Après le lynchage en règle qu’elle a subie sur Facebook de la part d’individus apparentés au courant islamoconservateur, l’universitaire, poète plasticienne et romancière Inaam Bayoud, lauréate du prix Assia-Djebar pour son roman Houaria est de nouveau la cible d’une charge féroce de la part des partis politiques d’obédience islamiste, à l’instar du MSP et d’Al Bina Al Watani du sinistre Abdelkader Bengrina, deux entités politiques affiliées au courant mondial des Frères musulmans.
Dans un communiqué sanctionnant la réunion de son comité exécutif national qui s’est tenue, vendredi, au siège du parti, à Alger, le Mouvement pour la société pour la paix (Hamas) a appelé à « prendre des mesures fermes à l’égard de certaines élites qui menacent les éléments de l’identité nationale et qui visent à commercialiser un vocabulaire vulgaire dans des récits scandaleux qui ne méritent pas d’honneur », en référence directe au roman « Houaria » et son auteure, Inaam Bayoud.
Des représentants de l’Assemblée populaire nationale ont saisi le Premier ministre, Nadir Arbaoui l’appelant à « retirer le roman (du marché) et empêcher sa diffusion car il viole la morale publique ».
Ainsi, le représentant du Mouvement de la Construction nationale à l’Assemblée populaire nationale, Younes Hariz a demandé au Premier ministre, Nadhir Arbaoui, à sevir contre le roman « Houaria » en raison du « discours de haine et des propos obscènes qu’il contient ».
Dans son message le député Younes Hariz déclare exprimer « le mécontentement et la colère des habitants de la wilaya d’Oran en particulier, et des Algériens en général, suite à la grande insulte contenue dans un roman d’une écrivaine que personne ne connaît, malgré le poste important qu’elle occupe en tant que directrice de l’Académie arabe de traduction, basée en Algérie, et dont nos étudiants n’ont pas bénéficié malgré plus de deux décennies (depuis 2003) de son occupation de ce poste de responsabilité:.
Pointant du doigt le manque de vigilance du comité de lecture et de suivi avant la publication du roman « Houaria », le représentant d’Al-Bina pour la wilaya d’Oran s’est s’interroge: « comment un roman d’une telle mauvaise qualité littéraire a-t-il pu gagner la confiance du comité de lecture, recevoir le visa d’impression et d’édition, sous les yeux du ministère de la Culture et être mis sur le marché sans qu’il y est une d’enquête sur son contenu, ni savoir à qui profite de tels sujets qui incitent à la haine entre les composantes de la société algérienne. »
Plus virulent, le député A. Sid Cheikh Ouahid du bloc des indépendants à l’APN pour la wilaya d’Oran estime dans une correspondance adressée au Premier ministre Nadir Arbaoui que « le sujet du roman raconte des faits non conformes aux traditions et aux coutumes de la société algérienne, et il n’existe aucune preuve dans la réalité pour en étayer le contenu. »
Selon le député oranais, « « « le roman insulte notre religion et les croyances des Algériens, et le but que poursuit cette écrivaine n’est pas acceptable »
Il a ajouté : « Ce n’est qu’une preuve qui révèle l’intention de l’auteur qui veut jouer avec les sentiments de certaines personnes afin d’attirer l’attention autour d’elle ».
Le représentant du groupe des députés indépendants pour la wilaya d’Oran exige des pouvoirs publics « d’intervenir et d’enquêter sur cette affaire et de prendre les mesures nécessaires, ainsi que d’ordonner le retrait de ce livre et d’empêcher sa circulation parce qu’il porte atteinte aux bonnes mœurs ». Même la fondation Emir Abdelkader s’est mise de la partie. Elle a interpelé le chef de l’Etat pour qu’il intervienne pour interdire ce roman.
Soutien et solidarité avec « Houaria » et Inaam Bayoud
Immédiatement après la campagne de critiques visant « Hawariya », des écrivains, romanciers et éditeurs ont publié une déclaration dénonçant la « campagne féroce » visant la romancière Inaam Bayoud.
Les signataires de la pétition diffusée sur une plateforme électronique ont exprimé leur solidarité avec l’entreprise éditrice du roman ainsi qu’avec le jury du prix Assia Djeabar présidé par l’universitaire Abdelmadjid Bourayou
Les signataires ont condamné ce qu’ils appellent « la violation de la liberté de création, de publication et de promotion des œuvres de création, quelle qu’en soit la source ».
Que raconte « Houaria » ?
Dans des déclaration faites précédemment à une chaîne de télévision, l’écrivaine Inaam Bayoud avait déclaré vouloir « transmettre dans « Houaria » l’image et la réalité de gens simples qui n’ont pas une identité qui leur donne l’existence ».
Inaâm Bayoud a également souligné que « son choix de la ville d’Oran se veut une manière de véhiculer une image joyeuse de cette ville dans les années qui ont précédé la décennie noire ».
Samia Naït Iqbal