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Les fantômes du passé font écran au soleil du futur

Débat

Les fantômes du passé font écran au soleil du futur

Jamais une idéologie n’avait imposé sa domination de la manière que nous connaissons aujourd’hui. Hier et on peut même dire de tout temps, un système imposait ses valeurs par la machine bien huilée de l’enseignement, des médias et des églises. Les réfractaires ou les résistants déclarés se retrouvaient pris dans les filets de la justice qui les met à l’ombre en fonction de leur dangerosité.

De nos jours, quel paradoxe, les mêmes réfractaires ne risquent pas la prison dans le monde dit libre, mais sont pointés du doigt comme des pestiférés pour ne pas dire comme des fous pour avoir émis des opinions qui sortent du cadre prescrit par l’architecture du système. On vote des lois que l’on l’habille proprement mais on lâche la meute pour clouer au pilori celui et celle qui osent démasquer les pharisiens des temps modernes.

On le voit tous les jours dans certains domaines comme la Palestine ou bien les manifestations de rues, un droit constitutionnel. Quand on entend les réactions des idéologues et autres chiens de garde du système, on peut se demander qui des camps opposés est-il devenu fou. Un fou est celui qui pense que son monde fonctionne uniquement selon sa propre logique. Sa croyance ou certitude l’éloigne de la réalité pétrie par tant de variables de la vie.  Ce genre de comportement porte un nom, le déni de réalité. C’est pourquoi sur les plateaux de télé, on regroupe des gens qui pratiquent la langue de bois, une langue préfabriquée dans et par le confort matériel et la bonne conscience généreusement offerts par le système.

Le plus étrange est de découvrir que ce monde du mensonge et du  déni est l’enfant naturel de révolutions qui ont fait faire un saut qualitatif à l’Humanité. Un enfant d’une de ces révolutions, Napoléon Bonaparte, coupable de tant de désastres, avait pourtant l’intelligence (il était un grand mathématicien) d’attirer l’attention de ses troupes et savants de ne point tomber dans les travers de l’arrogance et du mépris. On lui doit cette célèbre phrase « du haut de ces pyramides, quarante siècles vous contemplent ». Cette déclaration contre le mépris de l’Autre (les Égyptiens bâtisseurs des pyramides) et contre l’arrogance de la grande armée de la révolution, devrait être présente dans les esprits d’aujourd’hui qui nous bassinent avec leurs prétentions à détenir la vérité et décréter la fin de l’Histoire….

Hélas les « détenteurs de la vérité » peuplent aussi le paysage de notre pays. Leurs mépris pour les pauvres (el ghachi comme les nomme un certain Monsieur) et leurs arrogances s’étalent sans vergogne sur la place publique rendant l’atmosphère irrespirable. Ils se prennent pour des ‘’professeurs’’ dont la mission est de faire de nous de bons musulmans. A côté de ces ‘’missionnaires’’, on trouve  des « idéologues » qui nous proposent un récit de l’histoire fantasmé et chauvin et une sociologie rudimentaire qui fait la part belle au conservatisme le plus corseté.

Les piètres connaissances du texte coranique par ‘’nos missionnaires’’ doivent faire pleurer dans leur tombe les philosophes de l’islam (Roumi, Hallaj, Ibn Arabi) dont la lecture et l’interprétation de l’islam nous donnent une idée du haut degré de leur érudition. Leurs textes sur la mystique de l’islam est le fruit d’une expérience intellectuelle après une intériorisation de la parole divine. Et ce n’est pas tout. Leurs textes sont admirables par la virtuosité de leur langue. Il faut dire que la langue poétique du Coran les a sans doute incités à ‘’imiter’’ la langue dudit Coran pour pénétrer les sens cachés et multiples des mots et des métaphores du texte coranique.

Quant à une certaine « élite » d’idéologues, elle nous vend des ‘’discours’’ dignes de la liturgie des églises. Leurs plumes font surfer la pauvre l’Histoire et la modeste sociologie sur l’écume des choses en tournant le dos aux bruits et aux fureurs des mouvements de la vie. La raison ? Ils s’enferment et veulent nous enfermer dans les espaces étriqués du chauvinisme, qu’il soit de nature ‘’identitaire’’, ‘’religieux’’ ou ‘’nationaliste’’.

Au passage, ces trois chauvinismes ont un point commun, le rejet de l’Autre éructé dans un langage aux antipodes de la virtuosité de la langue que l’on trouve dans les grands textes littéraires, religieux ou philosophiques. Ces chauvinismes chantent leur tribu, leur région, leur langue, leur secte religieuse sans manifester la moindre tolérance à l’encontre de l’Autre dont le cœur palpite autrement et vibre pour autre chose.

Cette intolérance doublée en général de l’ignorance des choses explique les malédictions dont le pays est victime. Et cette malédiction n’est pas prête de nous laisser en paix en dépit de productions intellectuelles, certes peu nombreuses et qui plus est noyées dans le flot de la ‘’pensée’’ dominante. L’explication de la persistance de cette malédiction est simple, elle se trouve au début du présent article…. Le système cultive des valeurs féodales devenues caduques par la force du temps qui s’écoule. Sa machine bien huilée remplit sa fonction en attendant le poète qui la fera grincer…. Oui c’est  la connaissance servie par la beauté de la langue qui nous procurera du plaisir et fortifiera l’esprit….

Après que ladite connaissance nous aura promené dans des chemins sinueux parsemés de trous noirs, nous forgerons alors un regard lucide sur le monde. Et à l’issue de ces voyages vertigineux, l’ivresse du soleil de la connaissance, chaude et troublante, se fera sentir. Ce soleil-là nous fera aimer tant de choses invisibles à l’œil nu.

Il offrira aussi tout naturellement à l’aventurier de l’errance, au cabossé de la vie, à l’être qui met en évidence les plaisirs de l’enchantement, oui ce soleil offrira généreusement à tous ceux qui souffrent des ténèbres, le droit de défricher et de s’installer dans un lieu sans muraille, éclairé par la seule lumière des étoiles.

Auteur
Ali Akika, cinéaste

 




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