Le monde entier a été stupéfait par l’image d’un milliardaire en baskets et casquette dans le bureau ovale de la Maison Blanche, portant son fils sur les épaules et répondant aux questions des journalistes à côté du président élu qui restait muet en le regardant avec une expression du visage assez énigmatique.
De très nombreux commentaires ont inondé les médias internationaux sur l’anormalité d’une telle image. Beaucoup ont dénoncé un mépris envers la démocratie et d’autres le coté scandaleux de l’alliance entre le pouvoir politique et celui de l’économie. Et de bien d’autres réactions à propos de ce moment baroque.
Pour ma part, si je partage toutes ces indignations, c’est surtout une image qui m’a bouleversé. Le petit garçon avait le visage poupon de cette innocence qu’on prête à ceux qui ne sont responsables de rien sinon d’apporter au monde l’un des plus beaux cadeaux de l’humanité, les enfants.
Il n’était pas conscient de ce moment où le monde vacille face au délire des deux hommes. Il ne voyait rien d’autre que ce tumulte qui l’accompagne à chaque fois qu’il est avec son papa.
Il ne regardait pas cette foule de journalistes tant il était habitué à ce qu’elle soit là et partage perpétuellement ses rares moments d’intimité qu’il a avec son père. Il attendait, comme il attend toujours, que cesse ce bruit de fond qui le poursuit du matin au soir, tous les jours.
Comme tous les enfants du monde, il n’avait de tendresse que pour son petit papa qu’il aime et se raccroche à lui. Et comme c’est long à cet âge de supporter le tumulte harassant des adultes, il était évident qu’il était fatigué, ce petit homme.
Alors, après avoir touché le bureau pour tenter de trouver une occupation de curiosité de son âge, sans jamais lever son regard vers le monde insignifiant qui l’entourait, il se rapproche de son papa pour lui signifier sa fatigue et son désir de se retrouver de nouveau sur ses épaules.
Il ne sait pas que son papa le fait (à ce moment-là) surtout parce qu’il sait l’impact sur l’Amérique puritaine, celle des électeurs d’ultra droite et conservatrice jusqu’à la débilité. Ce papa sait qu’aux Etats-Unis, l’image donné au public par la famille unie et aimante est essentielle. On se présente rarement sans son épouse ou ses enfants lorsqu’il s’agit d’un moment de représentation devant les foules (même si la relation familiale n’est pas aussi belle).
Alors ce papa en fait des tonnes, prenant la pose d’un homme normal, répondant aux grandes valeurs sociales, celle de porter son enfant sur les épaules. Le petit enfant ne sait pas que ce geste paternel pour le soulager de sa fatigue n’est pas seulement provoqué par l’amour et la tendresse sans qu’on puisse renier totalement son existence.
Le petit enfant est jeté en pâture à un horrible plan médiatique sans qu’il n’ait ni l’âge ni sa conscience pour s’apercevoir qu’il est vendu comme un paquet de lessive dans les publicités médiatiques.
Il fait comme tous les enfants du monde, il se blottit dans les épaules de son père pour retrouver le cocon de protection et de tendresse que le brouhaha interminable dans sa jeune vie ne cesse de lui voler.
J’ai vu dans cette image un petit enfant, beau comme tous les enfants de son âge. Il est certainement, comme tous les autres, tenté par la turbulence enfantine et les gâteries de son père milliardaire. Personne ne le lui reproche car il n’a rien demandé en arrivant au monde. Á cet instant je n’ai vu qu’un garçon pétri de gentillesse et de calme. Ils ne peuvent être entièrement imputés à la fatigue.
L’innocence des enfants les protègent de l’admiration des grands de ce monde. Il n’a aucune idée de qui est ce vieillard dans sa fonction (pour les yeux d’un enfant, je serais certainement un vieillard) aux attitudes burlesques assis devant son père.
Il en a l’habitude, il le voit comme un tonton, il habite d’ailleurs dans sa propriété. Les enfants ne voient ni la cupidité, ni la dangerosité des fous de ce monde lorsqu’ils leur sont proches, soient-il les plus riches et les plus puissants.
Il ne sait pas encore que dans ce monde familial, deux voies seulement lui seront proposées, soit la reproduction des errements fous de son père soit l’exil au sens du détachement familial. Il ignore encore le sort qui avait été réservé à son frère en voulant être lui-même et non la représentation des valeurs fascistes et de la religion extrémiste.
Ce petit enfant si pur est manipulé d’une manière honteuse et tellement répréhensible de ma part que je n’ai pu voir dans cette photo qui a fait le tour du monde que l’image d’un innocent incarcéré par la brutalité de deux individus sur le « toit du monde ».
Au final, ce n’est pas lui qui est porté sur les épaules de son père, c’est lui qui porte sur ses épaules tout le malheur du monde causé par son père et ses semblables.
Boumediene Sid Lakhdar