médiocrité ne peut durer éternellement. L’excellence, comme un plat oublié, attend dans les cuisines, prête à être servie. Mais pour cela, il faudra une révolution gastronomique : des citoyens prêts à bousculer les chefs, des jeunes qui refusent d’attendre leur tournée, une diaspora qui revendique sa place, et un système qui accepte enfin de changer son menu.

À table, le pouvoir se donne de privilèges et sert la médiocrité en entrée, en plat et en dessert. L’excellence, elle, reste l’invitée invisible. Mais pour combien de temps encore ?

Un système qui s’entête à prescrire la médiocrité finit toujours par voir ses assiettes se vider, non pas par succès, mais par lassitude générale. Les convives d’hier, gavés de privilèges, finiront par se retrouver seuls à table. Ceux qui nourrissent le système – la jeunesse exaspérée, les talents brimés, la diaspora ignorée – partiront chercher des festins ailleurs. Et alors ? Ce système continue-t-il à recycler ses vieilles recettes jusqu’à l’indigestion générale ?

L’excellence : un goût acquis

L’excellence n’est pas un plat qu’on sert par hasard. Elle exige une préparation rigoureuse, un effort collectif, et surtout, un palais prêt à en apprécier la saveur. Mais avant de la mettre au menu, il faut désapprendre à savourer la médiocrité. Cela implique de dire non aux privilèges injustifiés, de renvoyer les chefs incompétents, et de redistribuer les places à table selon la compétence et l’audace.

Le système actuel, lui, refuse de changer de recette. Il a peur du nouveau, de la créativité, de tout ce qui n’entre pas dans ses moules bien huilés. Mais l’histoire le montre : aucune table, si solidement habillée soit-elle, ne peut résister à un soulèvement des convives affamés de changement.

L’Algérie se trouve à un carrefour. Continuera-t-elle à dresser cette table pour les mêmes convives, en servant des plats rassis et en interdisant à l’excellence de franchiser les portes de la cuisine ? Ou bien ouvrira-t-elle enfin ses banquets à ceux qui rêvent, innovent et construisent ?

Si l’histoire a une leçon à offrir, c’est que les tableaux finissent toujours par tourner. Mais pour que cette table se transforme en véritable fête collective, il faudra une révision totale du menu : une administration qui cesse de bloquer, une économie qui cesse de répéter, et une société qui accepte de partager équitablement ses richesses et ses responsabilités.

Le temps presse. Si nous n’osons pas remplacer la médiocrité par l’excellence, d’autres le feront à notre place, mais sans nous. Les convives d’hier deviendront les exclus de demain, et cette table du système, autrefois si centrale, ne sera plus qu’une relique poussiéreuse dans le musée des échecs collectifs.

Alors, à nous de décider : voulons-nous rester les spectateurs passifs de ce banquet sans fin, ou deviendrons-nous les chefs de notre propre destin ? À table, tout se joue. Mais encore faut-il se lever pour réclamer une place.

La révolution des convives

Le « système à table » symbolise une nation piégée dans un rituel immobile, où les plats servis ne nourrissent plus personne et où seuls les initiés festoient. Mais toute table a une fin, et celle-ci vacille déjà sous le poids des désillusions accumulées.

L’excellence, cet ingrédient rare mais indispensable, ne se contentera pas d’être mise de côté. Elle se cultive, se défend et, surtout, se réclame. Le véritable défi n’est pas de refaire la table pour les mêmes convives, mais de briser ce cercle vicieux et d’inviter ceux qui, aujourd’hui exclus, porteront demain l’espoir d’un nouveau banquet, plus juste, plus ambitieux. , et enfin à la hauteur des richesses et des talents du pays.

Il est temps de choisir : laisser la médiocrité habiller le menu ou imposer l’excellence comme la nouvelle norme. Le système a bien trop longtemps festoyé. Que le réveil commence, et que chacun prend sa place pour réinventer cette table, non comme un privilège exclusif, mais comme le symbole d’une Algérie enfin assis à sa propre hauteur.

Le « système à table » est celui d’une nation figée dans un rituel stérile, où l’excellence est boudée et où seuls les privilégiés se nourrissent. Pourtant, le temps du banquet de la médiocrité touche à sa fin. L’excellence ne peut plus être ignorée ; elle doit s’imposer comme un impér

Le véritable défi est de briser ce cercle vicieux, d’inviter ceux qui en ont été exclus, et de redonner à l’Algérie une table à la hauteur de ses richesses et de ses talents. À nous de choisir : continuer à servir la médiocrité ou imposer l’excellence comme norme.

La question brûlante demeure : qui, à la fin, viendra sauver le pays de lui-même si nous n’acceptons pas le réveil de l’excellence ?

Dr A. Boumezrag

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