Le pétrole, une rente précieuse pour le pouvoir.
Un jour le roi Abdelaziz se trouvait dans le désert, il rencontra une femme qui pleurait. Il apprend qu’elle vit dans une grande misère Il avait toujours sur lui des sacs remplis d’argent sous le siège de sa voiture de l’époque car il y avait beaucoup de pauvreté. Il n’existait aucun moyen de distribuer de l’argent à la population, il a pris le sac de pièces et lui a donné, la vieille femme se mit à frapper le sol en implorant « que Dieu dévoile tous les trésors de la terre pour vous ». C’était avant la découverte du pétrole.
L’émergence d’une économie de rente fondée sur les recettes des hydrocarbures a favorablement servi un régime politique où les libertés d’entreprendre, de produire et d’investir sont subordonnées à une autorisation de l’Etat qui ne la délivre que rarement étant contraire aux intérêts de l’équipe dirigeante. Toute production réalisée en Algérie par les algériens représente un manque à gagner pour les décideurs politiques qui trouvent leur bonheur dans les importations et leur protection dans la pérennité du régime.
Le pouvoir économique que procure l’Etat est centralisé dans la mesure où il est l’attribut de l’Etat propriétaire des ressources du sol et du sous-sol algérien. Les revenus pétroliers sont présents dans l’Etat, dans la tête de ceux qui pensent être l’Etat. L’Etat en Algérie veille la nuit et se repose le jour. Il n’est pas l’équivalent de ce qu’il est en Europe, c’est une propriété privée. Qui s’approprie l’Etat, s’accapare des richesses de la nation. Il s’agit d’un détournement de l’Etat par les clans qui s’en emparent.
Les hydrocarbures sont la propriété de l’Etat et non de la nation. Qui tient l’Etat tient la rente donc la bourse, par conséquent le peuple.
En posant la violence comme solution ultime au drame de la colonisation, la révolution du 1er novembre 1954 a été amenée à faire de l’armée, la source exclusive du pouvoir en Algérie.
Forts de cette légitimité historique, les dirigeants algériens vont faire du secteur des hydrocarbures la source exclusive des revenus du pays rendant le recours aux importations incontournable à la satisfaction des besoins du marché local notamment en biens de consommation final empêchant le développement de tous les autres secteurs et particulièrement l’agriculture vivrière rendant le pays dépendant du marché mondial pour assurer sa propre survie. La conséquence sera que toute production répondant aux besoins du marché local sera abandonnée et le recours aux importations rendu obligatoire.
Toute production locale menace les intérêts du régime. Toute compétence est rapidement écartée selon le principe, « Le clou qui dépasse interpelle le marteau ». Les élites sont nombreuses à demander toujours davantage à l’Etat en échange de leur allégeance politique à la couche sociale au pouvoir. L’Etat préfère avoir affaire à des sujets soumis qu’à des citoyens libres, à des consommateurs passifs qu’à des producteurs actifs, à des fonctionnaires dociles qu’à des paysans entêtés, à des chômeurs impuissants qu’à des ouvriers productifs.
L’important pour le régime, est d’éviter à tout prix que le monopole de l’Etat sur la redistribution de la rente ne lui soit disputé par une classe laborieuse indépendante.
Tout le reste, n’est que palabres et gesticulations. L’opposition toutes couleurs confondues « made système », c’est-à-dire constituée des wagons tirés par une locomotive. Elle n’a pour unique programme « ôtes toi que je m’y mette ». Elle est mue par des intérêts matériels et non par des convictions politiques ou religieuses, émargeant à la rente à l’instar du reste de la société civile qui a vendu son âme au diable, elle s’apparente « au crocodile avec une grosse gueule et de petites pattes ».
Elle ne constitue pas une alternative fiable. Elle ne dérange point le pouvoir, elle a besoin de s’y soumettre, « les chiens aboient, la caravane passe ». Si elle critique le pouvoir, elle doit être capable de reconnaître ses propres faiblesses. « Elle mange avec le loup et pleure avec le berger ». A chaque fois que l’on fait de l’Etat ou d’une petite élite, le principal acteur du développement, on suscite l’apathie générale du corps social et les citoyens se détournent des structures sociales et politiques organisées.
On se trouve devant une société éclatée, une classe dominante qui vivant de l’Etat n’a pas le sens de l’Etat mais de celui de ses intérêts. Cette classe a le goût de l’autorité et du prestige, elle ignore celui de l’austérité et de l’humilité.
En distribuant de l’argent sans contrepartie productive, le pouvoir crée une dépendance pathologique de la population à son égard et donc une assurance vie pour se préserver. On ne mord pas la main qui vous nourrit.
La salarisation en Algérie signifie émargement au rôle de la rente en contrepartie de son allégeance implicite à la classe au pouvoir. La rente pervertit et perturbe le rapport salarial et de profit. Nous ne produisons rien de nos propres mains nous ne créons à partir de notre cerveau.
Nous importons tout que nous finançons par nos exportations d’hydrocarbures. Dans un pays chômé et payé où l’argent facile coule à flots, l’économie cède les commandes au politique, le politique à l’incurie et l’incurie à l’écurie qui conduit vers l’abattoir. Est-ce un signe précurseur de la fin des temps ?
Difficile d’y répondre dans un monde dépravé où tout s’achète et tout se vend. Au regard de la mondialisation, nous ne sommes plus des êtres humains mais des objets marchands. Une fois la rente pétrolière et gazière épuisée, L’algérien va-t-il vendre ses organes vitaux et l’Algérienne ses organes génitaux pour survivre dans une Algérie sans pétrole et sans gaz ?