Site icon Le Matin d'Algérie

L’élection de la honte 

TRIBUNE

L’élection de la honte 

Encore une fois, l’Histoire de l’Algérie va être entachée par un événement électoral imposé aux citoyens. Jamais deux sans trois, c’est le troisième coup de force que le pouvoir sous Tebboune commettra ce 12 juin.

Comme il l’a montré du bout de l’oreille, il ne reculera devant rien, il poursuit sa descente aux enfers avec le risque d’entraîner avec lui l’espoir né depuis le 22 février 2019 : une nation libre et démocratique. 

On s’en va où avec un chef d’État élu avec une élection présidentielle contestée par les citoyens, une constitution votée aux environs de 20 % du taux de participation et une assemblée non représentative ? Et aussi, on s’en va où avec une révolution torpillée par les islamistes, une classe politique défaillante qui s’oppose à sa structuration et une élite qui refuse de s’impliquer pour l’amener à bon port ? 

Pour ne pas jeter l’anathème uniquement sur le pouvoir et pour être aussi plus cohérent, sans surprises on avait manqué une belle occasion pour changer les choses si on n’avait pas été assez orgueilleux et si on avait été plus clairvoyant. On aurait pu faire preuve d’abnégation et d’ascétisme pour combattre cet égocentrisme qui nous éloigne de la raison. 

Le citoyen algérien s’est exprimé, mais on a voulu lui voler son rêve pour en faire un sésame pour accéder au trône tout en essayant de le manipuler. Truffer l’histoire récente en l’occurrence la décennie noire, faire le jeu des islamistes, et avec une dose de populisme et de digression, ces politicards espèrent avoir eu le vent en poupe pour recevoir le pouvoir sur un plateau d’argent. Même ambiance en Kabylie, aucune démarche sérieuse pour l’épargner, c’est la course au leadership qui prévaut.

Le pouvoir a bien compris toutes ces défaillances liées à un défaut de s’entendre, d’ailleurs pour réussir son élection du 12 juin, il a mis les bouchées doubles ces deux dernières semaines pour empêcher les traditionnelles marches à Alger et les autres wilayas, sauf en Kabylie évidemment. Pour cette région, les services lui réservent un autre traitement et avec d’autres moyens plus dangereux pour la déstabiliser.

En mettant le MAK sur un pied d’égalité avec l’organisation Rachad qui est l’héritière naturelle des branches armées du FIS est une erreur grave. Donc, en effet, chaque Kabyle est potentiellement terroriste. Rajoutant à ce plan machiavélique, le problème palestinien dans lequel l’Algérie est le dindon de la farce.

Dans tous les cas, depuis l’annonce des autorités algériennes d’organiser les législatives, visiblement, un rapport de force est établi sur le terrain. En date d’aujourd’hui, des centaines de jeunes sont arrêtés à travers le territoire national, et les avocats n’ont pas eu de répit pour pouvoir respirer. Ils sont très sollicités. La répression est brutale, il faudrait bien s’inquiéter et s’en occuper.

De surcroit, le pouvoir n’a pas cessé de battre en brèche l’idée d’un boycotte massif. Des injonctions et des menaces ont été émises contre les Algériens dans le cas de s’opposer au scrutin. 

C’est l’écrivain-journaliste Kamel Daoud qui vole à son secours, il signe et persiste pour la participation aux élections législatives. Ce n’est pas la première fois qu’il nous surprend avec ses opinions concernant le pouvoir algérien, pour lui, c’est un allié politique avec qui composer inévitablement.

D’autre part, depuis le début de la campagne électorale, le peu de candidats qui ont osé s’afficher publiquement et sur les réseaux sociaux vivent sans doute dans la hantise. Assurément, c’est la cupidité et l’offre alléchante que le pouvoir a promis qui leur donnent la motivation d’être dans la course à l’APN. Le stipendiaire Sofiane Djilali avec Jil Jadid est un exemple. Ses justifications et ses raisons n’ont pas réussi à convaincre l’opinion sur sa participation. 

Il faut bien le mentionner qu’il existe trois catégories de candidats : ceux issus de la traditionnelle coalition présidentielle (FLN, RND, MPA, TAJ, ANR et l’UGTA) déguisés et présentés sous d’autres appellations; les islamistes comme béquille, où on peut trouver le MSP, FJD et les représentants de Naïma Salhi; et en dernier ceux qui viennent du fameux Hirak. Disant, ces derniers n’ont pas perdu du temps, leur popularité et leur trahison les ont aidés à accéder à la candidature, et pourquoi pas à la députation. 

Finalement, c’est du n’importe quoi, à voir les profils des candidats ainsi que leurs déclarations farfelues, c’est plutôt un événement carnavalesque et honteux. La société algérienne ne mérite pas une telle humiliation. Ça nous rappelle les candidats à la présidentielle de 2019 qui souhaitaient faire compétition avec Bouteflika qui se divinisent et qui se donnent d’une manière éhontée en spectacle. Bien sûr, l’occasion s’est offerte aux amateurs des réseaux sociaux pour s’en donner à cœur joie pour faire des farces et faire rire leurs amis. 

À vrai dire, il n’y a rien de sérieux dans cette élection législative, les futurs députés n’auront aucun rôle à jouer sauf celui de recevoir généreusement la trentaine million. Ils n’auront pas de pouvoir décisionnel, ni prérogatives sur la gestion de l’État. Ils vont être mis en rade pour 5 ans. D’ailleurs, même le gouvernement de Teboune est soumis d’une manière flagrante à la tutelle des militaires. Sans ces derniers, Tebboune ne pèse rien. Donc, sans se mentir, on doit s’attendre à une assemblée de façade. 

Pour savoir de ce qu’il adviendra après cette élection, il suffit de voir comment les institutions de l’État avaient toujours fonctionné avec des gouvernements nés dans les mêmes circonstances à celles d’aujourd’hui. Depuis l’indépendance, c’est avec l’autoritarisme, la corruption et le bricolage que les hommes du système empêchent l’Algérien d’accéder à ses ambitions politiques et sociales pour édifier une nation libre et démocratique.

Auteur
Mahfoudh Messaoudène

 




Quitter la version mobile