Dans un entretien accordé à un média algérien en ligne, Soufiane Djilali, président du parti Jil Jadid, a exprimé une vive indignation face à la récente régularisation du « commerce du cabas » par les autorités algériennes.
Cette décision, censée contrôler les importations et sécuriser le marché, est perçue par M. Djilali comme une forme d’inconséquence menaçant l’assise même de l’État et la valeur du dinar algérien.
Une décision contradictoire et dangereuse
Soufiane Djilali critique fermement le manque de lucidité et de discernement derrière cette mesure. Il souligne l’incohérence du gouvernement qui, après avoir limité en novembre 2024 l’exportation de devises acquises sur le marché parallèle à 7 500 euros par an au nom de la lutte contre l’informel, autorise désormais une exportation mensuelle de 24 000 euros pour les « cabas ». Cela représente une somme annuelle de plus de 290 000 euros par individu, potentiellement des milliards de dollars à l’échelle nationale.
Selon M. Djilali, cette régularisation est un « appel d’air très puissant » pour une multitude de petits opérateurs, entraînant une explosion de la demande de devises sur le marché parallèle. Il anticipe une perturbation majeure des circuits commerciaux réguliers. Les entreprises légales, soumises à des droits de douane de 20%, à la TVA et à divers impôts, se trouveront désavantagées face aux « trabendistes » qui s’approprieront légalement les échanges sans ces contraintes.
Inondation du marché par des produits de bazar et risques accrus
Le président de Jil Jadid prédit que cette nouvelle dynamique favorisera l’importation de « produits de bazars, emballés à la sauvette, sans aucune garantie de qualité », inondant le marché algérien via les lignes aériennes. Il pointe du doigt la Turquie comme nouvelle plaque tournante de ce commerce, en raison de la difficulté d’obtenir des visas pour l’Europe. Ce phénomène, selon lui, risque de détourner la devise issue de la diaspora algérienne en Europe vers un pays tiers.
Les conséquences vont au-delà de l’économie. M. Djilali évoque des risques sécuritaires et sanitaires liés à l’importation de produits non contrôlés comme les téléphones portables, les appareils électroniques, les cosmétiques et les médicaments. Il dénonce une politique qui « tue le secteur légal » pour le remplacer par la contrebande, sans douane, sans impôts ni contrôle, une situation « du jamais vu dans le monde ».
Le dinar algérien sous la menace d’un effondrement
Pour Soufiane Djilali, cette régularisation met directement en péril la valeur du dinar algérien. Il explique que la valeur de la monnaie est intrinsèquement liée à l’état de l’économie, majoritairement dépendante de la rente pétrolière en Algérie. La restriction drastique des importations par le circuit bancaire, conjuguée à la forte demande de devises sur le marché parallèle, a déjà entraîné une dévaluation significative du dinar.
Il cite l’exemple du taux de change de l’euro, passé de 210 DA à 264 DA en quelques années. Avec cette dernière décision, certains experts prévoient un taux de 300 DA pour 1 euro d’ici la fin de l’année 2025. Un tel effondrement se traduirait par une inflation importante sur tous les produits importés, et par contrecoup sur certains produits locaux, impactant directement le pouvoir d’achat du citoyen algérien. Bien que les produits de première nécessité importés par le circuit officiel soient subventionnés, une flambée des prix est à prévoir dans les secteurs de l’habillement, des chaussures, des produits d’épicerie et des pièces de rechange.
Des solutions pour restaurer la confiance économique
Soufiane Djilali déplore l’absence de consultation des acteurs économiques par les autorités, le gouvernement agissant « à sa tête et selon son humeur ». Pour pallier le phénomène du « commerce du cabas » et stabiliser l’économie, il préconise un retour progressif à une valeur monétaire unique sur trois à cinq ans, en acceptant dans un premier temps un double taux de change et en libéralisant le commerce pour les sociétés légales.
Il suggère également que la Banque centrale mette en vente des devises au taux du marché parallèle pour absorber le dinar et détendre le marché. Des allégements des tarifs douaniers pour les produits importés au taux de change réel et la possibilité pour les exportateurs de conserver leurs gains nets en devises sont également des pistes avancées. Enfin, M. Djilali insiste sur la nécessité de réactiver sérieusement une place boursière et de créer de la confiance chez les investisseurs afin qu’ils réinjectent leurs avoirs dans l’économie, affirmant que seul un marché régulé par l’État pourra rétablir les grands équilibres.
L’analyse de Soufiane Djilali met en lumière les profondes inquiétudes d’une partie de la classe politique algérienne face aux choix économiques actuels, soulignant l’urgence d’une refonte réfléchie de l’architecture économique du pays.
Sofiane Ayache