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Les Brics relèguent l’Algérie au statut de partenaire

Sommet des Brics

Sommets des Brics

Pour comprendre l’entrée de l’Algérie comme partenaire aux BRICS dans le contexte géopolitique actuel, il est essentiel de saisir les forces et contradictions qui caractérisent cette réorientation/déroute stratégique.

Les BRICS, composé du Brésil, de la Russie, de l’Inde, de la Chine, et de l’Afrique du Sud, s’est formé en réaction au monopole exercé par les puissances occidentales sur les décisions économiques et politiques internationales. Cependant, cet espace alternatif, promettant une forme de multipolarité et de redistribution des pouvoirs, présente également des défis notables pour des pays comme l’Algérie, particulièrement face à la complexité de ses propres enjeux politiques et économiques.

I. Une tentative de diversification pour l’Algérie face aux échecs des alliances traditionnelles

L’Algérie, marquée par des décennies d’une politique extérieure oscillant entre neutralité affichée et dépendance énergétique envers l’Europe, se tourne aujourd’hui vers les BRICS pour diversifier ses partenariats et réduire cette dépendance. En théorie, cette alliance pourrait offrir à l’Algérie un accès privilégié aux nouvelles infrastructures de financement et aux marchés asiatiques et africains, limitant ainsi son exposition aux crises économiques européennes. Cette réorientation témoigne en partie d’une réponse à l’impasse économique et sociale interne que le pays connaît, mais aussi d’une volonté de s’affranchir des pressions et conditionnalités occidentales en matière de droits de l’homme et de gouvernance.

II. Une alliance avec des régimes autoritaires : entre pragmatisme et compromission

Le BRICS, toutefois, regroupe des régimes où l’autoritarisme et la répression politique sont la norme, comme en Russie et en Chine. Ces pays ont une longue tradition de contrôle strict sur leurs populations et limitent sévèrement les libertés individuelles.

Pour un régime algérien en proie à des défis démocratiques internes, tels que les mouvements populaires du Hirak et la contestation sociale, une telle association pourrait légitimer davantage une approche autoritaire de la gouvernance et renforcer les mécanismes de surveillance et de répression.

La tentation d’importer des modèles de contrôle social, comme ceux déployés en Chine, pourrait ainsi éloigner encore davantage l’Algérie de ses aspirations démocratiques et des demandes populaires de justice sociale.

III. Un choix risqué dans un contexte de polarisation mondiale

Dans un contexte international de plus en plus polarisé, marqué par la confrontation entre blocs, la participation au BRICS pourrait également exposer l’Algérie à des tensions diplomatiques avec les États-Unis et l’Union européenne. En soutenant la Russie, par exemple, l’Algérie risque de se trouver en position délicate face aux pressions occidentales, notamment sur des questions de sécurité et d’approvisionnement en gaz, domaine où le pays reste un partenaire clé pour l’Europe. La politique algérienne de « neutralité active » pourrait alors perdre en crédibilité, risquant de compromettre l’équilibre des relations internationales dans un monde où les alliances prennent des formes de plus en plus tranchées.

IV. Une opportunité économique ambiguë

Si l’intégration dans le BRICS promet une plus grande indépendance financière et économique, elle implique également l’intégration dans un bloc où la Chine domine économiquement et politiquement. Les investissements chinois, bien que massifs, posent des questions d’autonomie pour les économies locales, souvent réduites à des rôles de fournisseurs de matières premières.

Pour l’Algérie, dont l’économie est fortement tributaire des hydrocarbures, une relation asymétrique avec la Chine pourrait perpétuer cette dépendance en renforçant les échanges inégaux et les déséquilibres commerciaux, au détriment d’une diversification économique pourtant nécessaire pour le développement durable du pays.

V. Les impératifs d’une politique étrangère souveraine et démocratique

L’intégration de l’Algérie dans le BRICS pose, en somme, la question fondamentale de sa souveraineté politique et de la nature de son engagement international. La vraie question est de savoir si cette association avec des puissances autoritaires/dictatures représente une rupture ou une continuation des politiques d’élites dirigeantes enclines à réprimer les aspirations populaires.

Pour qu’une telle alliance serve réellement les intérêts du peuple algérien/régime militariste, elle devrait être accompagnée d’une vision plus large de réformes démocratiques et de transparence en politique intérieure. En définitive, l’entrée de l’Algérie au BRICS semble être un repli de court terme, une manière de contrebalancer les échecs de l’alliance traditionnelle avec l’Europe et de trouver des alternatives de financement et de partenariat.

Néanmoins, elle soulève aussi des inquiétudes sur le plan des droits humains, de l’autonomie économique et de la souveraineté politique. Une véritable réorientation géopolitique en faveur du peuple algérien ne saurait se réaliser sans une démocratisation effective du système politique, seule voie garantissant une indépendance authentique et une influence durable sur la scène internationale.

Bouzid Amirouche

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