Et c’est reparti pour une nouvelle manifestation nationaliste qui ne veut pas être enterrée, celle du FLN et de l’armée, pourtant mourants.
Une statue de l’émir Abdelkader va être érigée sur le mont surplombant Oran. Une posture de domination de la ville, conforme à ceux qui veulent nous écrire et nous imposer leur lecture de l’histoire à coup de propagande et de menaces.
Ce n’est pas nouveau que cette fièvre de l’autocratie militaire et, adolescents, nous nous souvenons de la crise de rire lors du placement de la fameuse statue de l’émir à Alger, montant un cheval de la dimension d’un poney, son derrière en direction de l’entrée du siège national du FLN.
Ces énergumènes ne s’en étaient même pas rendu compte. Mais le peuple algérien avait besoin de se distraire, à cette époque où les oreilles étaient aussi puissantes que la terreur. Pour cet épisode, c’était bien la première fois où l’émir nous avait apporté un peu de bonheur.
Bien entendu qu’il ne s’agit pas de ma part d’une dérision gratuite mais d’un refus de toute figure historique qu’on veut nous vendre comme père fondateur du pays, comme on a voulu m’imposer une religion.
Mon principe est ferme et constant, toute figure historique représentant la nation, choisie et imposée par un régime militaire, je n’en veux pas, que le personnage soit légitime ou non à l’honneur du symbole.
Le régime militaire et son sinistre parti unique nous avait habitués, dès l’âge de notre petite enfance, à nous dire ce qu’est notre Algérie et qui sont ses héros que l’on doit vénérer.
Il ne nous les a pas seulement choisis et imposés, il en a interdit toute critique. Qui eut osé le faire avec la police politique de ce pays militarisé jusqu’au fond de nos discutions, nos pensées et notre conscience.
L’émir Abdelkader, comme personnage fondateur de la nation, je n’en veux pas. Et il n’est pas né celui qui m’obligera à accepter ce choix. Ce régime militaire a voulu m’imposer jusqu’à ma personnalité et mes choix, il a perdu son temps autant qu’il m’a épuisé.
Aujourd’hui encore, sur le Quotidien d’Oran, une pleine page d’un historien dont le discours aurait pu être celui du colonel Boumediene et ses élucubrations nationalistes.
Oran est ma ville d’enfance et d’adolescence, ce personnage imposé n’est pas de ceux devant lesquels je me prosterne, encore faut-il que je me prosterne devant un être humain, moi qui ait refusé de me prosterner devant le Grand invisible dans les cieux.
Il est le choix du régime militaire, il n’est donc pas le mien, c’est aussi simple et automatique que cela.
Un personnage, monté belliqueusement sur un cheval, sabre à la main, c’était effectivement la posture qui ne pouvait que plaire à cette armée coloniale qui nous terrorise, nous incarcère et nous pille, depuis 1962.
L’Émir, descends de ton poney et ne pose plus les pieds sur cette magnifique montagne qui surplombe la ville d’Oran, ma ville !
Boumédiene Sid Lakhdar