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Les deux versants du fascisme

REGARD

Les deux versants du fascisme

« Ainsi commence le fascisme. Il ne dit jamais son nom, il rampe, il flotte, quand il montre le bout de son nez, on dit : c’est lui ? vous croyez ? Il ne faut rien exagérer ! Et puis un jour on le prend dans la gueule et il est trop tard pour l’expulser. » Françoise Giroud 

Dans certains quartiers, non seulement de la Seine Saint-Denis, mais de beaucoup d’autres départements en France, les « grands frères », ou supposés tels, endoctrinent allègrement les enfants pour leur inculquer ces idéologies rances qui ont servi en d’autres temps à désigner tous ceux qui n’acceptent de la part des autres qu’une réponse qui montre un consentement appuyé. Les bons sentiments sont retournés comme on fait pour les pantalons quand on veut les mettre dans la machine à laver.

L’antiracisme par exemple sert désormais à mettre sur un piédestal un racisme assumé et même revendiqué et ce racisme porte un nom : le racialisme. C’est une nouvelle vision, totalement raciste, qui ne soumet le citoyen qu’à une seule composante : la couleur de peau. L’endoctrinement dont je parle ne s’arrête pas là. Il y a aussi un communautarisme effréné auquel les autorités ne prêtent pas attention. On se regroupe par nationalités ou par ethnies. Ou sur la base d’une religion commune.

On construit des ghettos dans un pays où l’intégration est fortement encouragée ― sinon une assimilation totale qui ferait de l’individu une greffe réussie et un membre complètement dilué dans la seule communauté que la République reconnait : la communauté nationale. Ce qui est loin de vouloir dire que certains ne doivent plus déguster couscous ou thiéboudiène ou bo-bun ou enchiladas. Ou de se consacrer à la religion que l’on se choisit ou de laquelle on a hérité ou de se réjouir lors de fêtes spécifiques à telle origine. Autre intoxication : le décolonialisme, terme qui prête à sympathie, mais qui porte le venin en lui. Des jeunes qui n’ont jamais connu que la Belgique ou la France se mettent en tête de leur faire payer un passé que les uns et les autres ont enterré depuis une soixante d’années au bas mot. Ou demandent aux nations européennes dont il s’agit de se mettre à genoux et de battre leurs coulpes. De demander pardon et de refaire le passé, de le déconstruire et d’accepter de se fouetter jusqu’aux sangs. 

Etant d’origine algérienne, il m’est loisible de parler de ma filiation et de désigner ce qui me chagrine. Pointer du doigt un passé que peu de jeunes issus de l’émigration ont connu est une facilité donnée à tout un chacun. Et pendant ce temps, les généraux algériens se mettent le pays et ses richesses dans la poche, des dizaines de contestataires sont emprisonnés manu-militari, la nation subit des coupes en veux-tu en voilà. On dirait que nous sommes tombés sur la tête en nous occupant d’un passé que seuls les historiens devraient décortiquer et de délaisser un présent qui nous appartient.

En vérité, la gangrène a vraiment pris et la mise en exergue de ces sujets prouve une dérive totale du système démocratique occidental qui nous a permis de vivre dans la suite des Lumières. Les observatoires du décolonialisme portés par un parti des indigènes atrabilaire et quinteux et les idéologies identitaires mises en avant par certains factieux qui nous rappellent les chemises brunes trouvent une oreille amicale chez une certaine gauche française.

Sur l’autre versant de la colline, les identitaires de la race aryenne s’activent à faire croire à une disposition inégalitaire des conditions de naissance. La police a même détecté récemment des menaces provenant de militants de l’extrême-droite à l’encontre des journalistes qui « réagiraient » mal à leurs thèses. Mieux, une vidéo tournée dans une forêt a dévoilé un groupe d’activistes d’extrême-droite en train de s’entraîner à tirer sur des cibles représentant des citoyens juifs, arabes ou noirs. Des spécimens terrifiants en train d’échanger des insanités  pestilentielles et répugnantes.

Dans le même temps, on apprenait que deux hommes d’extrême droite soupçonnés de préparer des actions violentes ont été interpellés mardi 16 novembre en Gironde. Les deux suspects appartiennent à la mouvance « accélérationniste », qui prône la guerre civile et raciale.

On le constate, les extrêmes ont des visages multiples. Les identitaires suprémacistes blancs et les tenants de l’islamisme fourbissent leurs armes. La menace est incontestable, la prise de conscience devrait être absolue. Il s’agit là des deux versants d’un même fascisme, en quelque sorte l’ubac brun et l’adret vert d’une même abomination.

Auteur
Kamel Bencheikh, écrivain

 




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