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Le vizir, le bakchich et l’omerta

Lettre de Médéa

Le vizir, le bakchich et l’omerta

Un dictateur n’est qu’une fiction. Son pouvoir se dissémine en réalité entre de nombreux sous-dictateurs anonymes et irresponsables dont la tyrannie et la corruption deviennent bientôt insupportables. Gustave le Bon (1841-1931)

C’est dans l’air du temps, en plaçant cinq généraux-majors en détention comme prélude à une lutte sans merci contre la corruption, le clan Bouteflika avec ses copains, ses coquins et ses gros-bras, tentent de nous faire boire et avaler le calice jusqu’à la lie, en se travestissant chantres et tribuns- justiciers de cette opération «Mains propres », le lapsus fatal du général Hamel nous suggérant les mains sales la conduisant, n’est rien d’autre qu’une énième supercherie pour perpétuer et sauvegarder leurs puissances, leurs acquis et privilèges, et par ricochet,  la présenter comme un cheval de bataille pour un cinquième mandat présidentiel.

Un mandat de plus, s’apparentant à une demande au peuple et à ses 10 millions de pauvres de se faire hara-kiri. Un suicide public hypothéquant leurs aspirations, leurs rêves et leurs futur. Rien que ça.

Mais il est des vérités qu’on ne saurait taire. De mémoire d’Algériens, jamais la corruption n’a atteint des proportions aussi alarmantes qu’elle ne l’a été ces deux décennies passées, touchant dans la foulée des ministères de souverainetés. Les scandales de Sonatrach I et II, l’autoroute Ghoul Est-Ouest, la grande mosquée d’Alger, l’Ansej et bien d’autres scabreuses affaires étouffées. 

Des ministres impliqués et cités, aucun n’a daigné faire amende honorable et démissionner, les lanceurs d’alertes de leurs incuries et forfaitures ,en lieu et place, d’être encouragé pour leur intégrité ont été injustement sanctionnés pour en dissuader d’autres. L’omerta étant de mise !

Et comme l’hypocrisie est un hommage que le vice tend à la vertu, voilà que les zaouïas s’invitent à laver plus blanc que neige, offrant le burnous de la rédemption, de l’honnêteté, drapant désormais d’un voile pudique de sainteté, le vizir, cet indélicat criminel en col blanc, qui s’est fait prendre, moyennant une flopée de dons pécuniaires et la baraka présidentielle qui va avec. Être dans les bonnes grâces du puissant du moment, c’est plus rentable et ça rapporte  mieux.

Faut-il s’en étonner quand l’absolutisme présidentiel est maître de céans, le travail de sape de faire de sa personne , un vrai président et non un de ses quarts, et c’es, sans conteste, et sous la supervision de Fakhamatouhou et de son programme que l’estocade mortelle à toute institution de contrôle des deniers publics a été portée , ainsi donc, tour à tour, la cour des comptes, les assemblées Populaires (nationale, wilaya, communale) ont été vidées de leurs missions , de leurs substances, de leurs puissances et  de leurs autorités, le coup de grâce porté à la police judiciaire des crimes économiques du DRS pour crime de lèse majesté (Affaire Chakib Khellil) ont donnés libre cours à la prédation, aux dessous de table, à la fraude, à l’extorsion, aux détournements de fonds, au népotisme ( Agence Air Algérie de Paris, quels crimes on commet en ton nom !)

L’Algérie et sa peu reluisante 112e place sur 180 de Transparency International et son score de 33/100 des pays les plus corrompus de la planète, ne semble point offusquer en hauts-lieux, et pour cause, la politique initiée par Bouteflika n’a pas été sans voter des lois scélérates profitant largement aux décideurs politiques pour promouvoir leurs rangs, leurs statures et leurs positions, l’exemple de l’interdiction d’importation des véhicules de moins de 3 ans n’a-t-elle pas fait le bonheur de Tahkout le fraudeur, des prête-noms et des sociétés fictives et cache mal la collusion des ministres et des nouveaux riches, intronisés oligarques et entrés par effraction dans les arcanes du pouvoir par la grâce de Saïd Bouteflika, le duc de Richelieu de service.

Et depuis la corruption s’est démocratisée, libre cours et place aux bakchich, à la tchipa, à la qahawti, à la chkara, et sans étonnement aucun, des agents d’administration, des policiers et gendarmes ripoux , aux misérables salaires,  construisent, par enchantement, villas et bâtiments à étages, conduisent des bolides derniers cris.

L’ostentation criarde de leurs richesses inexpliquées ne suscite pas les interrogations de l’inspection générale des Finances (IGF) et encore moins de l’institut national de la lutte contre la corruption.

Alors que sous d’autres cieux, pour se prémunir de l’arbitraire et de la corruption,  l’identité avec photos des administrateurs, des policiers et des gendarmes, en charge d’un service public, leurs grades, le numéro de leurs badge et de leurs cartes professionnelles , et de  leurs fonctions respectives sont clairement affichée sur leurs poitrines et les murs de leurs administrations, histoire de protéger leur citoyen et l’encourager à dénoncer les abus dont il est victime, ne voilà-t-il pas que dans cette Algérie, de la fierté et de la dignité, le slogan creux « Notre maison est de verre…» de Bouteflika, lancé au lendemain de son investiture, une maison du reste, qui s’est depuis fort longtemps emmurée dans une opacité et dans l’anonymat le plus total, ayant engendré et enfanté 4700 nouveaux milliardaires dont il serait intéressant de découvrir les clés de leurs enrichissement en si peu de temps.

La battue présidentielle 2019 est déjà lancée, le vizir- bateleur de foire déjà désigné, le bakchich et son omerta , déjà déployés, en quête de vox populi.

La plèbe n’a d’autres choix que celle de courber l’échine et accepter sa condition sociale en allant voter, ou carrément afficher sa démission et son silence. Une posture qui mettra à mal le clan d’Oujda de vendre son cinquième mandat. Une énigmatique réponse à découvrir dans 6 mois.

Allez savoir !

Auteur
Brahim Ferhat

 




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