Samedi 13 janvier 2018
Les bibliothèques de l’au-delà !
L’entrée principale du Centre de loisirs scientifiques de Médéa.
“Un individu conscient et debout est plus dangereux pour le pouvoir que dix mille individus endormis et soumis.» Mahatma Ghandi
Le constat est immuable et que l’on ne vienne pas nous faire un procès ou nous étiqueter d’être des pourfendeurs de la langue arabe, une langue que nous estimons à sa juste valeur pour avoir été le socle et le pilier de la civilisation islamique, un temps où les intellectuels musulmans sillonnaient les pays des civilisations grecque, romaine et chinoise pour s’approprier leurs livres, leur science, leur technologie et leur savoir. Ces derniers ne s’embarrassaient guère des langues de ces pays, et pour cause, les traducteurs musulmans veillaient au grain et véhiculaient toutes les idées nobles de Platon, Ptolémée, Aristote, Hippocrate, Lao-Tseu, Confucius dans la langue d’Antar ibn Chadad, El Moutanabi et autres. Richement armée de tonnes de livres de cultures diverses traduits, engrangés dans la bibliothèque de Baghdad, la cité du savoir, des années durant, les scientifiques et chercheurs musulmans se lancèrent dans leurs quêtes respectives du savoir et des découvertes, initiatives du reste, ayant porté aux nues des siècles durant, les Avicenne, Averroes, Al Djazri, Al Khawarizmi, Aissa Ibn Ferness et autres inventeurs. Ceci pour dire que leurs travaux n’ont jamais entaché leur piété, leurs prières , leurs ramadans et leurs pèlerinages. C’est dire toute l’immensité, la richesse, la beauté et le vocabulaire de la langue arabe que des âmes malintentionnées se sont appropriés pour en faire une langue d’endoctrinement et d’exclusion des cultures sino-occidentales. Mais revenons à nos pénates….
Censée être le creuset de la connaissance ( the knowledge) dans lequel se forgent les destins et les carrières, les bibliothèques de la ville, et surtout celle du Centre des loisirs Scientifiques de Médéa sont envahies par un nombre très impressionnant de livres de théologie islamique dont on ne renie pas l’utilité et l’importance dans ses rayons, une multitude de livres manuels des ablutions, des prières et des invocations, uniquement en arabe, ornant ses étalages, en lieu et place de celles des mosquées , lui conférant une image de bibliothèque de l’au-delà, comme le dit si bien mon confrère et ami Abderahmene Missoumi.
Des étudiants rencontrés dans la salle de lecture nous ont fait part des moult tracasseries qu’ils éprouvent pour se documenter. Ici point de livres de mathématiques, de sciences, d’ingénierie, de médecine, de philosophie, de langues étrangères et tutti quanti. Les Victor Hugo, Hemingway, Tolkien, Zola, Einstein et paradoxe des paradoxes, les écrivains arabes les plus prolifiques les Naguib Mahfouz,Taha Hussein, Al Moutanabi, Ibn Khaldoun, et même nos brillants Kateb Yacine, Mouloud Mammeri, Mohamed Dib, Mouloud Feraoun.
Leur absence exacerbe davantage l’extrême nudité culturelle de ces lieux censés les promouvoir aux fins d’émancipation de la conscience de la connaissance, de la pensée et du bien-être du lecteur.
Juste Dieu ! A quoi ont donc servent les rééditions de livres cultes par le ministère de la Culture et des maisons d’édition privées du pays, distribuées gratuitement et sans vergogne aux copains et aux coquins pour aller embellir leurs bibliothèques privées pour la frime, pour épater et se donner une allure intellectuelle ?
Et quel pouvoir ont les bibliothécaires des CLS et des foyers de la jeunesse dans l’achat, le choix des livres et des auteurs ? Quel est leur ministère de tutelle ? Un flou juridique qui en dit long compte tenu de l’absence d’une réelle politique nationale du livre.
« Nous assistons actuellement au-choc entre la culture qui distrait et la culture qui permet de se dépasser », disait François-de-la-Rochefoucauld. Dès lors, la défaillance de l’école algérienne ajoutée au manque de livres et de documentation cache-t-elle des desseins inavoués des tenants du pouvoir pour faire de l’Algérien et l’Algérienne lambda, des êtres désarmés intellectuellement devant les progénitures de la nomenklatura en allant faire leurs études payées sur le dos de l’Etat et du peuple dans les écoles les plus huppées d’Europe et des USA, histoire de pérenniser leur statut et privilèges. Ceux-là une fois de retour au pays, ils sont assurés d’avoir des postes de premier plan, des carrières et des destins tout tracé par leurs pères et néanmoins puissants du moment.
La terrible sentence lâchée par le ministre carriériste Ahmed Ouyahia ; « Fais affamer ton chien, il te suivra… », laisse présager les desiderata du pouvoir, qui entend faire de ce grand peuple d’Algérie, un peuple docile, soumis et corvéable à merci, pour la grande joie des oligarques et les tenants du sérail présidentiel.
Plongé sciemment par les décideurs de l’ombre dans l’ignorance et affamé intellectuellement, le peuple algérien n’est pas dupe, il saura faire face au cinquième mandat présidentiel que vous préparez, il en a marre de voir les mêmes marionnettistes le mener à sa perte et ses fracas.