Dimanche 29 septembre 2019
L’entêtement du général Gaïd Salah
Il était condamné à ne connaître la vie que par son autre face, condamné à déchiffrer les coutures, à rectifier les fils de la trame et les points de la tapisserie d’illusion de la réalité sans soupçonner même trop tard que la seule vie supportable était celle qu’on pouvait montrer, celle que nous voyions nous de ce côté qui n’était pas le vôtre, mon général. Gabriel Garcia Marquez.
Ce papier m’a été inspiré par une correspondance avec un ami qui vit toujours en Algérie. D’autant qu’il côtoie quotidiennement les événements historiques que connaît l’Algérie pour que je puisse faire valoir mon propos au détriment de son vécu. Si j’ai bien compris le sens de son message, il s’agit de savoir comment résoudre la crise actuelle que traverse le pays. Pour les besoins de la cause, il évoque le cas de Macrin l’éphémère, empereur romain natif de la Mauritanie césarienne dont la capitale s’appelle aujourd’hui Cherchell qui a été fondée par le très romanophile roi Juba II. Dans son idée, seul le télescopage historique peut rendre compte aussi bien de la nature et de la vacuité du pouvoir de l’État.
Pour rappel, Macrin le Berbère de naissance a régné de 217 à 218 et il a accédé au pouvoir en assassinant Caracalla. Il a lui-même été éliminé sous les ordres d’Héliogabale. La particularité de son court règne c’est qu’il avait pour capitale Antioche au lieu de l’éternel Rome. Toujours est-il que les fantasmagories de la dynastie des Sévères sont tellement connues et qu’il n’est pas nécessaire de revenir là-dessus d’autant plus que toutes ces histoires sur les vicissitudes du pouvoir de l’État numide et romano-berbère ont été totalement effacées de la mémoire collective nord-africaine. Quel dommage !
Bref, loin de moi de penser une seconde à la similarité des événements en cours avec ceux de l’antiquité mais toujours est-il qu’il faut bien admettre que la nature de l’État est toujours la même dans l’exercice du pouvoir sur les hommes.
Certes, la forme n’est pas interchangeable selon les modalités de la gouvernance. A partir de ce constat, il m’est venu à l’esprit de considérer que ni la réalité historique pas plus que les systèmes politiques ne se ressemblent pour faire un tant soit peu un rapprochement entre les deux événements historiquement distants de plus de 2000 ans.
En évacuant cette idée, j’ai pensé tout de suite à l’écrivain Gabriel Garcia Marquez. Je n’ai pas pris pour exemple son formidable roman « Cent ans de solitude » mais «L’Automne du patriarche », roman qui narre les agissements d’un général.
Pour rappel L’Automne du patriarche aborde la thématique du pouvoir et de l’isolement qui en résulte. Déconnecté des réalités, le dictateur ne connaît même plus son âge, et une allusion est régulièrement faite au « centenaire » de son accession au pouvoir, ajoutant à l’invraisemblable de l’histoire. Certes, il est difficile de comparer la réalité algérienne à la spécificité sud-américaine mais toujours est-il que les politologues prennent souvent pour exemple l’Amérique du sud pour illustrer leurs propos sur la dictature militaire.
Nous regrettons que les romanciers algériens ne produisent pas des œuvres d’une telle valeur littéraire alors que tous les ingrédients de la fiction littéraire féconde sont présents pour décrire la réalité sociale et politique de l’Algérie. Dans tous les cas, tout porte à croire que les discours du général Gaïd Salah sont l’illustration de l’obstination d’un homme qui veut contre vents et marées imposer au peuple algérien un régime autocratique. Bref, il y a tous les caractères psychologiques d’un personnage isolé qui veut croire qu’il dit de bonnes choses pour le « peuple » alors que plus il parle, plus la population le rejette comme ce fut le cas du 32e vendredi de la révolution pacifique.
Comme du sur-mesure, les traits du dictateur omnipotent peints par l’écrivain sud-américain est le portrait-robot de tous les dictateurs qui s’obstinent et s’entêtent en faisant croire qu’ils sont la meilleure solution pour le peuple. A force de répéter les mêmes choses depuis des mois et des mois, le général Gaïd Salah feint d’ignorer que le peuple lui demande de partir et d’emmener avec lui toute sa bande.
Malheureusement, le général en usant d’une rhétorique ambiguë croit pouvoir berner comme par le passé les gens alors que le peuple lui rappelle tous les vendredis qu’il est ne veut pas des conditions présentes du déroulement des élections présidentielles. Les manifestants lui rappellent aussi souvent que possible qu’ils ne veulent plus d’un État militaire.
Le fait que les manifestants s’adressent directement à lui est une manière de lui dire que « seul un « État civil » est viable pour satisfaire la principale revendication populaire a savoir l’indépendance du peuple qui a trop longtemps été enchaîné par le pouvoir de l’armée.
C’est en sens que la duplication des slogans résonne comme un leitmotiv intarissable de la légitimité populaire. Les luttes actuelles telles que les conçoivent les Algériens, sont l’apanage du recouvrement de la souveraineté du peuple détournée depuis l’indépendance par l’Etat-Major de l’armée algérienne. A ne pas douter, les stratagèmes qui consistent à sauver le système algérien obsolète finiront par s’écrouler à condition que la population continue à dénoncer les détenteurs du pouvoir réel. Dans ce cadre, il faut bien appeler un chat un chat.
En l’occurrence, les détenteurs du pouvoir réel qui ont toujours agit à l’ombre des civils marionnettes doivent être un à un démasqués avec plus de vigueur par la population qui par ailleurs doit être toujours prête a manifesté en masse pour dénoncer leur manigance au plus fort du machiavélisme institué.
Par conséquent, là où elle se trouve, la cohorte des usurpateurs de la légitimité populaire appelée Gang (Issaba) doit être conspuée au même titre que les généraux algériens et à leur tête Gaïd Salah successeur d’Abdelaziz Bouteflika, le président déchu.