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Les 1000 jours de « aami » Tebboune

Tebboune

 

L’équipe Tebboune est loin d’être à la hauteur de la situation.

Généralement le premier bilan d’un président élu se fait au bout des 100 jours qui suivent son élection. Bien entendu quand celui-ci est démocratiquement élu. Et non intronisé par un chef d’état-major comme c’est le cas de Tebboune.  

Dans le cas de aami Tebboune, comme l’appellent ses soutiens, cela n’a pas été possible. Il est à noter qu’à l’époque de son intronisation par Ahmed Gaïd Salah, la vox populi ne lui avait pas encore décerné cette distinction affective de «aami» (i.e oncle). Habituellement, les Algériens l’accordent aux personnes âgées, jugées dignes de respect, sympathiques, au cœur tendre qui ont su gagner leur cœur et leur confiance. Pour Tebboune c’est une autre affaire.

Les premiers 100 jours, Tebboune, sans le aami, était encore sous le choc de son « élection ». Qui pouvait le croire ? Le Hirak sévissait encore dans les rues algériennes. Des millions de manifestants criaient leur rejet du pouvoir et levaient le poing avec la promesse de dégager les prédateurs. Et Tebboune tentait d’apprivoiser le mouvement de dissidence pour mieux le manger comme le loup, dans le conte de Perrault, le chaperon rouge. Pour ce faire, il a dû se creuser les méninges, se faire aider, inventer une nouvelle notion, « la nouvelle Algérie », lourde de tintamarre et vide de sens. Il a été aidé en cela par l’épidémie du Covid-19.

Car comment faire du neuf avec du vieux ? Comment un homme qui a caracolé 52 ans dans cette administration paralysée et corrompue peut être source de renouveau ? Personne n’y croit en Algérie. Mais plus le mensonge est gros, plus il passe, disait un célèbre général spécialisé dans la propagande.

Son flirt avec une certaine opposition, lui faisant miroiter le nirvana tout  en invitant les partis à participer aux législatives déboucha sur la mise en coma non artificiel de cette dernière. Depuis, la pratique politique est criminalisée. Et des partis sont interdits de réunion. D’autres dissous.

Comme il se dit dans la mafia, celui qui te propose un rendez-vous est celui qui sera chargé de t’exécuter. L’une de ses plus grandes victimes fut sans contexte le parti politique Jil Jadid et son président Sofiane Djilali qui y perdit sa voix et sa crédibilité qu’il ne retrouvera probablement pas de sitôt. Le FFS lui a, depuis, emboîté le pas.

Entretemps, Tebboune est rattrapé par le Covid-19. Il est évacué vers un hôpital en Allemagne. Il aurait coûté au contribuable, à ce que l’on dit, la modique somme de 80 millions de dollars. Une paille sans doute par rapport aux mois de convalescence au Val-de-Grâce et dans certaines cliniques privées.

Tebboune ou l’art de brasser du vent

Quoiqu’il en soit, tout ce brouhaha ne nourrit pas son monde. L’économie est à l’arrêt et le premier ministre désigné, Abdelaziz Djerrad, n’a pas l’air d’être en mesure de mettre en œuvre le plan d’action qui vient du futur et concocté par les éminences grises qui l’entourent.

Croissance nada. Économie nada. Réserve de change nada. Et l’activité commerciale a perdu de sa superbe. Autant dire que l’Algérie de Tebboune pédale dans la farine.

Après 18 mois de fausses tentatives, toutes échouées avant l’heure, Tebboune jette son dévolu sur un autre personnage en guise de premier ministre : Aymen Benabderahmane. Débarquant du monde de la fiscalité et des finances, à ce qui se dit, on place en lui une demi-tonne d’espoirs. Mais voilà, n’est pas prophète qui veut.

Le nouveau premier ministre s’avère plus statique que le précèdent malgré l’embellie pétrolière et l’accroissement des recettes. Il se dit même qu’il passerait sa journée à lire le Coran, cherchant les voies du seigneur pour sauver la sienne. Quant à l’Algérie…

Toujours point d’économie ni d’activité économique. L’Etat décide de relancer encore une fois le secteur public. C’est ce qui ressort du plan de relance présenté et publié par le premier ministre. La grande trouvaille : revenir aux années de plomb, celle du monopole de l’Etat et des pénuries. Celle de Boumediene et Chadli réunis. Un rétropédalage qui coûtera très cher au pays. Mais Tebboune n’est pas éternel. Après moi c’est le déluge, doit-il se dire.

La fabrique des assistés

Le secteur privé qui emploie plus de 70% des salariés est ignoré. Pire encore. Comme l’économie avance à l’arrière, comme crient les receveurs dans les bus, devenu aami après un certain coup d’index frappé sur le pupitre lors de l’ouverture des Jeux méditerranéens et une promesse d’allocation chômage, Tebboune et ses potes trouvent l’astuce. Ils diabolisent ce secteur ô combien important dans les économies qui se respectent. Contre toutes les grandes lois de l’économie, ils le tiennent pour responsable de la faillite de l’économie. Ils le désignent du doigt comme la cause de tous les maux et surtout du plus grand : la spéculation.

Pour tromper la rue, on arrête quelques porteurs d’huile ou de lait,  on les condamne à des peines irréalistes, on relaye dans une presse aux ordres, on interviewe quelques citoyens crédules qui crient « vive la nouvelle Algérie de aami Tebboune» débarrassée des parasites et des aïssaba (gang) qui bloquent le développement et voilà le tour est joué.

Quelques visites d’Etat, une conférence arabe pour accompagner tout cela et donner quelque teneur à la démarche et ça devrait suffire pour convaincre une catégorie de sceptiques. Les demandeurs d’allocation et leurs familles viendront renforcer l’électorat pour un deuxième mandat de aâmi Tebboune. Car il faut savoir et comprendre que des voix bien intentionnées ont déjà exhorté (comme au temps de Bouteflika) aâmi Tebboune (à 77 ans) à briguer un deuxième mandat.

Pour ce qui est du terrible Etat profond ce n’est guère mieux. Les généraux et gradés de toutes sortes défilent dans les tribunaux et sont dirigés méthodiquement vers les prisons sans que ce mouvement infernal ne cesse. Au département du renseignement, c’est le ballet aussi. Aussi la santé de Saïd Chenegriha (77 ans lui aussi) également semble décliner à vue de prostate. Le conflit dans cette boîte censé être muette est de plus en plus assourdissant.

Aussi pour mettre un peu d’espoir dans la vie des jeunes et de leurs parents et faire oublier les terrifiants incendies qui ont fait plus de 200 victimes en Kabylie, le meurtre abject de Djamel Bensmaïl, les centaines de détenus d’opinion dans les geôles de la honte, les milliers de citoyennes et citoyens traqués par la machine judiciaire, aâmi Tebboune et ses affidés renflouent les poches tristement vides des diplômés primo-demandeurs d’emploi et des femmes au foyer de 13 000 dinars versés mensuellement. Ils lancent en grande pompe l’allocation chômage pour les primo-demandeurs d’emploi à défaut de pouvoir  relancer l’économie. Voilà comment Tebboune crée un une génération d’assistés et de rentiers.

Le nombre de demandeurs n’est pas connu avec exactitude comme le nombre de PME qui ont disparus ou celui des emplois perdus mais on sait qu’ils se comptent en millions. Un autre leurre. On titularise également 60 000 enseignants vacataires pour pourvoir aux besoins en enseignants d’un système éducatif obsolète dont la réforme ne figure pas parmi les priorités de l’Etat.

L’objectif étant d’accroître les rangs des satisfaits, de ceux qui croient en « une Algérie nouvelle » ne serait-ce que le temps d’une élection. La méthode Bouteflika et ses milliards de dollars jetés par les fenêtres n’ont pas empêché la survenue du Hirak. Tebboune ne l’a pas compris. Voilà donc un petit aperçu du non-bilan des 1 096 jours de aâmi Tebboune.

Il faut souligner que pendant tout ce temps, aâmi Tebboune n’a fait aucune visite d’une wilaya. Il aura fait mieux que Bouteflika en la matière.

Plutôt l’exil que « la nouvelle Algérie » ! 

Que ceux qui pensent que ce pays va dans le sens du progrès, de la modernité tournent  leur regard vers ceux qui ne cessent de pleurer pour cette Algérie meurtrie, qui semble glisser doucement mais sûrement vers l’inconnu et le désastre. Qu’ils prêtent leurs yeux aux milliers de jeunes et moins jeunes qui ont fui ce pays en avion ou en bateau, à tous ceux qui sont morts en mer. Qu’ils le fassent !

Depuis 1962, date de l’indépendance, ce pays a traversé moult crises mais aucune n’a égalé celle-ci. Depuis toujours, malgré les difficultés ou les présidences collégiales il a toujours paru qu’il y avait un pilote dans l’avion mais depuis 2019 rien ne semble moins sûr. L’Algérie est en pilotage automatique.

Sofiane Ayache

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