Site icon Le Matin d'Algérie

Les lingots d’Ouyahia, la plainte de Nekkaz contre Zeghmati et l’effet papillon

COMMENTAIRE

Les lingots d’Ouyahia, la plainte de Nekkaz contre Zeghmati et l’effet papillon

La théorie du chaos, connue du grand public sous l’appellation de «l’effet papillon», est considérée par bon nombre de scientifiques comme l’une des trois plus grandes découvertes du XXe siècle avec la relativité d’Einstein et la physique quantique.

Abordée par Henri Poincaré au XIXe siècle  la question de la prédictibilité des événements dans ce que l’on appelle en mathématiques un système dynamique, prit réellement forme en 1972 lorsque le météorologue Edward Lorenz intitula sa conférence portant sur la description des phénomènes atmosphériques «un seul battement d’ailes de papillon au Brésil peut-il déclencher une tornade au Texas ? ».

Le scientifique conclut d’abord par le fait qu’une infime modification des conditions initiales peut avoir de grands effets et en second lieu, compte tenu de l’impossibilité de déterminer avec précision la multitude de paramètres à un temps donné, il était peu probable de prévoir la météo à long terme.

Cependant un système chaotique, apparemment désordonné, obéit à certains principes mesurables et dissimule un certain ordre. Il ne fait pas n’importe quoi et n’agit pas n’importe comment.

Cette théorie mathématique s’étendit dans le domaine de l’économie, la philosophie, les sciences sociales, la biologie etc.

Elle nous laisse imaginer par exemple ce qu’aurait été le cours de la révolution et ce celui de l’Algérie indépendante si Ben M’hidi n’avait pas été arrêté puis exécuté ? 

Si Abane avait fait demi-tour sur le chemin de l’aéroport, pour prendre ce funeste avion vers Madrid et être finalement exécuté au Maroc ?

Que serait devenu l’Afrique du Nord si les aviateurs choisis par Oufkir pour abattre l’avion présidentiel du roi Hassan II n’avaient pas raté leur cible ? Qu’aurait été la conquête française en Algérie si le Dey Hussein Pacha n’avait pas infligé ce célèbre coup d’éventail au consul de France Pierre Deval ?

De la même façon la protesta et tous les bouleversements qui ont suivi auraient-ils eu lieu si Bouteflika n’avait pas brigué un cinquième mandat ?

Tous ces détails ou conditions initiales paraissent infimes par rapport aux événements qu’ils ont provoqués. Pourtant ils ont changé le cours de l’histoire.

A la question posée par le juge lors de son dernier procès : « Pourquoi avez-vous refusé de venir à l’audience des deux précédents procès ? », le général Tartag répond : Parce que les conditions ne sont pas les mêmes. Elles sont meilleures ».

Ahmed Ouyahia, l’une des plus illustres figures et concepteur du système politique algérien actuel, que l’on peut aisément qualifier de chaotique, échappant apparemment à toute prédictibilité, y est accoutumé. Il sait le décrypter, y déceler les changements de paramètres et de conditions.

Il ne paraît ni sénile ni fou au point de passer aux aveux pour un délit dont ni la justice ni l’opinion publique n’avaient eu vent. Il tente une tactique dont l’objectif final est de sortir du gouffre judiciaire dans lequel il pense avoir été injustement poussé.

Dans le même ordre d’idée Rachid Nekkaz, embastillé pour avoir osé une opinion, entreprend d’ester en justice, le ministre actuel de la Justice, devant la Cour suprême, le très controversé Zeghmati, pour pas moins de huit accusations.

Ouyahia et Nekkaz auraient donc choisi de redéployer leur système de défense. Pourquoi à ce moment précis ? Pourquoi pratiquement au même moment ? Se seraient-ils concertés ? Sûrement pas, étant  donné qu’ils sont incarcérés dans deux pénitenciers distincts, à des centaines de kilomètres l’un de l’autre.

La raison qui paraît la plus plausible est, comme l’a si bien précisé le général Tartag, les conditions ne sont plus les mêmes, elles sont meilleures.

Il semble aisé d’en deviner les plus apparentes, celles qui pourraient avoir un impact important sur les événements futures en général et sur le sort réservé aux détenus d’opinion et autres en particulier.

De quelles conditions s’agirait-il ? Tentons d’énumérer celles qui nous semblent le plus pertinentes.

La plus grande est sans contexte la disparition du général Gaïd Salah qui a permis à tout le monde d’espérer à nouveau.

L’éviction ou l’emprisonnement des principaux généraux entourant le général défunt, qui contrôlaient presque tout, vient en second lieu.

L’accession de Tebboune à la présidence dans un premier temps, puis sa maladie qui en a fait un président intermittent dans un second temps, a créé un vide qui ne saurait ne pas être comblé.

L’importance du chef d’état-major,  Saïd Chanegriha, qui croît d’une manière inversement proportionnelle à celle du gouvernement. 

Les conditions sécuritaires régionales qui se sont détériorées en cette année 2020,  les dangers induits par les enjeux géostratégiques et bien perçus par le citoyen connecté de plus en plus aux réseaux sociaux, le poussent à plus de prudence dans les jugements et plus de retenue dans les comportements.

Le recul du hirak et son hypothétique reprise dus, selon la vox populi, à la mise en œuvre d’une politique de répression et d’intimidation sous toutes ses formes, à la détérioration de la situation sociale et enfin à la crise sanitaire provoquée par la Covid.

Et enfin, dernière condition et pas des moindres, l’acquittement des inculpés de Blida, la libération du général-major à la retraite, Mohamed Mediene, le retour en grandes pompes du général à la retraite Khaled Nezzar et enfin la prise de fonctions à des postes stratégiques d’anciens des Services.

Ce qui  augure de futures bifurcations dans la trajectoire de la maison Algérie.

Bien que « chaotique » et évoluant d’une manière apparemment imprédictible, le système fonctionnera probablement selon ses règles de base, avec les conditions initiales décrites plus haut.

Ce qui provoquera assurément un changement conséquent dans un futur pas aussi lointain que ce que l’on peut s’imaginer. Prions pour qu’il  soit dans le sens du progrès humain, du développement économique et de la modernité.

Auteur
Djalal Larabi

 




Quitter la version mobile