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L’entreprise publique économique à la recherche de son manager ?

REGARD

L’entreprise publique économique à la recherche de son manager ?

«La compétence ou l’incompétence n’ont ni âge, ni sexe, ni langue, ni religion ni de résidence. Ils sont partout et nulle part. Des chercheurs qui cherchent, on n’en trouve ; des chercheurs qui trouvent, on n’en cherche. » 

L’expérience algérienne montre que l’intervention de l’Etat pourrait bien être une phase de transition dans le développement plutôt que l’essence du développement ou sa négation. Au début d’un processus de développement, le secteur étatique peut se révéler essentiel. En effet, seul, l’Etat peut mobiliser des ressources humaines hautement qualifiées dont a besoin l’économie nationale. Cependant à mesure que ce développement se poursuit, l’Etat devient de moins en moins nécessaire et de moins en moins efficace. Il y a une chose que l’Etat ne peut jamais fournir, c’est le sens individuel de l’action à accomplir.

Et pourtant, c’est là l’élément essentiel du développement. Le développement est dans une large mesure l’affaire du dynamisme des individus et celui de la collectivité de base. Or selon que le gestionnaire s’identifie aux intérêts de l’Etat (soumission de l’entreprise à l’Etat) ou selon qu’il s’identifie aux intérêts de l’entreprise, nous allons avoir affaire à deux types de comportement :

1- le comportement d’un gestionnaire que nous qualifions de chercheur de protection 

2- le comportement d’un gestionnaire chercheur de compétence.

Gestionnaire, chercheur de protection 

Il caractérise un type de comportement où il doit faire face à des informations imparfaites, à des normes de contrôles susceptibles d’être modifiées sans consultation préalable. Ceci est dû à la nature des droits de propriété publique qui permettaient aux gestionnaires de bénéficier d’un contrôle relâche tant en amont qu’en aval.

En amont, parce que son interlocuteur est une autorité sur laquelle se concentrent des conflits et des arbitrages permanents ; en aval, parce que dans de nombreux cas, les prix sont subventionnés et les marchés ne sont pas concurrentiels. Il en résulte un comportement particulièrement prudent où l’on cherchera surtout à durer au poste le plus longtemps possible.

Etant lié à une obligation de moyens, on limitera la prise de risque. Il s’agit là d’une responsabilité de conformité formelle à la législation, à la réglementation et aux ordres de la tutelle. D’autant plus que les relations avec la tutelle sont personnalisées. De même que les relations qu’il entretient avec les partenaires de l’entreprise sont des relations personnalisées à base d’intérêt et de réciprocité.

La préoccupation permanente du gestionnaire chercheur de protection, c’est la paix sociale à n’importe quel prix, il a la hantise des arrêts de travail ou des grèves parce que provoquant des remous susceptibles de mettre en péril sa carrière professionnelle. D’où une dépendance accrue vis à vis de la tutelle, des organismes financiers ou du syndicat. Le dirigeant de l’entreprise privilégie le capital relations au capital compétence.

Dans cette hypothèse de comportement, on peut penser que le gestionnaire demandera d’importants apports de capitaux à l’Etat de manière à procéder à des investissements massifs, à des approvisionnements conséquents et à de nombreux recrutements. Et, donc de limiter le montant des dépenses qui devront être financées par le marché. Il s’agit bel et bien d’un comportement de minimisation des risques.

L’apport en capital débouche donc sur une très forte intensité capitalistique et ce biais sera d’autant plus fort que l’on sous-estime le coût d’opportunité sociale de capitaux publics et que les entreprises publiques ont bénéficié d’importantes facilités en matière d’importation et de financement. L’accès facile au capital public permet aux entreprises et à leurs managers d’éviter le risque à n’importe quel prix.

A cette phase de développement, nous semble-t-il les avantages devraient provenir non pas des attitudes loyales des gestionnaires vis à vis du pouvoir étatique mais plutôt d’une gestion compétente qui renforcerait le système politique. Les dirigeants d’entreprises nommés sur la simple base de leur loyauté agissent le plus souvent avec conformisme en adoptant des attitudes passives non conflictuelles dans les affaires de l’entreprise.

Leur position ne dépend pas de la performance de l’entreprise mais de leurs relations personnelles avec les décideurs politiques. de tels gestionnaires préfèrent des subalternes de leur choix et organiseront la hiérarchie au sein de l’entreprise sur la base du conformisme. Autrement dit, ils s’entourent d’hommes de confiance choisis selon des critères strictement personnels sans relation directe avec leur contribution à la production ou à leur aptitude à le faire. Le marché du travail étant pour eux une notion superflue. D’ailleurs le recrutement sur annonces n’est plus à la mode, c’est la carnet d’adresses.

Gestionnaire, chercheur de compétence 

Ce type de gestionnaire préfère par contre maintenir une certaine indépendance vis à vis des pouvoirs de tutelle et n’hésitera pas pour cela à prendre des risques ou à assumer des stratégies dont le succès confortera sa position. Il prend des risques de gestion qui seront rémunérés. Il lie son sort à celui de l’entreprise ; il est tenu à une obligation de résultat ; son désir est de valoriser la dynamique du travail, quitte à remettre en cause la paix sociale et l’ordre établi. Il s’entoure de collaborateurs recrutés sur appel d’offres et après une sélection rigoureuse des candidats. Il aura tendance à diversifier ses sources de financement et à trouver ainsi un certain gage d’autonomie. Cette diversification le conduira à obtenir des résultats plus tangibles sur le marché.

Ce comportement qui est bénéfique pour l’entreprise est apparemment « risqué » pour l’Etat dans la mesure où il affaiblit la liaison de dépendance ; à notre sens ce comportement devrait par contre lui être très favorable dans la mesure où il évite que les entreprises publiques émargent au budget de l’Etat puisqu’elles ont été  créées en principe pour produire des richesses dans une économie où les disponibilités budgétaires sont généralement réduites.

On ne saurait jamais insister sur le fait que le management professionnel n’aura aucun sens sans pouvoir effectif ; c’est en disposant d’un pouvoir que le management professionnel pourrait être responsable de l’efficacité, ce qui en retour nécessite des critères de performances clairement définis. « On considère le chef d’entreprise comme un homme à abattre ou une vache à traire. Peu voient en lui le cheval qui tire le char » Winston Churchill.

Auteur
Dr A. Boumezrag

 




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