Le procès de Bouaziz Aït Chebib, Kamira Naït Sid et Slimane Bouhafs devant le tribunal criminel de Dar El Beida. Slimane Bouhafs qui répond en dernier aux questions du juge a témoigné avoir été torturé.
Kidnapping d’État ou petit arrangement entre services sécuritaires ?
Slimane Bouhafs a, selon sa famille, été «enlevé» en Tunisie, le 25 août 2021, puis transféré «par force» en Algérie. Il a été placé depuis en détention.
Slimane Bouhafs est appelé à la barre. Converti au christianisme, le prévenu confie qu’un imam a mis sa tête à prix 500 millions.
Mais ce qui intéresse le juge c’est son éventuelle proximité avec le Mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie, classée organisation terroriste par le régime depuis 2021.
« Sur une supposée carte d’identité kabyle du GPK, retrouvée dans mes affaires et datant de 2012, comment elle n’a pas été retrouvée en 2016 et voilà que le DRS la retrouve en 2021 », s’étonne Slimane Bouhafs, selon un compte rendu publié par Alternew.info.
Bouhafs raconte son kidnapping en Tunisie presque nu, traîné par les pieds, violenté.
Le juge : ce sont des Tunisiens ?
Bouhafs : Je n’en sais rien.
Le juge : je te parle de ceux qui t’ont interrogé.
Slimane Bouhafs répond : Mais ceux qui m’ont kidnappé, ils m’ont torturé, ils m’ont uriné dessus, ils m’ont fait boire de l’urine. Et puis je me retrouve à Antar (centre de la Sécurité militaire à Alger, NDLR), après cette arrestation mouvementée, interrogé surtout sur ma religion ».
Plus loin, il souligne : « Je n’accuse pas l’État algérien, mais il y a en son sein une fraction qui n’en fait qu’a sa tête. Il y a forcément un lien entre mon kidnapping et le fait de me retrouver à Antar », selon la même source.
Slimane Bouhafs raconte avec émotion. La voix étranglée, il ajoute : « Ceux qui m’ont kidnappé ne peuvent pas être autres que des terroristes daechistes. Deux groupes m’ont escorté de la frontière tunisienne jusqu’à Antar ou je suis resté 5 jours puis on m’a confié à la police ». Le juge semble peu convaincu. « Comment des terroristes te livrent à la police ? », interroge le juge. « C’est toute la question M. le juge », répond le prévenu. Concernant ses aveux consignés, Slimane Bouhafs déclare qu’ils lui ont été soutiré sous les coups et les menaces.
Il balaye toute accointance avec le MAK : « Comment puis-je connaître Ferhat Mehenni ? interroge-t-il. « Je n’ai rien dit de tel, ce sont eux qui le disent ». Il déclare qu’il a connu Bouaziz Aït Chebib en prison. Le procès se poursuit à l’heure où nous écrivons ces lignes.
Kidnapping d’État ou petit arrangement entre services sécuritaires ?
Nous sommes le 25 août 2021, à la Cité Ettahrir, à Tunis, aux alentours de 13 heures. Trois individus en tenue civile surgissent d’une camionnette noire au matricule étranger, frappent à la porte de Slimane Bouhafs, militant et réfugié algérien exilé à Tunis depuis 2018, et l’embarquent sans ménagement. Le 29 août, la nouvelle est confirmée : Bouhafs est détenu dans un commissariat à Alger. Il est placé en détention provisoire le 1er septembre 2021, raconte jeune Afrique, dans un article sur cet enlèvement.
Slimane Bouhafs (55 ans) avait déjà passé 20 mois en prison. Il a été condamné, en septembre 2016, à 3 ans de prison ferme pour «atteinte à l’islam et au prophète Mohamed» sur la base de publications sur Facebook, avant d’être libéré fin mars 2018, après avoir bénéficié de mesures de la grâce présidentielle.
Synthèse L.M.