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Les dirigeants algériens veulent-ils rapatrier de l’étranger leurs avoirs mal acquis ?

Tebboune
Abdelmadjid Tebboune peut-il vraiment combattre la corruption ?

Voici la énième annonce depuis mon enfance de la lutte du gouvernement algérien contre l’évasion des biens mal acquis par la corruption.

Cette fois-ci encore, le porte-parole du régime hybride qui l’a porté au pouvoir, Monsieur Tebboune, annonce : «Nous allons demander aux pays de nous aider à rapatrier les biens illicitement acquis et investis à l’étranger ». J’en déduis naturellement que les généraux et leurs protégés, milliardaires offshore, ont donc bien  l’intention de rapatrier leurs biens.

Essayons de retenir notre fou rire, nous le laisserons éclater à la fin de l’article. Pour analyser cette clownerie il faut rappeler le cheminement de ce combat « sans relâche » de l’État algérien à travers l’existence des dispositifs mondiaux.

Nous ne remonterons pas jusqu’à la première condamnation à mort d’un président d’une entreprise nationale de l’ère Boumédiene. Je me souviens, alors adolescent, que cela fut un choc pour les Algériens car, aussi naïfs que leurs youyous dans les rues, ils ne pouvaient s’imaginer de l’ampleur d’une telle corruption dans un état socialiste, tenu de main de fer et si renommé dans le monde pour sa révolution et sa droiture morale.

Après de très nombreux discours, de textes pléthoriques et de condamnations, par ci par là , des déchus du pouvoir ou des règlements de compte, nous démarrerons à une période assez récente soit la première tentative mondiale de lutte contre l’évasion fiscale. Car c’est par là que commence une réelle résolution d’arrêter, non pas la corruption qui relève de la législation intérieure avec son bras judiciaire, mais la perte considérable de recettes fiscales.

Quant à l’Algérie, nous venons de le dire, les textes sont si nombreux qu’ils auraient rempli la mythique bibliothèque d’Alexandrie.

Pour bien comprendre que l’Algérie ne s’est jamais mise dans une situation à compromettre ses évasions illicites de capitaux, il faut rappeler l’historique tout autant que les instruments mondiaux de la lutte contre ce fléau.

La lutte contre les paradis fiscaux

Si ce n’est pas nouveau dans l’histoire, la mondialisation économique contemporaine les a fait exploser. La seule idée concevable à l’époque est que quelques États financiers qui comptent « lourd » dans les marchés financiers pourraient inscrire dans leurs lois internes que toute provenance ou à destination de ces zones franches seraient interdites.

L’idée se concrétisera plus tard lorsque l’évitement fiscal fut arrivé à un point culminant. C’est la crise des subprimes aux États-Unis et sa répercussion mondiale, comparée à la crise de 1929, qui a définitivement alerté les principaux États financiers afin qu’ils se dotent d’une arme commune, tout au moins d’une intention commune affirmée.

Les mesures de rétorsion

C’est le G20, en avril 2009, qui a décidé de la première résolution pour une attaque massive contre les paradis fiscaux. Comme l’intérêt est vital pour ces pays, il fallait acter avec optimisme la conviction générale. L’idée étant que les mesures adoptées, si elles ne pouvaient éradiquer le flux élevé des sommes soustraites, il ne subsisterait qu’un montant marginal, inévitable mais peu dommageable au regard de la globalité du phénomène constaté à cette époque.

Puis si nous nous en tenons aux initiatives à la hauteur du problème et à dimension internationale, il  faut retenir la première grosse salve provenant de la loi américaine FATCA (Foreign Account Tax Compliant Act) votée par le congrès américain en 2010.

Cette loi oblige tous les établissements bancaires et financiers à transmettre aux autorités fiscales américaines les mouvements bancaires des comptes détenus à l’étranger par un citoyen américain dès lors que les avoirs dépassent 50 000 dollars. En cas de non observation de la règle, l’établissement résidant aux États-Unis serait sanctionné d’une lourde taxe de 30 % jusqu’au retrait de l’accréditation sur le territoire américain. Devant cette menace si importante, la plupart des États  à économie significative ont signé la convention FATCA.

Puis ce fut au tour du Forum mondial sur la transparence et l’échange de renseignements à des fins fiscales au niveau de l’OCDE (Organisation de Coopération et de Développement économiques) de créer un cadre juridique permettant aux signataires de conclure des accords bilatéraux ou multilatéraux pour l’échange des données bancaires. La communauté européenne a suivi le mouvement général avec une convention identique.

Ainsi l’étau s’est resserré sur les pays dénommés Paradis fiscaux. Mais il faut raison garder car les sommes identifiées ne sont pas encore à la hauteur des volumes. Cependant, le coup de massue commence à donner des résultats très importants.

 Et l’Algérie dans tout cela ?

Il faut repréciser que tous les accords précédemment cités concernent le problème de l’évasion fiscale. Qu’elle ait une origine de fraude ou de corruption « blanchie », nous l’avons déjà dit, ce sont les instances fiscales et judiciaires internes qui en ont la compétence. La difficulté reste le contournement par l’optimisation fiscale, légale mais toujours suspecte.

L’Algérie a un double problème, la corruption et l’évasion des capitaux qui sont étroitement reliées. Ce n’est donc pas seulement  l’évasion fiscale qui est une plaie béante mais bien la corruption dont les revenus s’expatrient frauduleusement.

Et c’est à ce moment que la promesse du début de l’article se libère et qu’on peut rigoler à plein poumons. En ce qui concerne le dispositif national, l’Algérie possède un commission de lutte contre la corruption et il faut lire l’arsenal juridique de guerre contre elle. Je conseille au lecteur de libérer une journée entière pour pouvoir le consulter et le lire, article par article.

Quant à l’international, à l’exception de l’accord FATCA que les États-Unis imposent à l’Algérie, on peut rechercher partout, on ne retrouvera sa trace nulle part. Le régime militaire n’est pas tout à fait fou pour s’engager dans un danger si grand qui mettrait sa fortune, non pas en danger, car il détient sous sa main de fer la justice et l’administration fiscale, mais dans la mise en lumière des sommes issues de la corruption massive. La corruption mafieuse a toujours besoin de silence et d’ombre.

Ah non, pardon, j’allais commettre un grand oubli et une injustice envers l’Algérie et son combat contre la corruption. Elle n’est pas absente de tous les accords de partage des données bancaires. Voici un extrait du document de Transparency International :

« Les conventions contre la corruption en Afrique fournissent un cadre juridique international auquel les gouvernements et les citoyens de l’Afrique peuvent se reporter dans leurs efforts pour renforcer leurs institutions de gouvernance et s’attaquer au problème me de la corruption.

Elles servent également de base pour collaborer avec d’autres pays dans ce domaine. La Convention de l’UA et la Convention de l’ONU, ainsi que les autres instruments contre la corruption pertinents à l’Afrique, sont les manifestations d’un consensus international qui a vu le jour au début des années 1990 identifiant la corruption comme un grave problème auquel il fallait á tout prix s’attaquer et qui exigeait plus particulièrement des solutions d’entente internationale ».

Voyons, Monsieur Boumédiene, vous êtes donc de mauvaise foi. Vous savez très bien que la corruption et l’évasion frauduleuse des capitaux sont combattues par cet accord. Il est vrai que nos généraux et milliardaires offshore investissent massivement dans les pays africains qui établissent un maillage anti-corruption et évasion fiscale.

Comme tout le monde le sait, l’investissement et les dépôts bancaires frauduleux sont tout à fait en sécurité lorsqu’il y a des coups d’état tous les six mois, une guerre civile tous les trois ans et des gouvernements pétris de sainteté.

Alors, tout cela étant dit, le lecteur s’imagine du grand crédit que j’accorde à cette annonce révolutionnaire, car annuelle, aux déclarations du porte-parole du régime hybride, Monsieur Tebboune.

Boumédiene Sid Lakhdar, enseignant

 

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