Après les ONG de défense des droits humains, les associations, les partis d’opposition et les activités, les librairies, derniers espaces de débats, sont dans le collimateur des autorités.
La librairie Cheikh à Tizi-Ouzou, un important centre de rencontres littéraires en Kabylie, vient d’annoncer l’arrêt de toute vente dédicaces dans ses murs. Elle devait organiser une rencontre autour du livre « L’Algérie juive, l’autre moi ». La décision fait suite à l’interdiction de la vente dédicace de ce livre écrit par Hedia Bensahli qui a suscité ces derniers jours un séisme dans les milieux islamistes embusqués au sein du pouvoir. Résultat : le livre est interdit et tous les exemplaires sont retirés des libraires.
Une autre rencontre littéraire autour du livre L’Algérie juive, (éditions Franz Fanon), prévue dans la capitale, a été annulée samedi 26 octobre, ont indiqué les organisateurs à l’AFP.
La librairie « L’Arbre à dire », à Alger, a déclaré avoir dû annuler cette lecture sur le patrimoine juif algérien sans donner plus de détails. L’annulation intervient quelques jours après qu’un député islamiste, Zouheir Fares, a affirmé que le ministère de la Culture avait interdit l’événement suite à sa demande formelle.
Un député islamiste appelle les autorités à intervenir
Il a également publié une lettre dans laquelle il appelle les autorités à prendre des mesures, qualifiant le livre de forme de « normalisation culturelle avec les sionistes« .
Dans sa missive, le député affirme que la préface est écrite par « une citoyenne de l’entité sioniste (Israël) ayant récemment servi dans son armée« , faisant référence à l’auteure française Valérie Zenatti qui signe la préface du livre de Hédia Bensalhi.
Dans une interview accordée en février 2024 au journal algérien Le Soir, Hedia Bensahli avait déclaré que son ouvrage était axé sur l’Algérie et couvrait plus de 2 000 ans d’histoire, précisant que le livre était déjà en vente avant le début de la guerre à Gaza en octobre 2023.
Il ne fait pas bon de rappeler l’existence d’un passé juif en Algérie. La guerre exterminatrice menée par l’armée israélienne à Gaza et au Liban s’invite en Algérie pour servir de justificatif d’un révisionnisme bête de notre histoire. Les éditions Koukou qui n’ont pourtant rien à voir avec le conflit qui délite le Proche-Orient est dans le collimateur des islamistes qui dirigent le ministère de la Communication. Une politique d’encerclement lui est imposée, lui interdisant de participer à tous les salons du livre. L’étouffement économique est la finalité de cette campagne haineuse.
Mais ce n’est pas seulement ce livre qui fait l’objet d’interdiction et d’incursion policière dans les librairies. Rappelons-nous celle menée fin juin à Bgayet par une escouade de la BRI dans la librairie Gouraya pour mettre un terme à une simple conférence-dédicace de Dominique Martre autour de son livre « La Kabylie en partage ». La conférencière, l’éditeur, Arezki Aït Larbi et tous les présents à cette rencontre dédicaces ont été embarqués comme des délinquants et passés à la question dans un commissariat de Bgayet.
Même les éditions Gallimard qui viennent de publier Houris de l’écrivain algérien Kamel Daoud sont interdites de participation au Salon international du livre d’Alger. Pendant ce temps les maisons d’éditions qui promeuvent le wahhabisme et l’islamisme le plus rétrograde y trouveront toute leur place au grand bonheur de nos dirigeants éclairés.
Bien entendu, les auteurs consensuels qui ne pipent mot de l’actualité ou de l’arbitraire qui rongent le pays peuvent continuer à signer à tour de bras leurs livres.
La rédaction